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De la

nir à peine de leur falut, n'aimer de la Mode. Parole de Dieu que ce qui s'en prêche chez foi ou par fon Directeur, préférer fa Meffe aux autres Meffes, & les Sacremens donnés de fa main à ceux qui ont moins de cette circonftance, ne fe repaître que de Livres de fpiritualité, comme s'il n'y avoit ni Evangiles, ni Epîtres des Apôtres, ni Morale des Peres, lire où parler un jargon inconnu aux premiers fiécles, circonftancier à confeffe les défauts d'autrui, y pallier les fiens, s'accufer de fes fouffrances, de fa patience, dire comme un peché fon peu de progrès dans l'héroïsme, être en liaison fecrette avec de certaines gens contre certains autres, n'eftimer que foi & fa cabale, avoir pour suspecte la vertu même, goûter, favourer la profpérité & la faveur, n'en vouloir que pour foi, ne point aider au mérite, faire fervir la piété à fon ambition, aller à son salut par le chemin de la fortune & des dignités, c'eft du moins jufqu'à ce jour le plus bel effort de la dévotion du

* Faux

tems.

Un dévot* eft celui qui fous un dévot. Roi athée, feroit athée.

* Les

dévots.

* Les dévots ne connoiffent de CHAP. crimes que l'incontinence, parlons XIII. plus précisément, que le bruit ou les † Faux dehors de l'incontinence. Si Pherecyde paffe pour être guéri des femmes, ou Pherenice pour être fidelle à fon mari, ce leur eft affez : laiffez-les jouer un jeu ruïneux, faire perdre leurs créanciers, fe réjouir du malheur d'autrui & en profiter, idolâtrer les Grands, méprifer les petits, s'enyvrer de leur propre mérite, fécher d'envie, mentir, médire, cabaler, nuire, c'eft leur état: voulez-vous qu'ils empietent fur celui des gens de bien, qui avec les vices cachés fuyent encore l'orgueil & l'injuftice?

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* Quand un Courtifan fera humble, guéri du fafte & de l'ambition qu'il n'établira point fa fortune fur la ruïne de fes concurrens, qu'il fera équitable, foulagera fes vaffaux payera fes créanciers, qu'il ne fera ni fourbe, ni médifant, qu'il renoncera aux grands repas & aux amours illégitimes, qu'il priera autrement que des lévres, & même hors de la présence du Prince quand d'ailleurs il ne fera point d'un abord farouche & difficile,

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qu'il

De la qu'il n'aura point le vifage auftere & Mode. la mine trifte, qu'il ne fera point pareffeux & contemplatif, qu'il faura rendre par une fcrupuleufe attention divers emplois très-compatibles, qu'il pourra & qu'il voudra même tourner fon efprit & fes foins aux grandes & laborieufes affaires, à celles fur-tout d'une fuite la plus étendue pour les peuples & pour tout l'Etat : quand fon caractère me fera craindre de le nommer en cet endroit, & que fa modestie l'empêchera, fi je ne le nomme pas, de s'y reconnoître, alors je dirai de ce perfonnage, il eft dévot, ou plutôt, c'eft un homme donné à fon fiécle pour le modele d'une vertu fincére & pour le difcernement de l'hypocrific.

* Onuphre n'a pour tout lit qu'une houffe de ferge grife, mais il couche fur le coton & fur le duvet: de même il eft habillé fimplement, commodément, je veux dire d'une étoffe fort legére en Eté, & d'une autre fort moelleufe pendant l'Hyver, il porte des chemises très déliées, qu'il a un trèsgrand foin de bien cacher. Il ne dit point ma haire & ma difcipline, au contraire, il pafferoit pour ce qu'il eft,

pour

pour un hypocrite, & il veut paffer CHAP. pour ce qu'il n'eft pas, pour un hom- XII, me dévot: il est vrai qu'il fait en forte que l'on croit fans qu'il le dife, qu'il porte une haire & qu'il fe donne la difcipline. Il y a quelques Livres répandus dans fa chambre indifféremment, ouvrez les, c'est le Combat fpirituel, le Chrétien intérieur, l'Année fainte: d'autres Livres font fous la clef. S'il marche par la ville & qu'il découvre de loin un homme devant qui il eft néceffaire qu'il foit dévot, les yeux baiffés, la démarche lente & modefte, l'air recueilli lui font familiers: il joue fon rôle. S'il entre dans une Eglife, il obferve d'abord de qui il peut être vû; & felon la découverte qu'il vient de faire, il fe met à genoux & prie, ou il ne fonge ni à fe mettre à genoux ni à prier. Arrive-t-il vers lui un homme de bien & d'autorité qui le verra & qui peut l'entendre, non-feulement il prie, mais il médite, il pouffe des élans & des foupirs: fi l'homme de bien fe retire, celui-ci qui le voit partir s'appaife & ne fouffle pas. Il entre une autre fois dans un lieu faint, perce la foule, choifit un endroit pour fe re

HS cueil

De la cueillir, & où tout le monde voit qu'il Mode, s'humilie s'il entend des Courtifans

qui parlent, qui rient, & qui font à la Chapelle avec moins de filence que dans l'antichambre, il fait plus 'de bruit qu'eux pour les faire taire : il reprend fa méditation, qui est toujours la comparaifon qu'il fait de ces perfonnes avec lui-même; & où il trouve fon compte. Il évite une Eglife déferte & folitaire, où il pourroit entendre deux Meffes de fuite, le Sermon, Vêpres & Complies, tout cela entre Dieu & lui, & fans que perfonne lui en fût gré : il aime la Paroiffe, il fréquente les Temples où fe fait un grand concours on n'y manque point fon coup, on y eft vû. Il choifit deux ou trois jours dans toute l'année, où à propos de rien il jeûne ou fait abftinence: mais à la fin de l'hyver il touffe, il a une mauvaise poitrine, il a des vapeurs, il a eu la fièvre : il fe fait prier, preffer, quereller pour rompre le Carême dès fon commencement & il en vient là par complaifance. Si Onuphre eft nommé arbitre dans une querelle de parens ou dans un procès de famille, il eft pour les plus riches;

&

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