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gueoit l'ombre, & de même la lumière & les tenebres. Ces fignes me firent juger, quelle étoit meure & confirmée. Cette cataracte s'étoit formée fort promptement, felon le raport que cette femme & fon mary m'en firent, qui m'affûrerent qu'il n'y avoit que trois mois quelle fe conduifoit encore de cet œil, ce qui me confirma davantage que cette cataracte obeïroit à l'éguille.

Celle de l'œil gauche étoit jaune, elle paroiffoit avoir plus d'étenduë que celle de l'œil droit, & s'avancer plus en devant. Le trou de l'uvée fe dilatoit & refferroit fort lentement, & diftingueoit bien moins l'ombre de la main & la lumière. Je jugeay, par ces fignes, quelle étoit vieille, & ces pauvres gens me dirent qu'il y avoit fix ans que cet oeil étoit perdu: cependant je ne défefperay point que cette cataracte n'obeît à l'éguille, parce quelle étoit vraye, l'iris de l'un & de l'autre œil étoit d'une bonne couleur.

Ayant preparé cette femme à l'opération, je lui abbaiffay ces deux cataractes le premier novembre fuivant. Celle de l'œil droit ne me fit aucune peine, le cristallin étant abbaiffé demeura, & la malade distinguea dés-lors toutes fortes d'objets: cela s'entend à la maniére de ceux à qui on a abbaissé les cataractes, c'eft-à-dire les voyant un peu confufément : & dans la fuite il n'y eût à cet œil ni douleur ni inflammation,

L'opération de l'œil gauche fut beaucoup laborieufe, tant pour abbaiffer la cataracte, que pour la tenir fujette, ayant remonté trois ou quatre fois pendant l'opération, & apres l'opération, elle remonta même un

peu, & la malade voyoit un peu moins de cet œil que de l'autre, & fut travaillée d'une inflammation legere, qui fe paffa entiérement dans fept ou huit jours.

Dix jours apres l'opération cette pauvre femme se trouva entiérement guérie. Et comme fon mary & elle, trouverent à s'occuper à préparer du chanvre pour en faire de l'œuvre, le mary à le dégroffir, & la femme à l'affiner, ils réfolûrent de paffer l'hyver dans cette ville: mais cette pauvre femme ayant été attaquée le premier Décembre fuivant d'une violente peripneumonie, elle en mourut le fixiême jour, nonobftant tous mes foins. Sa mort me fàcha, parce que c'étoient de bonnes gens : je ne fûs cependant pas fâché, de trouver une occafion auffi favorable, pour m'éclaircir davantage de ce qui arrive apres l'opération de l'abbaissement des cataractes, tant pour mon instruction particuliére, qu'afin de pouvoir mieux détromper le public.

Quelques heures donc apres la mort de cette pauvre femme, je féparay les deux yeux de leurs orbites, je les remarquay par des fils que j'y attachay pour les reconnoître, je les portay chez moy, & je fis les remarques fuivantes fur l'œil droit.

1. Avant que d'ouvrir l'œil droit, je le renverfay en plufieurs fens, je le fecoüay plufieurs fois assez rudement, je le preffay même, fans que la cataracte changeât de place. Ce qui me fit juger, quelle s'étoit affermie au lieu ou je l'avois logée lors de l'opération.

2. Je coupay enfuite la cornée tranfparente tout autour du cercle extérieure de l'iris, & j'enlevay la piece fans offenfer l'iris je tenois cependant la partie

antérieure de l'œil élevée en haut, pour empêcher qu'il n'arrivât aucune confufion au dedans de l'œil. L'humeur aqueufe s'étant écoulée en partie, j'eus le plaifir de voir au travers de la pupille, que le cristallin n'étoit plus dans le lieu qu'il devoit occuper, qui eft le milieu de la partie antérieure du corps vitré.

3. Cet endroit du corps vitré étoit élevé en une bosse fort égale, qui imitoit la surface antérieure d'un criftallin, hors quelle n'étoit pas déprimée : & lors qu'avec un stile je l'enfonçois doucement, elle fe relevoit tout auffi-tôt que j'avois ôté le stile, & retournoit en fa premiére figure.

