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des fois; mais c'eft parce qu'ils ne font pas affez obeif fants ni affez tranquiles pour foûtenir l'operation.

Si par les remedes on peut guérir la Cataracte naissante ou non confirmée, & fi on peut la prévenir?

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A plûpart de nos Auteurs propofent des remedes, pour empêcher la cataracte de fe former lorfquelle commence, ou pour la guérir quand elle n'est pas encore confirmée. Ces remedes felon eux, font generaux, ou particuliers. Par les generaux ils tendent dabord à fubtilifer & attenüer les humeurs, par l'usage des fix choses non-naturelles qu'ils difent devoir pancher vers une temperature chaude & feiche, & par celui de quelques autres remedes qu'ils croyent fpecifiques. Quand ils ont ainfi préparé les humeurs, ils les purgent avec d'autres fpécifiques dont la bafe eft prefque toûjours l'aloës : ils mettent en ufage les gargarifmes, masticatoires, fternutatoires, cauteres & autres remedes pour dégager le cerveau, ou pour dériver l'humeur qui caufe la cataracte. Enfin ils viennent aux remedes particuliers, qui confiftent dans plufieurs efpeces de collyres, liquides ou fecs, préparez avec des fiels d'animaux, gommes, fucs, &c. Je n'entre point dans le détail de tous ces remedes, puifque je n'ay pas fein de les propofer, mais feulement d'examiner, fi par cette conduite, on peut guérir ou prévenir les cataractes naiffantes ou non-confirmées.

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Quand

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Quand je confideré que la cataracte est une altération entiére du cristallin, qui lui fait, perdre fa tranfparence : que cette altération eft caufée par une humeur que j'ay fupofée, avec quelque fondement, être acide, qui, s'infinuant dans les pores du cristallin, diffoût fon ferment radical, unit ensemble les particules molles & gommeufes qui compofent chacune de fes fibres, les endurcit, les deffeiche, & changeant la disposition naturelle de ce corps, le met hors d'état de fe pouvoir nourrir. Quand je confidere encore que toutes ces chofes ne fe peuvent faire, les que pores du cristallin qui donnent paffage à la lumière ne foient détruits, qu'il ne perde par confequent fa transparence, qu'il ne blanchisse, ou prenne les autres couleurs dont j'ay parlé, fuivant que cette humeur acide agit plus ou moins vivement ou plus long-tems, ou quelle eft pure, ou meslée d'autres humeurs fuivant là diverse temperature des malades; je ne fçaurois m'imaginer comment un cristallin en cet état, qui eft un corps étrange, inutile, nuisible, pourroit se rétablir par remedes.

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Les remedes generaux peuvent digerer, attenuer & fubtilifer les humeurs: ils peuvent les détourner & les diminuer, en les évacuant fenfiblement ou infenfiblement: ils peuvent dégager les parties, y rétablir le mouvement circulaire s'il y étoit empéché, & ainsi prévenir quantité de maladies futures, ou guérir celles qui feroient arrivées. Les remedes particuliers peuvent aussi agir à peu prés de la même maniére sur les parties malades fur lesquelles on les aplique, même

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ils adouciffent, digerent, résolvent, consomment, abforbent & deffeichent plus puiffamment. C'est ainsi que les uns & les autres diffipent les inflammations, les éréfipeles & autres maladies intérieures ou extérieures; qu'ils conduisent à fupuration les apoftemes, qu'ils procurent la réunion des playes & des ulceres, qu'ils facilitent l'exfoliation des os, qu'ils arrêtent les gangrenes & hâtent la féparation des parties mortifiées : mais ils ne peuvent ni les uns ni les autres, remettre dans le même état les parties dont la difpofition naturelle eft changée ou détruite; la nature même qui est la fouveraine medecine des maladies ne le peut la réunion des parties ne fe fait que par une feconde intention; dans les parties molles il fe forme une cicatrice; dans les parties dures un callus : ce n'est plus la même difpofition, ce ne font plus les mêmes parties: comment donc rétabliront-t'ils en fon premier état, un cristallin alteré, un cristallin corrompu ?

