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De latre crainte que de celle de le voir de Chaire, meurer court.

* Que celui qui n'eft pas encore affez parfait pour s'oublier foi-même dans le miniftere de la Parole fainte, ne fe décourage point par les régles auftéres qu'on lui prefcrit, comme fi elles lui ôtoient les moyens de faire montre de fon efprit, & de monter aux Dignités où il afpire. Quel plus beau talent que celui de prêcher apof toliquement; & quel autre mérite mieux un Evêché? FENELON (a) en étoit-il indigne auroit-il pú échapper au choix du Prince, que par un autre choix ?

(a) L'Archevêque de Cambray, Auteur de Telemaque.

BO

༦༩༨

CHA

CHAPITRE XV I.

LE

Des Esprits forts.

Es Esprits forts favent-ils qu'on CHAP. les appelle ainfi par ironie? Quel XVI, le plus grande foibleffe que d'être incertains quel eft le principe de fon être, de fa vie, de fes fens, de ses connoiffances, & quelle en doit être la fin? Quel découragement plus grand que de douter fi fon ame n'eft point matiere comme la pierre & le reptile, & fi elle n'eft point corruptible comme ces viles créatures? N'y a-t-il pas plus de force & de grandeur à recevoir dans notre efprit l'idée d'un Etre fupérieur à tous les Etres, qui les a tous faits, & à qui tous fe doivent rapporter, d'un Etre fouverainement parfait, qui eft pur, qui n'a point commencé & qui ne peut finir, dont notre ame eft l'image, & fi j'ofe dire une portion comme efprit, & comme immortelle ?

* Le docile & le foible font fufcep tibles d'impreffions, l'un en reçoit de bon

Des

forts.

bonnes, l'autre de mauvaises, c'estEsprits à-dire, que le premier eft perfuadé & fidéle, & que le fecond eft entêté & corrompu. Ainfi l'efprit docile admet la vraie Religion; & l'efprit foible, ou n'en admet aucune ou en admet une fauffe or l'Efprit fort ou n'a point de Religion ou fe fait une Religion donc l'efprit fort, c'est l'efprit

foible.

* J'appelle mondains, terreftres ou groffiers, ceux dont l'efprit & le cour font attachés à une petite portion de ce Monde qu'ils habitent, qui est la Terre, qui n'eftiment rien, qui n'aiment rien au-delà, gens auffi limités que ce qu'ils appellent leurs poffeffions ou leur domaine, que l'on mefure, dont on compte les arpens, & dont on montre les bornes. Je ne m'étonne pas que des hommes qui s'appuyent fur un atome, chancellent dans les moindres efforts qu'ils font pour fonder la Vérité, fi avec des vûes fi courtes ils ne percent point à travers le Ciel & les Aftres jufques à Dieu même, fi ne s'appercevant point ou de l'excellence de ce qui eft efprit ou de la dignité de l'ame, ils reffentent

en

CHAP.

encore moins combien elle eft difficile à acquérir, combien la Terre en- XVI tiere eft au deffous d'elle, de quelle

néceffité lui devient un Etre fouverainement parfait qui eft DIEU, & quel· befoin indifpenfable elle a d'une Religion qui le lui indique, & qui lui en eft une caution fûre. Je comprens au contraire fort aifément qu'il eft naturel à de tels efprits de tomber dans l'indifférence; & de faire fervir Dieu & la Religion à la politique, c'est àdire, à l'ordre & à la décoration de ce monde, la feule chofe felon eux qui mérite qu'on y penfe.

.

* Quelques uns achevent de fe corrompre par de longs voyages, & perdent le peu de Religion qui leur reftoit ils voyent de jour à autre un nouveau culte, diverfes moeurs, diverfes cérémonies: ils reffemblent à ceux qui entrent dans les magazins, indéterminés fur le choix des étoffes qu'ils veulent acheter; le grand nombre de celles qu'on leur montre les rend plus indifferens, elles ont chacune leur agrément & leur bienféance, ils ne fe fixent point, ils fortent fans emplette.

Des

Efprits

forts.

fille.

* Il y a des hommes qui attendent à être dévots & religieux, que tout le monde fe déclare impie & libertin ce fera alors le parti du vulgaire, ils fauront s'en dégager. La fingularité leur plaît dans une matiere fi férieufe & fi profonde : ils ne fuivent la mode & le commun que dans les chofes de rien & de nulle fuite. Qui fait même s'ils n'ont pas déja mis une forte de bravoure & d'intrépidité à courir tout le rifque de l'avenir? Il ne faut pas d'ailleurs que dans une certaine condition, avec une certaine étendue d'efprit, & de certaines vûes, l'on fonge à croire comme les Savans & Le peuple.

L'on doute de Dieu dans une pleine fanté, comme l'on doute que ce foit pécher que d'avoir un comUne merce avec une perfonne libre *: quand l'on devient malade, & que l'hydropifie eft formée, l'on quitté fa concubine, & l'on croit en Dieu.

*Il faudroit s'éprouver & s'examiner très-férieufement, avant que de fe déclarer Efprit fort ou Libertin afin au moins & felon fes principes de finir comme l'on a vêcu, ou, fi l'on

ne

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