Que cette humeur, fe jette dabord entre le cristallin & la membrane qui le recouvre, il y a aparence; puifqu'avant que le criftallin ait perdu de fa tranfparence, les malades ne peuvent bien diftinguer les objets : ce qui ne peut arriver que parce que cette humeur élevant en boffe cette membrane, elle eft la caufe d'une nouvelle réfraction des rayons de lumière, qui les fait agir avec confufion lorsqu'ils atteignent la rétine, comme on peut le concevoir parce que j'ay dit en expliquant la vue.

Si l'on m'objectes que fi cette ferofité ou humeur que je fupofe caufer l'altération du cristallin, eft acide & mordicante, elle peut premiérement altérer l'humeur aqueufe, quand elle fe mefle avec elle apres que la membrane qui la retenoit autour du cristallin eft rompuë, & ainfi caufer l'altération des autres parties de l'œil. Secondement, quelle doit caufer de la douleur, lorfquelle agit fur la membrane qui recouvre le criftallin, puifque c'est le propre des membranes d'être sensibles.

Je répondray à la premiére objection, que cette humeur ne fluant pas continuellement, mais feulement pendant un certain tems, comme il arrive dans la plûpart des fluxions qui fe font fur les autres parties de nôtre corps; elle n'eft pas en affez grande abondance pour altérer l'humeur aqueufe, quand la membrane qui recouvre le cristallin, en se brisant, la laiffe écouler; parce que l'humeur aqueufe étant dans une quantité beaucoup plus grande, elle affoiblit & dompte fon acidité, dont même elle fe décharge dans les veines,

en circulant comme je l'ay dit dans la description de l'œil.

A la feconde je diray que la membrane qui recouvre le cristallin étant tres fubtile, on ne doit point s'apercevoir de la douleur, puifquelle ne peut être que tres legere: auffi voyons nous que d'autres membranes beaucoup plus épaiffes, causent peu de douleur lorsquelles font piquées, comme par exemple l'uvée dans l'opération de l'abbaiffement des cataractes.

Il y a cependant des malades, qui lorsqu'ils commencent à être travaillez de cataractes, même avant qu'ils commencent à s'en apercevoir, & quelques-fois auffi quand elles font confirmées, fe plaignent d'une douleur au fond de l'œil, qui en quelques-uns eft violente, & en d'autres fuportable: mais cette douleur n'eft point caufée par cette ferofité acide amassée autour du cristallin & qui caufe la cataracte; mais bien par une humeur rhûmatifante qui fe jette fur les membranes qui forment le globe de l'œil & fur fes nerfs & autres parties voifines: & cela eft fi vray, que ce n'eft pas feulement le fond de l'œil qui fouffre, mais aussi le devant de la tête, & fouvent on reffent même des douleurs de rhûmatifme en d'autres parties du corps.

Il eft vray que lorsque cette douleur de rhûmatifme précede ou accompagne l'humeur qui cause la cataracte, ou quelle contribue à la déterminer à couler au centre de l'œil, la cataracte eft ordinairement fufpecte, pour la mauvaise impreffion quelle cause à tout l'œil, ce qui fait que la cataracte change quelques fois de nature: auffi n'en entreprend-t'on point l'opération,

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que cette douleur ne foit entiérement apaisée, & que la cataracte n'aît de tres bonnes marques; comme je le diray ci-apres.

J'ay attribué en partie au fuc nourricier du cristallin, & en partie aux particules qui fe détachent de la fuperficie de ce corps, la naiffance des accompagnemens de la cataracte, ne pouvant l'attribuer à d'autre humeur. Cette ferofité acide qui eft la cause de l'altération du cristallin, n'eft pas capable de prendre corps, ce n'est pas le propre de ces liqueurs : l'humeur aqueufe n'y contribuë aussi en aucune maniére, parce que fi cela étoit, on trouverroit quelques-fois de femblables excroiffances dans l'efpace que cette humeur occupe, fans que le cristallin fût alteré il n'y a donc que le fuc nourricier du criftallin qui leur puiffe donner naiffance, "en liant avec lui les particules qui fe détachent de la fuperficie de ce corps.

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Je n'ay rien dit des caufes extérieures dés cataractes, comme font les coups reçeus fur l'œil; parce que ces fortes de cataractes ne font pas pour l'ordinaire vrayes. Cela viendra dans fon lieu : auffi bien n'ay-je eu deffein de traiter ici que des caufes intérieures des cataractes. Voyons prefentement quelles en font les differences.

L

que,

Es cataractes vrayes ne different entre elles, ou a raison de leur âge, ou de leur quantité ou étendue, ou de leur couleur.

A raifon de leur âge, elles font ou naissantes & imparfaites, ou confirmées & parfaites.

La cataracte est naiffante, lorfque le cristallin commence à s'alterer, & que les accompagnemens commencent à fe former, & à paroître comme des nuages blancs au travers de la pupille.

Il y en a de deux fortes, de Laiteufes & de Caféenfes, qui ne different que du plus au moins: car toute cataracte dans fa naiffance eft laiteufe. & cette matiére laiteuse n'est autre chofe que ces accompagnemens naiffants & encore tres tendres, joints à ces particules qui se détachent de la fuperficie du cristallin. Et lorfque cette matiére laiteufe acquiert plus de confiftance, elle devient comme un lait caillé qui fe peut divifer par morceaux," & forme ainfi la cataracte caféeuse. Dans ces deux états, la membrane qui recouvre le criftallin eft encore entiére.

La cataracte eft confirmée & parfaite, lorsque l'altération du cristallin eft entiére . qu'il a acquis une solidité plus grande qu'il n'avoit, que fes accompagnemens ont plus de confiftance, qu'ils ont pouffe plus abondamment, que la membrane qui couvre le crif

tallin eft en partie ou entiérement confommée comme par une efpece de fupuration loüable, & qu'on voit au travers de la prunelle la cataracte entiérement blanche ou d'autre couleur..

Il y a deux dégrez de perfection, un de maturité, lorfque les accompagnemens & la fuperficie du criftallin font dans un certain degré de confiftance, qu'ils ne peuvent plus fe féparer du cristallin & fe diffoûdre dans l'humeur aqueufe quand on les touche avec l'éguille, qu'ils fe peuvent détacher de l'uvée s'ils avoient contracté quelque adhérence avec cette membrane. & qu'ils font fi flexibles & fi obeiffants" que quand on conduit le cristallin au bas de l'uvée, ils ne font aucun reffort, d'où vient que la cataracte demeure.

L'autre de vieillesfe, quand les accompagnemens ont tant de consistance, qu'ils deviennent fibreux & font reffort; d'où vient que la cataracte eft fort fujette à remonter lors de l'opération, & qu'ils s'attachent quelques-fois fi fort à l'uvée, qu'on à de la peine à les en féparer.

Quand je dis que les cataractes vrayes different à raison de leur quantité ou étendue, je n'entens pas que le cristallin alteré foit plus étendu, j'ay dit au contraire qu'il diminuoit en volume: mais j'entens qu'il paroît ainfi, parce que les accompagnemens sont en fi grand nombre quelquefois & fi étendus, qu'ils occupent tout l'efpace qui eft entre le cristallin & l'uvée, & qu'il en paffe même au travers de la pupille, comme je l'ay vû quelques-fois, & comme quelques Oculiftes peuvent l'avoir vû : & c'est fans doute ce qui a

fait

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