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On dira peut être, qu'on demeure d'accord que quand le cristallin eft entiérement alteré & corrompu, il ne peut fe rétablir: mais que lorsque l'humeur ne fait que commencer à flüier, quelle n'a alteré que la fuperficie de ce corps, & qu'il n'a encore perdu que peu de fa transparence, du moins pourroit-t'on par remedes empécher cette humeur d'y flüer davantage, réfoudre celle qui feroit flüée, rétablir cette legere altération ou au moins empécher fon progrés, & rendre ainfi la tranfparence à ce corps, dans le même état celle qui lui refte encore. Je repondray, que quand il feroit poffible d'empécher

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ou entretenir

l'humeur de flüer, & de réfoudre celle qui feroit déja flüée, comme peut être cela fe pourroit faire par les remedes administrez fuivant les régles prefcrites par nos Auteurs: il feroit cependant impoffible, d'arrêter le progrés de l'altération du cristallin, bien loin de rétablir ce corps; parceque le cristallin étant féparé de toutes parts de la membrane qui l'embrasse. il ne reçoit point fa nourriture de même que les autres parties de nôtre corps, comme je l'ay dit au chapitre 14. de la defcription de l'œil, mais par imbibition: deforte que l'humeur qui caufe la cataracte, s'épanchant entre ce corps & fa membrane, en altére toute fa fuperficie ; & cette altération fi legere quelle puiffe être, ne fe pouvant faire fans que les pores fuperficiels de ce corps, qui donnent paffage à fa nourriture ne foient détruits; il s'enfuit que quand l'humeur qui caufe la cataracte pourroit ceffer de flüer, & celle qui feroit flüée fe réfoudre, l'humeur alimentaire ne pourroit pas pour cela pénétrer cette fuperficie: ainfi tout le criftallin, faute de nourriture, fe deffeicheroit & la cataracte deviendroit mixte, & de la nature de celle dont je parleray au chapitre 16.

De prévenir la cataracte, fe feroit une chose bien difficile, quand cela fe pourroit, il n'y a point de figne qui précéde la fluxion de l'humeur qui la caufe, & même les premiers fignes font fi équivoques, qu'on ne juge certainement que la cataracte fe forme, que lorfque la vie eft fort diminuée, & qu'on commence à apercevoir quelques nuages, dans lequel tems toutes les précautions que l'on pourroit prendre feroient

inutiles, comme je le viens de montrer : ainfi aquoi bon travailler les malades par des remedes ?

Je diray de plus que l'expérience ne s'accorde point aux promeffés que nos Auteurs nous font de la vertu de leurs remedes: on n'a point vû encore de cataracte guérir par leur moyen. Je veux bien croire que parmi ces Auteurs, il y en a beaucoup qui n'ont pas eu def fein de nous tromper, ils fe font trompez les premiers en fuivant trop aveuglément ceux qui les ont précédez; & l'opinion qu'ils tenoient touchant la nature de la cataracté, les a confirmé dans leur erreur: auffi nous ont-ils proposez leurs remedes de bonne foy, & fuivant les régles de la Medecine. Ils auroient cependant mieux agi, s'ils ne l'avoient fait que problematiquement, cela auroit donné lieu à ceux qui lifent leurs écrits de douter de leur doctrine & de s'en éclaircir par des expériences de pratique. Si même ils avoient eu autant de foin de confulter Galien, qu'ils en ont eu à proposer leurs remedes, ils auroienr reconnu que cet Auteur, quoiqu'il crût auffi bien qu'eux que la cataracte fût une humeur épaiffie & congelée, fe donnoit bien de garde de donner fa hyere, que lorsqu'il jugeoit que les imaginations, fignes incertains de cataractes, n'étoient que paffagéres; & que quand on le confultoit par lettres pour des fuffufions naiffantes, il avoit foin avant que d'envoyer fes remedes, de s'informer de toutes les circonftances qui pouvoient l'affûrer que ces indifpofitions ne provenoient que des impuretés de l'estomach, comme on le peut voir en lifant le chapitre 2. de fon 4. livre des Lieux malades : ils au

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