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ducheffe de Montpenfier fe préfente au

roi, elle fe jette à fes pieds, le conjure HINRI III. avec larmes de permettre à fon frère 1588. de venir fe juftifier des crimes qu'on lui impute; & en même temps qu'elle tranquillife Henri par ces démarches foumifes, elle lui dreffe une embuscade, & apofte dans le fauxbourg faint Antoine des troupes, qui devoient l'enlever lorfqu'il revenoit peu accompagné de Vincennes. Elle auroit réuffi, fans le fidéle Poulain, qui avertit encore. Le roi fe fit efcortet par une garde plus

nombreuse.

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Les ordres du roi mal exécutés.

Mém, de

Nevers, t. I.
Matth. 1.

page 164.

VIII, pag.

Les opinions étoient fort diverfes à la fur la néceffité du voyage du duc de Guife. Plufieurs préfumoient que fa préfence pourroit accommoder les affaires en forçant Henri de fufpendre, par crainte ou par égards, les éclats de la vengeance qu'il méditoit. C'étoit peut- 543, être l'idée de la reine mère, lorfqu'elle dit à Bellievre, chargé d'arrêter la marche du duc de Guife: S'il ne vient le roi eft fi en colère, qu'un monde de gens d'importance font perdus.

Cette contrariété de fentimens, dans des perfonnes qui n'auroient dû en avoir qu'un avec le roi, rendoit moins hardis ceux qu'il chargeoit de fes ordres. Il

paroît que Bellievre n'ofa fignifier au

HENRI HII. duc de Guife la défenfe abfolue de ve1588. nir à Paris, dans la crainte d'être facrifié enfuite. Au lieu d'être fourd à toutes les objections, comme le portoit fa commiffion, il écouta les raifons du duc, & fe chargea de les faire valoir. Celui-ci donna en attendant quelques paroles ambigües. Bellievre de retour reçut ordre pofitif de défendre au duc d'approcher. Le courier chargé de cette défense ne put partir, faute de vingt-cinq écus qui ne fe trouvèrent point au tréfor. Üne lettre fi impor¬ tante fut mife à la poste ordinaire. Guise fit femblant de ne l'avoir pas reçue, & fe mit en marche par des routes détournées; de forte que tous ceux qui furent envoyés au devant de lui, pour le faire retourner, le manquèrent.

Guife arrive

à Paris

Il entra dans Paris, par la par la porte faint Denis, le lundi neuf Mai, fur le midi, accompagné feulement de fept perfonnes, tant maîtres que valets; mais, dit Davila, qui a rapporté toutes les circonftances de cet événement, d'après fon frère, témoin occulaire; comme une pelote de neige s'augmente en roulant, & devient bien-tôt auffi groffe que la montagne d'où elle s'eft détachée;

1588.

de même au premier bruit de fon arrivée, les Parifiens quittèrent leurs mai- HENRI III. fons le fuivre; & en un moment pour la foule s'accrut de manière qu'avant que d'être au milieu de la ville, il avoit déja plus de trente mille personnes autour de lui.

Le peuple paroiffoit ivre de joie. Joie folle Jamais il n'avoit crié d'auffi bon cœur ; des Parifiens, Vive le roi, qu'il cria cette fois Vive Guife. Les démonftrations de contentement & d'allégreffe publique ne peuvent aller plus loin : les uns le faluoient & le combloient tout haut de bénédictions, le nommant le libérateur & le. fauveur de la patrie : les autres ne pouvant s'approcher, tendoient vers lui les mains en pliant le corps, comme s'il eût été une divinité. On en vit fléchir les genoux, baifer le bas de fes habits, lui faire toucher leurs chapelets & s'en frotter enfuite les yeux, comme fi fon artouchementeût communiqué quelque vertu. De toutes les fenêtres les dames & les demoiselles jettoient devant lui des rameaux & le couvroient de fleurs. Pour lui, tranquille & ferein, il parloit, à l'un, entretenoit l'autre, faifoit aux plus éloignés figne de la main, faluoit aux fenêtres, d'un vifage riant, & mar-:

choit tête nue au petit pas, au milieu

HENRI III. de cette multitude.

1588. Avec ce cortège plus flatteur que Il defcend l'éclat d'un triomphe apprêté, le duc chez la reine de Guise alla defcendre à l'hôtel de

mère.

Elle le mene

il courut du rifque.

Soiffons, près de faint Eustache, où demeuroit la reine mère. Elle changea de couleur en le voyant, & fut faifie d'un tremblement, qui fe fit remarquer; puis fe remettant, elle lui dit qu'elle auroit voulu qu'il ne fût pas venu à Paris dans ces circonstances. Il répondit fans fe déconcerter, que l'envie de fe juftifier auprès du roi, ne lui avoit pas permis de différer ; & changeant de propos, il aborda les dames de la cour, leur fit des complimens & lia converfation avec elles. Pendant ce temps la reine envoya Davila dire au roi que le duc de Guife étoit arrivé, & qu'elle alloit le lui mener.

Ils fe mirent en chemin, elle portée chez le roi où dans fa chaife; lui à pied, s'entretenant avec elle, parlant à l'un, careffant l'autre, faluant tout le monde, jufqu'aux gardes. Il les trouva doublés en arrivant au Louvre, les Suiffes étoient en haie, les archers dans les falles & une foule de gentilshomines rangés dans les chambres qu'il falloit

travetfer. L'air morne avec lequel on

recevoit fes politeffes, le frappa; il HENRI II. fentit une foudaine frayeur courir dans 1588. ses veines: & ce n'étoit pas fans cause.

& y retourne

On délibéroit alors dans le cabinet du roi de fa vie ou de fa mort. Frappez le pafteur, difoit un des Il fe fauve, Confeillers, & le troupeau fe diffipera. mieux accom Le duc arriva dans ce moment. Hen- pagné, ri le regardant d'un air févère, lui dit : Je vous avois fait avertir de ne point venir. Sachant, répartit le duc, les calomnies dont on me noirciffoit auprès de Votre Majefté, je lui apporte ma tête, fi elle me juge coupable. Je ne ferois cependant pas venu fi elle eût daigné me faire une défenfe plus expreffe. Ce dernier mot donna lieu à une explication entre le duc & Bellievre, que le roi appela pour convaincre Guife de défobéiffance. Pendant cette conteftation la reine mère tira fon fils à quartier & lui remontra que fi on faifoit la moindre violence au duc, il y avoit tout à craindre de la fureur du peuple affemblé en foule devant le palais. Guise, qui avoit l'œil à tout, profite de ce moment d'irréfolution, prétexte la fatigue du voyage, falue le roi, & fort. Il retourna le len

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