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rien. Selon lui, ces louanges ne fau roient être d'un grand poids, parce que l'honnêteté dont M. l'Abbé Fleury fait profeffion, l'a obligé de louer aves excès M. de la Bruyere, outre que l'Académie exige de fes Candidats cet encens comme une espéce de tribut qu'ils doivent à la mémoire de ceux qui leur ont frayé le chemin à l'immortalité. C'eft tout ce qu'on pourroit dire de cet Eloge, fi ce n'étoit qu'un amas d'épithétes vagues & générales qui ne puf fent pas plutôt convenir à la Bruyere qu'à toute autre perfonne. Mais fi l'Abbé Fleury a prétendu peindre au naturel la Bruyere, nous donner le vrai caractère de fon Efprit & de fes Ouvrages, comme on a tout fujet de le croire, Vigneul-Marville a tort de décrier cet Eloge, fans faire voir en détail qu'il ne fauroit convenir à la perfonne qui en eft le fujet. Ce n'est pas tant la Bruyere qui eft intereffe dans cette cenfure, que l'Auteur de fon Panegyrique. Ce font les Ouvrages d'un Auteur qui font fon véritable éloge, & non des Difcours étudiés qu'on pubhe à fa louange après fa mort. La Bruyere avoit remporté

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l'eftime du Public avant qu'il eût été loué par l'Abbé Fleury, ou par le * Sécretaire de l'Académie, qui dans la Réponse qu'il fit à cet illuftre Abbé prit foin d'exprimer le caractère de la Bruyere par des traits fi juftes & fi délicats que je me crois obligé d'en orner ce Difcours. L'excellent Académicien à qui vous fuccédez, dit-il à l'Abbé Fleury, étoit un génie extraordinaire. Il fembloit que la nature rût pris plaifir à lui reveler les plus fecrets mystères de l'intérieur des hommes, qu'elle expofat continuellement à fes yeux ce qu'ils affectoient le plus de cacher à ceux de tout le monde. Avec quelles expreffions, avec quelles couleurs ne les at-il point depeints! Ecrivain plein de traits & de feu, qui par un tour fin & fingulier donnoit aux paroles plus de force qu'elles n'en avoient par elles-mes: Peintre hardi & heureux, qui dans tout ce qu'il peignoit, en faifoit toujours plus entendre qu'il n'en faifoit voir. Si ce Portrait a paru chimerique à VigneulMarville, il eft étonnant qu'il n'ait pas daigné dire un mot pour défabu

*L'Abbé Regnier.

fer

fer tant de bons efprits qui en France & dans tout le refte de l'Europe font perfuadés qu'il repréfente fidélement I'Original d'après lequel il a été tiré.

XXIII. Le troifiéme Approbateur de la Bruyere, que notre Critique a jugé à propos de citer, c'eft Menage, qui a donné dit-il, un grand relief, aux Caractères de M. de la Bruyere. Mais, ajoute Vigneul-Marville, de M. Menage difoit bien des chofes fans réflexion fes Menagiana le témoignent affez. Il loue & blâme d'ordinaire, plu tôt, ce femble, pour parler & ne pas demeurer court, que pour blâmer & louer avec jugement & la balance à la main. Sans prétendre défendre ici Menage ou fes Menagiana, je vous laifferai le foin de conclure, après tout ce que je viens de dire, qui de Menage ou de Vigneul-Marville eft plus coupable. du défaut de parler pour parler, de louer & blâmer fans connoiffance de caufe. Mais d'où vient que notre Critique n'a rien dit de l'Eloge que Menage a fait de la Traduction des CARACTERES DE THEOPHRASTE?

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-Elle eft *, dit-il, bien belle, & bien Françoife, & montre que fon Auteur entend parfaitement le Grec. Je puis dire que j'ai vu bien des chofes que peut-être, faute d'attention, je n'avois pas vûes dans le Grec. Voilà qui eft bien exprès, & qui doit être compté pour quelque chofe, venant d'un homme qui, de l'aveu de toute l'Europe, entendoit fort bien la Langue Grecque. Peut-être que Vigneul - Marville fe prépare à nous donner une nouvelle Traduction des Caractères de Theophrafte, plus exacte, & fur-tout plus Françoife que celle qu'en a donné la Bruyere. Il ne fauroit mieux faire. Car outre qu'il rendroit par ce moyen un affez grand fervice à fa Patrie en lui procurant une meilleure Traduction d'un Ouvrage qui mérite d'être entre les mains de tout le monde, il feroit enfin revenir le Public de ce prodigieux entêtement où il eft pour ce M. de la Bruyere, s'il m'eft permis de parler le langage de Vigneul-Marville, qui aura fans doute le crédit d'introduire Menagiana, Tom. IV. pag. 219. Edit.

de Paris, 1715.

duire cette belle expreffion parmi les honnêtes gens, où je ne crois pas qu'elle foit encore fort en ufage.

XXIV. POUR conclufion, notre Critique fuppofe je ne fai quels défenfeurs de la Bruyere qui fe retranchent fur l'eftime que Mrs. de l'Académie Françoise ont fait paroître pour fa perfonne & pour les Ouvrages en le recevant dans leur Corps. A quoi Vigneul-Marville, répond, que * ces Meffieurs ne l'ont choisi qu'à la recommandation du Prince, qui s'étant décla, a fait déclarer les autres, comme il l'avoue lui-même dans fes CARACTERES, quoiqu'il déclare expreffément dans fon Difcours à l'Académie qu'il n'a employé aucune médiation pour y » être reçu que la fingularité de fon Livre. Mais cette recommandation du Prince & cet aveu qu'en a fait la Bruyere, font de pures chimeres. C'eft ce que nous avons † déja montré, & avec tant d'évidence, que ce feroit perdre le tems, & abufer de la patience de ceux qui liront ce Dif

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cours,

* Pag. 348.
† Ci-deffus, pag. 400. 401. & suiv.

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