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un grand foupir. Par un refte de vigueur, il fe débarraffe de leurs mains. HENI III. Les bras tendus, la bouche ouverte, les 1588. yeux éteins, il court jufqu'au bout de la chambre. Un des complices ne fait que le toucher, il tombe & expire.

On arrête

> monde.

Le Cardinal de Guife & l'Archevêque de Lyon qui étoient au confeil, beaucoup de entendant du bruit, veulent aller à fon fecours : il n'étoit plus temps. On les arrête de la part du roi, ainfi que la mère du défunt, fon fils, fes plus proches parens, le vieux cardinal de Bourbon, & les principaux partifans du duc, tant dans le château que dans la ville. Henri defcend auffitốt chez fa mère, retenue au lit par des infirmités qui la conduifirent bientôt au tombeau. Le roi de Paris n'eft plus, Madame, lui dit-il en entrant, & je fuis roi déformais. Vous avez fait mourir le duc de Guife, reprit-elle en foupirant? Dieu veuille que cette mort ne vous rende pas roi de rien. C'est bien coupé, mon fils, mais il faut coudre. Avez-vous pris toutes vos mefures? Il la pria d'être tranquille & alla fe montrer au peuple.

Henri eut une longue conférence avec Morofin, légat du pape, homme doux & prudent, qui, fe renfermant

dans fon emploi, fe contenta d'exhorHENRI III. ter le roi à foutenir la religion, fans 1588. approuver, ni blâmer la mort du duc de Guife. Cette modération du légat fit croire au roi que la mort du cardinal de Guise seroit indifférente à la cour de Rome. On le regardoit comme prefqu'auffi dangereux que fon frère, turbulent, emporté, capable de fouffler dans tous les cœurs le defir de vengeance dont il étoit animé. Sa mort fut réfolue.

Mort du cardinal de Gui

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Beaucoup de

Enfermé dans une chambre haute avec l'archevêque de Lyon, ils avoient paffé en prieres le jour de cette fanglante catastrophe, & la nuit qui la fuivit. Le matin du 23 on les fépara. Chacun crut de fon côté qu'il étoit deftiné · à la mort. Le cardinal fut bientôt éclairci; on lui déclara qu'il n'avoit plus qu'un inftant à vivre. Il fe mit à genoux, recommanda fon ame à Dieu, & fe couvrant la tête, il s'écria: Faites votre commiffion. Auffitôt des foldats le tuerent à coups de halebardes. Les corps des deux frères furent mis avec leurs habits dans la chaux vive pour être confumés, de peur que les Ligueurs n'en fiffent des reliques.

Précaution inutile, file roi avoit fu s'armer

fauvent.

s'armer de vigueur, & écraser le fanatifme par l'autorité, au lieu de fe conten- HENRI III. ter de lui enlever quelques villes. Mais 1588. comme fi l'effort qu'il venoit de faire prifonniers fe en abattant la tête du chef, l'eût épuifé, il retomba bientôt dans fa langueur ordinaire. Commandant fans force, il fut fervi mollement. La plupart des prifonniers faits au moment du maffacre, s'échappèrent. Plufieurs furent même relâchés par des ordres émanés d'une trop grande bonté. Il ne lui refta enfin que le jeune prince de Joinville qui prit le nom de duc de Guife, & le vieux cardinal de Bourbon, dont on craignoit moins la perfonne que le nom. Encore le roi fut-il obligé de racheter ces deux prifonniers de ceux à qui il les avoit d'abord donnés en garde, & qui tentés par l'argent des L1gueurs, mirent à prix leur fidélité à l'égard du fouverain. Le duc de Mayenne fut manqué d'une heure par ceux qui avoient été envoyés à Lyon pour l'arrêter, Il fe fauva en Bourgogne, fon gouvernement,bien embarraffe d'abord du parti qu'il devoit prendre; mais bien raffuré, fitôt qu'il eût fu ce qui fe paffoit

à Paris.

Ony apprit le vingt-trois au foir la mort Confterna Tome III.

E

du duc de Guife.Il eft impoffible d'expriHENRI III. mer l'effet que produifit cette nouvelle. 1588. Larmes, fanglots, fanglots, gémiffemens tion à Paris, douleur fombre & morne; tout ce qui dont le roi ne caractérise un peuple confterné, fe pei

profite pas.

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gnoit dans les actions & fur le vifage des Parifiens. On s'abordoit d'un air lugubre, on s'embraffoit avec un filence farouche, les yeux gros de pleurs, le cœur ferré, comme fi on fe fût dit le dernier adieu. Les églifes étoient pleines de femmes qui fe lamentoient. Les prédicateurs fe turent, ou fe contentèrent d'abord de déplorer ce malheur, fans parler de vengeance. Les plus zélés Ligueurs, incertains & tremblans, reftoient renfermés dans leurs maifons. Un homme d'autorité paroiffant de la part du roi dans ce moment d'épouvante, fecondé de quelques troupes, & appuyé des fidèles ferviteurs que ce prince confervoit dans le Parlement; dans les autres Cours, & auprès de la principale Bourgeoifie, auroit forcé les chefs de la faction à s'exiler d'eux-mê-. mes; & la populace enfuite, dénuée de confeils, auroit aifément rentré dans 1589. le devoir.

Les factieux

L'indécifion du roi perdit tout: il reprennent n'envoya qu'un négociateur. Dès le

cœur.

vingt-cinq, jour de Noël après vê

pres, les factieux, revenus de leur HENRI III. étourdiffement, s'affemblèrent à l'hô- 1589. tel de ville. Se trouvant réunis contre leur attente, ils éclatèrent non plus en gémiffemens douloureux fur le malheur de leur chef, mais en invectives contre le roi. Les feize, d'autant plus à craindre qu'ils venoient de voir le danger de plus près, parurent à cette affemblée environnés de fatellites auxquels ils infpiroient toute leur fureur. Impatiens d'exercer leur vengeance, ils sembloient ne chercher que des victimes. Harlai, premier préfident, & d'autres magiftrats coururent avec lui à cette affemblée, infpirés par le defir de la paix. Les rebelles les regardoient d'un œil féroce, prêts à les déchirer au moindre mot de conciliation. Ils furent donc forcés de joindre leurs voix aux acclamations de la populace qui nomma gouverneur de Paris le duc d'Aumale, frère uterin du duc de Guife. Auffitôt le nouveau gouverneur leva une armée pour donner du fecours à Orléans que le roi preffoit, & la révolte fut confommée.

Mort de la

Pendant ce temps, Henri faifoit tranquillement la clôture des états de Blois reine mère.

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