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noiffant pas de frein quand elle est

HENRI III. une fois livrée à fa fougue; mais une 1588. main habile dirige & tempère l'impétuofité de fes mouvemens. L'œil de la vigilance eft ouvert fur les actions & fur les paroles, non pour gêner le citoyen, mais pour affurer fa tranquillité contre les ténébreufes mancuvres de la rebellion & du libertinage. Rien n'eft négligé. Une rumeur eft faifie jufqu'à la fource, un éclat arrêté dans fon principe. Nul afile pour le brouillon obfcur qui rampe dans les ténébres, nulle reffource pour le féditieux hardi qui brave l'autorité. Des foldats, affujettis eux-mêmes à une difcipline févère, en impofent à la multitude par leur nombre, le fréquent retour des patrouilles, & la facilité de la correfpondance. Ainfi la fureté eft établie dans les fociétés, la fubordination dans les familles : un peuple immenfe vit dans la paix & l'abondance, redevable de fon bonheur aux foins pénibles du magiftrat, qui exerce fous les yeux du prince ce ministère de confiance.

Les refforts de ce gouvernement reçoivent leur première impulfion de la puiffance royale, au lieu qu'autrefois le corps municipal, étoit feul arbitre

1588.

des réfolutions & dépofitaire des forces. Paris avoit alors des murailles flan- HENRI III. quées de groffes tours, des portes qui fe fermoient exactement, & les échevins en gardoient les clefs. La bourgeoifie étoit enrégimentée. Elle élifoit fes capitaines, & le formoit, par de fréquens exercices, au maniement des armes. Il y avoit aux coins des rues de groffes chaînes fcellées qu'on tendoit à la première allarme, pour fermer les quartiers. On faifoit à toutes les maisons des faillies, qui les rendoient plus propres à l'attaque & à la défenfe. Enfin le peuple avoit fes bannières, des places d'affemblées fixées, fes mots de ralliement; & il ne falloit qu'un coup de tambour, pour mettre fous les armes une multitude de foldats, peu aguerris à la verité, mais redoutables par leur nombre.

La ville étoit diftribuée en seize quartiers. Comme dans ce temps de fermentation chacun fe croyoit chargé des affaires de l'état, il s'étoit établi dans chaque quartier une espèce de confeil, où l'on traitoit des intérêts de la fainte union. Le chef de l'affemblée alloit enfuite rapporter au confeil général de la Ligue le résultat de la délibération, les vues, les projets, la dif

pofition des efprits, l'état des forces,

HENRI III. & en recevoit les ordres nécessaires au foutien de la cause commune.

1588.

On préfume bien que ce chef n'étoit pas un des moins ardens du confeil. Les propofitions que chacun des feize chefs portoit au confeil général, productions d'imaginations échauffées, étoient quelquefois jugées fi déplacées, fi téméraires, qu'on les rejettoit. Selon l'ordinaire des caractères emportés & dominans, ils ne manquoient pas d'être vivement piqués de l'improbation. Ils murmuroient, ils fe communiquoient leur mécontentement, & comme ils avoient les mêmes prétentions à foutenir, ils s'accoutumèrent à s'affembler. Ainfife forma le fameux confeil des feize.

C'étoient feize forcenés, qui une fois échauffés par une idée, ne connoiffoient plus ni autorité, ni raisons. Quelquesuns fe trompèrent de bonne foi; moins coupables, mais auffi dangereux, ils croyoient fermement que Henri III en vouloit à la religion Catholique. C'étoit le point d'où ils partoient dans toutes leurs délibérations. Ils s'entêtoient de la certitude de ce prétendu deffein du roi, & travailloient enfuite à en convaincre les confeils des

quartiers, ajoutant à l'accufation ce principe, que tout étoit permis pour HENRI 111. défendre la religion ainfi menacée. Les 1588. feize trouvoient dans les affemblées des quartiers des gens auffi animés qu'eux, que le fanatifme remuoit auffi puiffamment, & qui enfantoient des projets. Ils communiquoient à leur chef. Celuici en faifoit part au conseil des seize, qui se trouvoient ainfi pouffés à leur tour par l'entoufiafme qu'ils avoient eux-mêmes infpiré.

les

Différentes

Ce ne peut guère être que cette circulation de féduction, rendue plus vive conjurations. par l'appréhenfion du châtiment des anciens attentats, & auffi la haine toujours plus animée de la ducheffe de Montpenfier, qui ait occafionné le fameux complot des Barricades.

que

Pendant que tout étoit calme, & le roi loin de rejetter la requête de Nancy, faifoit efpérer une réponse favorable, fans nouveau prétexte, il vient dans l'esprit aux Ligueurs de fe faifir de fa perfonne. Ils méditent d'abord d'exécuter leur deffein pendant les réjouiffances du carnaval. Če coup manqué, parceque Poulain en donne avis, les feize font le dénombrement de leurs forces. Il fe trouve vingt mille

hommes capables de prendre les armes. HENRI III. Avec ces troupes, ils prennent la réfo1588. lution d'attaquer le Louvre même, de faire main baffe fur les gardes, d'arrêter Henri & d'égorger toutes les perfonnes fufpectes, courtifans ou miniftres; encore averti par Poulain, le roi fait porter en plein jour des armes dans le Louvre, & mande quatre mille Suiffes pour renforcer fa garde. A cette nouvelle, le duc de Guife, qui s'étoit avancé jufqu'à quatre lieues de Paris, retourne à Soiffons.

de Guife de

Le roi fait dé- Ainfi abandonnés, les feize frémiffent fendre au duc à la vue des fupplices que la vengeance. venir à Paris, du roi leur prépare. Ils s'imaginent déja être conduits au gibet & traînés à l'échaffaut. Un défefpoir affreux s'empare. de cette troupe auparavant fi audacieufe, ils envoient au duc de Guife députés fur députés ; ils lui écrivent qu'ils vont tout abandonner, s'il ne vole à leur fecours. Dans ce moment il ne falloit de la part de Henri qu'un coup d'autorité, pour diffiper toute la faction; mais perfuadé apparemment qu'elle feroit toujours peu redoutable en l'abfence du chef, il envoie Bellievre un de ses miniftres lui porter défense de venir à Paris.

Pendant le voyage de Bellievre, la

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