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Longin, ne laiffe pas d'être fublime, quoiqu'il ne foit pas exprimé avec élégance. Quant à la briéveté, elle ne lui eft pas plus néceffaire, puifque dans les Poëtes on trouye des endroits vrayement fublimes traités avec une jufte étendue & quelquefois même amplifiés ainfi pour définir le Sublime qui convient à l'Ode (j'entens toujours l'Ode Héroïque ) en adoptant la premiere partie de la définition de la Mothe, j'ajoûterois que ce Sublime doit être exprimé avec force & avec véhémence; car quoiqu'en général la fimplicité ne foit pas oppofée au Sublime, elle l'est cependant au Sublime Lirique qui ne confifte guéres moins dans la beauté du ftyle, que dans celle des chofes. Il ne fuffit pas d'y être fort de chofes, il y faut encore être fort d'expreffions; mais ce qui rendra toujours cette efpéce de fublime très-difficile à atteindre, c'eft qu'il dépend moins de l'efprit que du coeur. La grandeur & la Nobleffe du fentiment en eft le feul princi

pe,.

il n'appartient qu'à une ame grande & élevée de penfer des chofes fublimes. Un efprit jufte & délicat, une imagination riante, peuvent faifir le vrai & produire du nouveau, mais la grande idée celle qui frappe, qui étonne, qui tranfporte, naît de l'élévation du coeur. Un Poëte de nos jours a fait un grand nombre d'Odes dans lefquelles on ne trouve pas un feul trait fublime, quoiqu'on y rencontre par tout du vrai & du nouveau exprimé avec élégance. C'étoit un Philofophe aimable, mais phlegmatique. L'exactitude de fa raison étouffa le feu de fon imagination; fon efprit étoit très-brillant, & fon coeur capable de fentimens tendres. Sans pouvoir s'élever au-deffus de cette fphere, il ofa entrer en concurrence avec un homme que fes malheurs ont rendu célébre, & dont les ouvrages Liriques remplis de traits fublimes & véhémens; malgré les efforts de l'envie feront admirés dans tous les tems: Il a dit après David:

De fa puiffance immortelle,
Tout parle, tout nous inftruit ;
Le jour au jour la revéle,
La nuit l'annonce à la nuit.

L'univers à fa présence

Semble fortir du néant.

Et dans un autre endroit:

Ode de M.Rouf Liv. I. Ode 2.

Mais le Seigneur fe leve, il parle & fa me- Ibid.

nace.

Convertit votre audace

En un morne fommeil.

La juftice paroit de feux étincelante,

Et la terre tremblante

S'arrête à son afpe&t!

Il a dit avec Horace:

Le ciel dans une nuit profonde,
Se plait à nous cacher fes loix,

Les Rois font les maîtres du monde,
Les Dieux font les maîtres des Rois.

Il n'eft pas moins grand, lorfqu'il marche fans guide.

Ode 6.

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Liv. II. Eft-ce donc le malheur des hommes
Ode 6, Qui fait la vertu des grands Rois?

Ibid.

Images des Dieux fur la terre,

Eft-ce par

des coups

de tonnerre

Que leur grandeur doit éclater?

Le bonheur peut avoir fon terme,
Mais la fageffe eft toujours ferme,
Et les defins toujours legers.

Et dans une autre Ode, il parle ainfi de l'homme avide de richeffcs:

Pour appaifer la foif ardente Ode 3. La terre en tréfors abondante, Feroit germer l'or fous fes pas: Il brule d'un feu fans rémede, Moins riche de ce qu'il poffede, Que pauvre de ce qu'il n'a pas.

Ces exemples font fuffifans pour juger de la nobleffe des idées de ce Poëte & de la véhémence de fon style.

3. La hardieffe des pensées

est une fuite naturelle de l'élévation des fentimens. Une grande ame éprouve ce que les autres n'éprouvent point, & ce qu'elle peut avoir de commun avec eux pour le fonds, elle le penfe d'une maniere bien fupérieure. Elle envifage les objets par des faces inconnues aux yeux vulgaires, elle embraffe des rapports imperceptibles, elle franchit la diftance qui fe trouve entre deux idées, & les rapproche fans fe mettre en peine d'aller pesamment & comme par degrés de l'une à l'autre. Les Images, les Métaphores, les Defcriptions courtes & vives, les Apoftrophes, les Antithefes qui roulent fur les chofes; en un mot, toutes les grandes Figures font du reffort de l'Ode. On peut s'en convaincre par la Lecture de celles de M. Rouffeau. Les morceaux que l'on va lire & qui font remarquables par la force des penfées, ont pour Auteur un difciple de ce grand Maitre ; ils font partie d'une Ode contre l'a

mour.

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