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moire ne leur fert fouvent qu'à s'en CHAP. éloigner.

La fonction de l'Avocat eft pénible, laborieufe, & fuppofe dans celui qui l'exerce, un riche fonds & de grandes reffources. Il n'eft pas fculement chargé comme le Prédicateur d'un certain nombre d'Oraifons compofées avec loifir, récitées de mémoire, avec autorité, fans contradicteurs; & qui avec de médiocres changemens lui font honneur plus d'une fois. Il prononce de graves Plaidoyés devant des Juges qui peuvent lui impofer filence, & contre des adverfaires qui l'interrompent: il doit être prêt fur la replique, il parle en un même jour, dans divers Tribunaux, de différentes affaires. Sa maifon n'eft pas pour lui un lieu de repos & de retraite, ni un afyle contre les plaideurs: elle est ouverte à tous ceux qui viennent l'accabler de leurs questions & de leurs doutes. Il ne fe met pas atr lit, on ne l'effuye point, on ne lui prépare point des rafraîchiffemens, il ne fe fait point dans fa chambre un concours de monde de tous les états& de tous les fexes, pour le féliciter

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XV.

fur l'agrément & fur la politeffe de Chaire. fon langage, lui remettre l'efprit fur un endroit où il a couru risque de demeurer court, ou fur un fcrupule qu'il a sur le chevet d'avoir plaidé moins vivement qu'à l'ordinaire. Il fe délaffe d'un long Difcours par de plus longs Ecrits, il ne fait que changer de travaux & de fatigues : j'ofe dire qu'il eft dans fon genre, ce qu'étoient dans le leur les premiers hommes Apoftoliques.

Quand on a ainfi diftingué l'Eloquence du Barreau de la fonction de l'Avocat, & l'Eloquence de la Chaire du ministere du Prédicateur, on croit voir qu'il eft plus aifé de prêcher que de plaider, & plus difficile de bien prêcher que de bien plaider.

* Quel avantage n'a pas un Difcours prononcé fur un Ouvrage qui eft écrit ! Les hommes font les duppes de l'action & de la parole, comme de tout l'appareil de l'Auditoire : pour peu de prévention qu'ils ayent en faveur de celui qui parle, ils l'admirent, & cherchent enfuite à le comprendre avant qu'il ait commencé ils s'écrient qu'il va bien faire, ils s'en

dor

CHAP.

dorment bien-tôt ; & le Difcours fini ils fe réveillent pour dire qu'il a bien XV. fait. On fe paffionne moins pour un Auteur, fon Ouvrage eft lû dans le loifir de la campagne, ou dans le filence du cabinet: il n'y a point de rendez-vous publics pour lui applaudir, encore moins de cabale pour lui facrifier tous les rivaux, & pour l'élever à la Prélature. On lit fon Livre quelque excellent qu'il foit, dans l'efprit de le trouver médiocre on le feuillette, on le difcute, on le confronte : ce ne font pas des fons qui fe perdent en l'air, & qui s'oublient : ce qui eft imprimé demeure imprimé. On l'attend quelquefois plufieurs jours avant l'impreffion pour le décrier; & le plaifir le plus délicat que l'on en tire, vient: de la critique qu'on en fait on eft: piqué d'y trouver à chaque page desi traits qui doivent plaire, on va même: fouvent jufqu'à appréhender d'en être diverti, & on ne quitte ce Livre que parce qu'il eft bon. Tout le monde ne fe donne pas pour Orateur : les phrafes, les figures, le don de la mémoire, la robe ou l'engagement de celui qui prêche ne font pas des chofes qu'on LG

ofe

De la ofe ou qu'on veuille toujours s'approChaire. prier: chacun au contraire croit penfer bien & écrire encore mieux ce qu'il a penfé, il en eft moins favorable i celui qui penfe & qui écrit aufli bien que lui. En un mot le Sermoneur est plutôt Evêque que le plus folide Ecrivain n'eft revêtu d'un Prieuré fimple; & dans la diftribution des graces, de nouvelles font accordées à celui-là, pendant que l'Auteur grave se tient heureux d'avoir les reftes.

* S'il arrive que les méchans vous haïffent & vous perfécutent, les gens de bien vous confeillent de vous humilier devant Dieu, pour vous mettre en garde contre la vanité qui pourroit vous venir de déplaire à des gens de ce caractère : de même fi certains hommes fujets à fe récrier fur le médiocre défapprouvent un Ouvrage que vous aurez écrit, ou un Difcours que Vous venez de prononcer en public, foit au Barreau, foit dans la Chaire, ou ailleurs, humiliez-vous, on ne peut guéres être expofé à une tentation d'orgueil plus délicate & plus prochaine.

* Il me femble qu'un Prédicateur

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devroit faire choix dans chaque Dif cours, d'une vérité unique, mais capitale, terrible ou instructive, la manier à fonds & l'épuifer, abandonner toutes ces divifions fi recherchées, fi retournées, fi remaniées & fi différentiées, ne point fuppofer ce qui eft faux, je veux dire que le grand ou le beau monde fait fa Religion & fes devoirs, & ne pas appréhender de faire ou à ces bonnes têtes ou à ces efprits fi raffinés des Catéchifmes; ce tems fi long que l'on ufe à compofer un long Ouvrage, l'employer à fe rendre fi maître de fa matiere, que le tour & les expreffions naiffent dans l'action, & coulent de fource, fe livrer, après une certaine préparation, à fon génie & aux mouvemens qu'un grand fujet peut infpirer, qu'il pourroit enfin s'épargner ces prodigieux efforts de mémoire qui reffemblent mieux à une gageure qu'à une affaire férieufe, qui corrompent le gefte & défigurent le vifage, jetter au contraire par un bel enthoufiafme la perfuafion dans les efprits & l'allarme dans le cœur; & toucher fes Auditeurs d'une toute au

tre

CHAP.

XV.

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