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qu'à vrai dire, elles ne levent pas toutes les difficultés.

A ces raifons d'infuffifance j'en ajoute une générale, tirée de la méthode qu'Ariftote a fuivie dans fa Poëtique. Ces Grecs que les Romains ont affecté de nous repréfenter comme des hommes vains, legers, inconftans & tellement amis des bagatelles, qu'à ce portrait on les prendroit volontiers pour des petits maîtres; ces mêmes Grecs étoient dans le vrai des gens férieux & fenfés, capables de chercher, de découvrir, d'approfondir & d'envisager fixement une vérité. Quelqu'amateurs qu'ils fuffent des ornemens & des paroles, ils fçavoient réprimer leur penchant à cet égard, lorfqu'il s'agiffoit non de flatter l'oreille, mais

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d'éclairer l'efprit. L'utilité leur paroiffoit préferable à l'agrément; peut-être fe trompoientils en n'affociant pas toujours ces deux chofes ? mais toujours eft-il certain qu'en fait de préceptes ils rejettoient les ornemens du difcours finon comme dangereux, au moins comme inutiles à l'éclairciffement de la vérité. Je n'avance rien ici qui ne foit demontré par la forme qu'Ariftote a donnée à sa Réthorique. J'en ai expofé ailleurs l'inconvenient; il eft le -même dans fa Poëtique, tou-jours ferré, toujours fec, allant - réguliérement de principe en principe & de conféquence en conféquence. Des perfonnes d'un âge avancé, exercées dans l'Art de penfer, accoutumées à réflechir, & dans lefquelles le

plus grand feu de l'imagination est rallenti, foutiendront une pareille Lecture, avec moins d'impatience que de jeunes gens qu'un ouvrage didactique épouvante & fait fecher d'ennui, dès qu'il eft dépourvû d'or nemens. Il en eft à cet égard des ouvrages d'efpritcomm e des alimens. Il y en a qui ne peuvent être aisément digérés par toutes fortes d'eftomacs : tandis que pris en nature, ils font triturés fans peine par un eftomach robufte; il faut les mélanger, les tempérer, les broyer d'avance par le moyen de l'affaifonnement pour les proportionner à la foibleffe d'un eftomach délicat. L'application de cette allegorie fe préfente. naturellement à l'efprit, & j'en conclus que la méthode

feche d'Ariftote, quoiqu'excellente d'ailleurs, eft par le défaut d'agrément moins propre. que toute autre à former le goût des jeunes gens en faveur defquels on ne fçauroit écarter avec trop de foin les épines qui environnent la fçience, pour ne leur en présenter que les fleurs. Les Ecrivains qui ont couru la même carriére fur les traces d'Ariftote, ont fi bien fenti ce défaut qu'en voulant nous dicter des préceptes, ils ont en même temps fongé à nous donner des exemples, par les graces de leur ftyle & à égayer leurs ouvrages dogmatiques par des images riantes F ou par des idées acceffoires propres à embellir les idées principales.

Afin d'éviter un détail qui

'deviendroit ennuyeux, je me bornerai aux trois Ouvrages les plus connus & les plus eftimés que nous ayons en ce genre. La Poëtique d'Horace, celle de Jerôme Vida & celle de M. Defpréaux.

La Poëtique d'Horace a fes beautés, tout y eft dans le vrai, dans la nature, cependant tout le monde convient qu'elle n'eft pas exempte de défauts. Outre celui de la méthode, qui n'en eft pas un médiocre, il eft évident que tout ce qu'il dit du Théâtre des Latins, par exem ple, n'eft pas applicable au nôtre; les mœurs ont changé avec le tems & ce qui étoit bon à Rome, fous le Regne d'Augufte, eut déplû à Paris fous celui de Louis le Grand & choqueroit peut-être encore

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