Imágenes de páginas
PDF
EPUB

que n'enfeignent-ils publiquement les rares découvertes qu'ils ont faites? C'eft trahir la vérité que de la fervit fi mollement.

L'expérience ne prouve néanmoins que trop combien ces maltres dangereux fefont acquis de fectateurs depuis le commencement de cefiècle.Il eft prefque du bel air maintenant de penfer librement, c'eft-à-dire, d'être à foi-même fon unique guide en matiere de Religion: & c'eft le moyen de n'en plus avoir aucune; car toute Religioh fuppofe une créance commune, un concert de fentimens. Or fien n'eft plus propre à détruire ce concert que fa difpofition où font ces prétendtis efprits forts de ne rien croire fur la foi d'autrui. L'Amour propre & l'attachement à fes idées peut donc multiplier les Religions de maniere que chaque homme ait la fienne en particulier. Or la vérité qui eft une, ne réfultera jamais de cette étrange diverfité. Les Coryphées de la Secte

ne pourroient donc rien faire de mieux que de fixer les efprits flotans de leurs difciples par quelque corps de doctrine auquel on pût s'en tenir. La fevérité du Gouver nement les effraye fans doute & l'exemple de Socrate qu'ils citent à tout propos n'a point d'imitateurs. Au refte l'Athéifme reproché à Socrate eft auffi different de celui que profeffent les incrédules, que la conduite de ceux-ci eft oppofée à celle de ce Philofophe. Il combattoit par des raifons folides un culte infenfé , une religion évidemment fauffe qui autorifoit le crime, & qui n'ayant aucun des caractéres propres à la véritable Religion ne pouvoit-être l'ouvra

ge

de la divinité : d'ailleurs à la multitude confuse & ridicule des Dieux du Paganifme, il oppofoit P'unité d'un être fupérieur, bon fage, jufte & puiffant. Il étoit intimement perfuadé de l'immortalité de l'ame de l'efperance d'une meilleure vie, & facrifia la fienne

[ocr errors]

pour la défenfe de ces vérités. Tel fut le Héros de la Philofophie. Qu'eft-ce au contraire que ces Sa

ges

modernes ? des hommes audacieux qui établiffent pour principe qu'il faut douter de tout, & nient en conféquence les notions les plus claires: qui veulent juger par les feules lumieres de la raifon, de ce qui eft au-deffus de la raifon, & combattent une Religion qui préconife toutes les vertus, qui en éxige & en enfeigne la pratique,& qui ne fe bornant point à condamner les vices,donne les moyens de les extirper.Le culte qu'ils attaquent eft foutenu par des motifs de crédibilité fi puiffans qu'il faut avoir perdu toute raifon pour n'y pas acquiefcer. Mais à cette Religion fi abfurde felon eux, que prétendent-ils fubftituer? La nature, le hazard. Que veut-on nous enfeigner? Que cet Univers n'eft que le résultat d'un concours fortuit d'Atômes imaginaires, que l'ame n'eft qu'une portion de matiere

[ocr errors]

qui périt avec le corps, qu'il pour roit bien arriver que la matiere feroit capable de penfer. Si ce font là les vérités qu'on prétend nous ́révéler, qu'eft-il befoin de nous tirer de la fécurité, pour nous jetter dans le trouble & dans l'incertitude, & de nous arracher à des fentimens raifonnables & confolans pour la vertu, afin de nous livrer à des opinions monftrueufes & dont leurs Auteurs n'oferoient être les Martyrs.

Revenons aux Poëtes qui prétent leurs plumes aux Auteurs de ces impiétés: Que fe propofent-ils en devenant les Apologiftes de l'Irreligion & du libertinage? Sans doute de nous défabufer. Or c'eft à quoi ils ne peuvent jamais parvenir par un ouvrage de Poefie; car une telle entreprife n'exige rien moins que des démonftrations. La Religion, entre autres preuves, fe fonde fur le concert & l'accompliffement des Prophéties. Pour les combattre il faut en pénétrer le

[ocr errors]

fens, en difcuter le texte, comparer les verfions avec les originaux, faire valoir la force d'un mot grec ou hébreu, justifier l'origine de l'un ou de l'autre, de telle racine plûtôt que de telle autre. Sont-cê là les fleurs dont la Poëfie doit feparer, & fi elle n'employe que les agrémens qui font de fon reffort, quels coups peut-elle porter à la Religion? dans le vrai celle-ci n'a rien à craindre d'une fi foible ennemie: cependant malgré l'impuiffance de leurs efforts, les Poëtes qui abusent de leurs talens pour accréditer des Siftêmes pernicieux, ne font rien moins que des peftes publiques. Dès qu'ils ont une fois fecoué le joug de la Religion & par conféquent de F'autorité divine, peut-on attendre d'eux quelque refpect pour les loix de la fociété, quelque ménagement pour les puiffances? Ennemis de toute fubordination, & mauvais Citoyens, le trône n'eft pas plus facré pour eux que l'Au

« AnteriorContinuar »