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vaux manioient le Cifeau, que les Fléchiers, les Bourdalouës, les Boffuets faifoient triompher l'éloquence. Revenons à la Poëfie en général. Le vulgaire ignorant la regarde comme un amusement frivole, inutile à la fociété, dangereux pour ceux qui le cultivent. Des Philofophes trop aufteres la traitent de bagatelle, & le plaifir qu'elle caufe,d'illufion. Les uns & les autres n'en jugent que par les abus. Ils fe retracteroient fans doute s'ils vouloient l'envifager par d'autres faces, la confiderer fans prévention, & pour en mieux apprécier la mérite ne confulter que la raifon; c'eft d'elle feule que je veux emprunter ici des armes pour juftifier la Poëfie, & non pour en faire le pané

girique avec affectation. Je laif fe aux Poëtes de profeffion le foin de donner à leur Art des louanges qui peuvent paroître fufpectes, & de l'embellir par des traits de leur imagination, je n'ai besoin pour la défendre que de ceux de la vérité. La Poëfie dans fon origine a été confacrée à la Religion, elle a fait partie du culte & des céremonies publiques, elle s'eft donc occupée d'abord à chanter les louanges du Créateur, à relever fes divins attributs, à célébrer fes bienfaits, &. par conféquent à marquer les hommages de l'homme & fa reconnoiffance pour la Divinité. Quel emploi peut être plus noble, & quel objet plus refpectacle peut-on fe propofer? Dans le Paganifme mê

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me, dans le fein des ténébres & de l'erreur, par une fuite - néceffaire des idées de puiffance, de bonté, de force, de grandeur que les peuples idolâtres attachoient aux noms de Jupiter, de Mars, de Neptune, elle ne célébroit fous ces noms que des attributs relatifs aux befoins des hommes: fon systeme étoit celui de la Théologie Payenne: que fi elle divinifa le vice, la débauche & l'infamie, c'eft moins fur elle qu'en tombe le blâme que fur les paffions dont les Poëtes entrainés par le torrent de la coûtume, étoient aveuglés. Jufques-là, la Poëfie ne Le trompoit point dans le principe, elle n'erroit que dans l'application, & par inconféquence, fi depuis elle defcen

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dit aux demi-Dieux, aux Héros, aux fondateurs des Villes, aux libérateurs de la Patrie, & pour ne rien déguifer, jufqu'aux Athletes vainqueurs dans les jeux olimpiques, pourrions nous diffimuler que les actions des premiers étoient, moralement parlant, utiles à la fociété, que celles des derniers relativement aux mœurs de l'Antiquité étoient glorieufes pour ceux qui les avoient exécutées. Cen'étoit donc point pécher contre les regles de l'équité que de les célébrer: la louange eft un tribut qui n'eft dû qu'à la vertu, les actions que je viens de détailler en avoient au moins tous les déhors; fi elles étoient intérieurement viciées par quelque principe fecret & impercepti

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ble, un Poëte n'en étoit pas moins excufable de ne les avoir envifagées qu'en beau & de leur avoir rendu l'hommage qu'elles méritoient à cet égard. Ajoutez encore à cela que la Poëfie devenoit par là un moyen für, pour exciter l'émulation fi néceffaire dans la fociété. Que Sappho dans fes Poëfies ait diftillé la débauche; qu'Horace en plufieurs endroits, ait été fi licentieux que des Payens même auroient rougi de les expliquer; qu'Anacreon ne refpire que la molleffe & la volupté; que Catulle & Tibulle ayent écrit des infamies & des obfcénités: On ne prétend pas les difculper, 'on les condamne fans referve, on a leurs défauts en horreur. Mais des fautes de ces Artisans

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