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bras gangrèné, & cela fous prétexte que fa plaie fe feroit peut-être guérie, & qu'il fe ferviroit encore de fon bras. La douleur de l'opération eft paffée : ne condamnons pas durement ceux qui ont cru devoir la faire pour notre fureté. Regrétons nos frères, ces membres qu'on a été forcé de retrancher; & que la cicatrice de la plaie, encore fenfible, nous donne de l'averfion pour toutes les conteftations qui pouroient renouveler les mêmes malheurs.

Il y eut beaucoup de variations dans les édits qui fuivirent la révocation. Les uns permettoient de fortir du royau me, d'autres le défendoient & l'accordoient de nouveau. Quelques-uns ftatuoient des peines févères contre les opiniâtres, & prefqu'en même-temps il en paroiffoit qui accordoient des grâces & donnoient des efpérances. Il fembloit qu'on ne fuivit ni régle, ni fyftême :: cependant ou le moment fut habilement faifi, ou les mesures furent bien prifes, puifqu'il n'y eut aucune émeute confidérable. Les réformés cédèrent à l'autorité armée de la force, & cefférent dans toutes les villes leurs affemblées religieufes. Ils ne fe réunirent plus que dans des lieux fauvages, des

bois épais, des grottes inacceffibles, où quelques miniftres échappés à la vigilance des magiftrats, venoient adminiftrer les Sacremens, faire la Cène, & exhorter leurs profélites à la perfévé Fance. C'eft ce qu'on a nommé les af femblées du défert.

Elle fe multiplièrent dans les provinces éloignées de la Capitale, & furtout dans les endroits de ces provinces, éloignés des villes. La guerre de 1689, pendant laquelle Louis XIV eut presque toute l'Europe contre lui, ralentit l'attention de la cour, foit qu'elle fût diftraite par des objets plus importans, foit qu'elle appréhendat que trop de gène ne portât les Calviniftes à la révol parut alors dans les montagnes

te. Il

des Cevennes, limitrophes du haut Languedoc, des fanatiques connus fous le nom de Camifars; (*) endoctrinés par des miniftres enthoufiaftes, ils s'imaginoient être infpirés, fe croyoient prophètes & autorifés par la voix inté rieure de l'efprit à prendre les armes,

(*) On donne à cette dénomination trois étymolo

gies: Camifade, parcequ'ils attaquoient brufquement: Camife, qui fe dit dans ce pays là pour chemife, parcequ'ils en manquoient, & que c'étoit ce qu'ils pilloient plus volontiers: Camis, qui fignifie grands che mins, parcequ'ils les infestoient.

pour la défente de leur religion. Ils déclarèrent la guerre fur-tout au clergé. Comme c'étoient des payfans brutaux, il n'y a point de cruautés qu'ils ne fe permiffent contre les prêtres & les religieux. Ils en mutilèrent & maffacrèrent un grand nombre. Ils pillèrent les abbayes, brûlèrent les églifes, & renouvélèrent toutes les horreurs des premières guerres de religion. Les Anglois & les Hollandois leur fournirent des munitions & firent paffer dans le pays des officiers, pour les difcipliner. Après avoir inutilement tenté de les retenir par des punitions exemplaires, Louis XIV envoya contre eux en 1703 & en 1704, des troupes réglées qui n'eurent que des fuccès médiocres, & enfin il les foumit plus par des grâces que par des châtimens.

Depuis ce temps les réformés font reftés tranquilles, & quoique follicités à plufieurs reprises par les ennemis de la France, ils n'ont pas cherché à s'affranchir de la gène que la Loi leur impofe. Sans pafteurs, fans miniftres

avoués, ils vivent dans le fein de la France, non tolérés, mais comme ignorés; ils jouiffent de tous les droits utiles de citoyens, pourvu qu'ils ne troublent

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pas l'ordre civil. Quoique confondus dans la foule, l'œil du prince eft ouvert fur eux autant pour les garantir des fureurs du faux zèle, que pour les réprimer eux-mêmes s'ils s'écartoient. S'ils font privés des grâces, exclus des honneurs, quiconque auffi les molefte en haine de leur religion, encourt la difgrâce du Souverain, de Louis le bien aimé, qui père de tous fes fujets, veille indiftinctement fur leur bonheur.

FIN.

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