4. Elevant l'uvée avec le bout d'un ftile, j'aperçeus le cristallin en fa partie inférieure au deffous de l'iris, ou il avoit été placé lors de l'opération. Pour le mieux voir je fendis la cornée & l'uvée au travers du côté des deux angles de l'œil, le reste de l'humeur aqueuse étant écoulée, & ayant entr'ouvert ces membranes, je vis alors tout le criftallin au lieu dit, ou il etoit affermy per le corps vitré qui étoit enfoncé à l'endroit qui touchoit le cristallin, & par une espece de glu qui le colloit legerement à l'uvée & à la membrane du corps vitré.

5. Ayant tout-à-fait ôté le cristallin du lieu dit, je remarquay que les fibres ciliaires, qui du cercle ciliaire, s'inferent à la membrane du corps vitré, à l'endroit ou elle se divise pour recouvrir le cristallin, étoient rompues & feparées de leur cercle, à l'endroit ou ce cristallin avoit été conduit lors de l'opération, & dans. celui ou l'éguille avoit paffé; & que dans ces deux en

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droits, le cercle ciliaire étoit de même feparé de la membrane du corps vitré à laquelle il fe colle.

6. Examinant ce cristallin, je reconnus qu'il étoit recouvert de deux fortes de fubftances. La premiére qui fe prefentoit, étoit d'un blanc de perles, fort fléxible & obeiffante, & environnoit inégalement le criftallin, ne le touchant qu'en quelques endroits. Elle reffembloit affez bien à des floçons de neige, ou à des morceaux de gomme fondus à moitié, dans l'eau, & attachez en maniére d'appendices autour de quelques corps. J'apelleray dans la fuite de ce traité cette premiére fubftance, Accompagnemens de la cataracte; parce que ces fortes d'appendices fe rencontrent toûjours plus ou moins dans les cataractes vrayes, quand elles font

confirmées ou meures.

7. La feconde fubftance recouvroit tout le cristallin, fa fuperficie étoit un peu inégale & raboteuse: elle étoit blanche, plus folide que la premiére, ressemblant à un blanc d'œuf cuit & presque dur, & me paroiffoit être la propre fubftance du criftallin, dont tout le volume fembloit être plus petit qu'il ne devoit, à proportion de la grandeur de l'œil, cette feconde fubftance comprise.

8. A mefure que cette feconde substance, semblable à un blanc d'œuf endurci, aprochoit le centre du cristallin, elle étoit plus dure, & fon blanc tiroit un peu fur le jaune. Et apres avoir ôté toute cette substanle reste du cristallin me parut plus jaune & plus folide, cependant il étoit un peu transparent, enforte que le prefentant au grand jour, on pourroit diftinguer

ce,

les

les ombres des objets communs que l'on mettoit au devant.

9. Le rompant, je reconnus qu'il avoit la consistance d'un fromage non paffé endurci de feichereffe, qu'on peut broyer fous les doigts: qu'il se divifoit par lamines, ou pellicules, dont les fibres qui les compofoient, fe conduifoient de devant en derriere, ou de derriere en devant, de la même maniére que je l'ay fait remarquer au chapitre 11. de la defcription de l'œil, en *parlant du cristallin bouilly, ou preparé avec l'eau forte, enforte que ces lamines ou pellicules avoient plus de difpofition à fe fendre & fe diviser felon cette longueur de fibres, c'est-à-dire de devant en derriere. Leurs fuperficies étoient auffi fort unies & confervoient leur figure fphérique. Enfin le cristallin ressembloit entiérement à un cristallin preparé comme je l'ay dit, excepté qu'il étoit un peu jaune.

10. Le corps vitré étoit net & tranfparent à l'ordinaire. L'humeur aqueufe avoit auffi la pureté & la transparence quelle doit avoir, & étoit dans une quantité fuffifante pour tenir le globe de l'œil affez tendu. J'avois eu foin de la conferver toute dans un verre pour l'examiner enfuite. Enfin toutes les autres parties de l'œil étoient dans leur état & fituation ordinaire.

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1. Ayant fini d'examiner l'œil droit, je pris l'œil gauche, & apres avoir procedé comme à l'œil droit, je reconnus pareillement que le cristallin n'étoit plus dans le lieu qu'il devoit occuper.

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