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d'avantage aujourdhui. Il n'eft pas moins certain que la découverte de quelques nouveaux genres de Poëfie, la différence de notre langue avec celle des Romains, le Méchanifme de notre Verfification, outre les principes généraux qui fe trouvent dans Horace, exigent encore des regles & des notions particuliéres qui rendent infuffifans des préceptes tracés, il y a plus de feize fiécles. Quelqu'admirateur que l'on foit des Anciens, il faut convenir de bonne foi qu'ils ont leurs imperfections. Ils ont écrit pour leur fiecle & pour la poftérité, mais si celle-ci a ajouté à leurs découvertes, elle peut auffi ajouter aux loix qu'ils ont établies. Je ne dis rien des préceptes qui fe trouvent répan

dus dans Quintilien, dans Petrone &c. & qu'on peut rapporter à la Poëfie, ce font des fragmens, des pensées détachées qui ne forment point un corps de Poëtique, & par confequent ils font étrangers à mon fujet.

Jerôme Vida, Evêque d'Alba, proche de Verône, dans le territoire de la République de Venife, nous a donné aufli une Poëtique en Vers Latins divifée en plufieurs livres; ce font les idées d'Horace mieux digérées, expofées avec plus d'étenduë, traitées avec des couleurs plus riantes, des Tableaux & des ornemens que l'Auteur qui étoit très bon Poëte Latin, a fçû varier & placer à propos. Par ce moyen l'ouvrage eft également inftructif & agréable,

mais comme l'Auteur n'a pas plus embraffé d'objets que n'avoit fait Horace, il n'eft pas plus exemt que ce dernier du reproche d'infuffifance. Si fon livre intereffe par la forme, il n'inftruit point assez pour le fonds, on n'y trouve pas le moindre veftige des découvertes, faites depuis environ un fiécle fur la Comédie & la Tragédie, & pour ce qui concerne le Génie particulier de notre langue, la mesure & l'harmonie de nos Vers, on fent affez que l'Evêque d'Alba qui écrivoit en Latin, dans un fié cle & dans un païs différent de ceux où nous vivons, n'a point eu en vûë notre nation. Il nous falloit donc unePoëtique écrite en notre langue, & qui eût des rapports intimes avec nos

mœurs;

moeurs, nos ufages, notre goût. M. Defpréaux nous l'a donnée, & perfonne n'étoit plus capable que lui de s'en bien acquiter: enrichi des tréfors de l'antiquité, il en a fait un heureux ufage par rapport à notre Poëfie, en mettant dans fa Poëtique plus d'agrément que dans celle d'Ariftote, plus d'ordre que dans celle d'Horace,plus de détails, & néanmoins plus de précifion que dans celle de Vida.

En effet nous n'avons rien en notre langue de plus complet ni de mieux traité : il convenoit fans doute que les regles de la Poëfie, nous fuffent prefcrites par l'homme qui les a le mieux connues, & qui pour inftruire fes Lecteurs, pouvoit le mieux identifier l'exemple avec le précepte, fans cepen

C

dant rien ôter à l'un de fa clarté, ni à l'autre de fa force & de fa jufteffe.Les critiques les plus acharnés contre Mr. Boileau n'ont pû s'empêcher de conve nir que fon Art Poëtique étoit un chef-d'œuvre, & le reproche qu'ils lui ont fait d'en avoir tiré tout le fonds d'Horace

n'eft rien moins que vrai, comme nous le montrerons ailleurs, Tout le monde reconnoît que les embelliffemens qu'il a faits à fon fujet, font également heureux dans le choix & dans la diftribution.

Je foufcris avec plaifir au ju gement que toute la République des Lettres a porté de cet ouvrage. Cependant en vertu de la liberté qu'ont fes Citoyens de propofer leurs doutes, j'hazarderai mes conjectures fur une matiére qui sembloit trai

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