difant: Tenez, mon ami, attachez-vous à quelque honnêre profeffion; employeż. bien votre tems, & foyez für que je ne vous abandonnerai point. Deux mois après cette avanture, il arriva que le jeune Piquillo, qui de tems en tems venoit faire fa cour à Don Pa→ blos parut un jour tout en pleurs de vant lui. Qu'avez-vous, lui dit BahaBon? Seigneur, répondit le fils d'Am. Brofio, je viens d'aprendre une nouvelle qui me déchire le cœur. Mon pere a été pris par un Corfaire Algerien,. & il eft actuellement dans les fers. Un Vieillard de Salamanque, qui revient d'Alger, où il a été dix ans captif, & que les Peres de la Merci ont rache ré depuis peu, m'a dit tour à l'heure Favoir laifle dans l'efclavage. Hélas! ajoûta-t'il, en fe frapant la poitrine & sarrachant les cheveux, miferable que je fuis!C'eft moi dont le libertinage a réduit mon pere à cacher fon argent, & à fe bannir de fa Patrie! C'est moi qui Rai livré au Barbare qui l'accable de chaînes! Ah, Seigneur Don Pablos,.. pourquoi m'avez vous riré des mains de la Juftice! Puifque vous aimez mon gere, i faloit être fon vengefir, & me laiffen laiffer expier, par ma mort, le crime d'avoir caufé tous fes malheurs. A ce difcours, qui marquoit un fripon de fils converti, le Recteur fut touché de la douleur que le jeune Piquillo faifoit paroître. Mon enfant, lui dit-il, je vois avec plaifir que vous vous repentez de vos fautes paffees. Mais effuyez vos larmes. Il fuffit que je fçache ce qu'Ambrofio eft devenu,, pour vous affurer que vous le reverrez. Sa délivrance ne dépend que d'une rançon, dont je me charge. Quelques maux qu'il puiffe avoir foufferts, je fuis perfuadé qu'à fon retour, trouvant en vous un fils fage & plein de tendreffe pour lui, il ne fe plaindra plus de fon mauvais fort. Don Pablos, par cette promeffe, renvoya le fils d'Ambroife tout confolé: & trois ou quatre jours après il partit pour Madrid, où étant arrivé, il remit aux Religieux de la Merci une bourfe où il y avoit cent piftoles, avec un petit papier fur lequel ces paroles étoient écrites Cette fomme eft donnée aux Peres de la Redemption, pour le rachat d'un pauvre Bourgeois de Salamanque, apelle Ambrofio Piquillo, Captif à Alger. Ces bons Religieux, dans ce voyage qu'ils vien viennent de faire à Alger, n'ont pas manqué de fuivre l'intention du Recteur. Ils ont racheté Ambrofio, qui eft cet Efclave dont vous avez admiré l'air tranquille. Mais il me femble, dit Don Cléofas, que Bahabon n'en doit plus guéres de refte à ce Bourgeois. Don Pablos penfe autrement que vous, répondit Afimodée. Il reftituera le principal & les intérêts La délicateffe de fa confcience va jufqu'à fe faire un fcrupule de pofféder le bien qu'il a gagné depuis qu'il eft Recteur. Et quand il reverra Piquillo, il a deffein de lui dire: Ambrofio,, mon ami, ne me regardez plus comme votre bienfaiteur; vous ne voyez en moi que le fripon qui a déterré l'argent que vous aviez caché dans un bois. Ce n'eft point affez que je vous rende vos deux cens cinquante doublons, puifque je m'en fuis fervi pour parvenir au rang que je tiens dans le monde, tous mes effets vous apartiennent. Je n'en veux retenir que ce qu'il vous plaira, que... Le Diable Boiteux s'arrêta tout court: en cet endroit. Il lui prit un friffon, & il changea de vifage. Qu'avez-vous, lui dit l'Ecolier? Quel mouvement extraordinaire vous agite, &% & vous coupe fubitement la parole? Ah! Seigneur Léandro, s'écria le Démon d'une voix tremblante, quel malheur pour moi! Le Magicien, qui me tenoit prifonnier dans une bouteille, vient de s'apercevoir que je ne fuis plus dans fon Laboratoire. Il va me rapeller par des conjurations fi fortes, que je n'y pourrai réfifter. Quej'en fuis mortifié, dit Don Cléofas tout atrendri! Quelle perte je vais faire! Hélas nous allons nous féparer pour jamais. Je ne le crois pas, répondit Afmodée. Le Magicien peut avoir befoin de mon miniftére; & fi j'ai le bonheur de lui rendre quelque fervice, peut-être par reconnoiflance, me remettra-t'il en liberté. Si cela arrive, comme je l'efpére, comptez que je vous réjoindrai auffi-tôt; à condition que vous ne révélerez à perfonne ce qui s'eft paffe cette nuit entre nous: car fi vous aviez Findifcrétion d'en faire confidence à quelqu'un, je vous avertis que vous ne me reverriez plus. Ce qui me confole un peu d'être obligé de vous quitter, pourfuivit-il, c'eft que du moins j'ai fait votre fortune vous épouferez la belle Séraphine, que jai rendu fölle de vous. Le Seigneur Don Don Pedro de Efcolano, fon pere, eft dans la réfolution de vous la donner en mariage. Ne laiffez point échaper un fi bel établiffement. Mais, miféricorde, ajoûta-t'il j'entens déja le Magicien qui me conjure. Tout l'Enfer eft effrayé des paroles terribles que prononce ce redoutable Cabalifte. Je ne puis demeurer plus long-tems avec votre Seigneurie. Jufqu'au revoir, cher Zambullo. En achevant ces mots, il embraffa Don Cléofas, & difparut, après l'avoir transporté dans fon apartement. CHAPITRE X. ET DERN. IE R.. De ce que fit Don Cléofas, après que le Diable Boiteux fe fut éloigné de lui; & de quelle façon l'Auteur de cet ouvrager a jugé à propos de te finir.. UN N moment après la retraite d'Af modée, l'Ecolier fe fentant fati-. gué d'avoir été toute la nuit fur fes jambes, & de s'être donne beaucoup de mouvement, fe deshabilla & fe mit au lit |