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Ce que j'ay dit de la formation des cataractes vrayes, fait affez connoître qu'il ne peut s'en former en un jour, fi prompt que le dépoft de l'humeur qui la caufe puiffe être ; & qu'ainfi Fernel a été trompé par l'aparence. Car quand même on demeureroit d'acord de fes principes, on ne pourroit pas concevoir, qu'une humeur coulée entre l'uvée & le cristallin, pût prendre corps en fi peu de tems, pour former felon lui une cataracte parfaite. Et pour la raifon qu'il en donne immediatement apres, quand il dit; Et enim fi craßus humor in opticum nervum repentè incidens fubitò obcacat ; cur non etiam is longius ob pupillam prolapfus repentinam fuflusionem eàmque perfectam inducet? elle n'a aucun raport a ce qu'il veut prouver : parceque quand une humeur pourroit tomber fubitement dans le nerf optique, ou elle s'engageroit aisement à caufe de la difpofition de fes pores, & en même tems lui ôter fon ùfage; il ne s'enfuivroit pas pour cela, qu'une même humeur épanchée entre l'uvée & le cristallin y prît corps en fi peu tems, l'humeur aqueuse avec laquelle elle se trouveroit confondüe s'y opofant.

de

Mais lorsque l'humeur qui caufe cet abcez eft froide, il est beaucoup plus de tems à se former, il se paffe plufieurs mois, quelques-fois des années entieres avant qu'il paroiffe du pus: la vie eft cependant empêchée, & les malades ont prefque tous les mêmes fignes, qu'ont ceux qui font travaillez de cataractes vrayes; ce qui fait qu'on n'en peut faire de jugement certain. Il en eft de même quand l'abcez ne se fait que dans une petite partie de la fuperficie du cristallin, &

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qu'il eft d'une mauvaise nature; parcequ'il n'ulcere que petit à petit le cristallin.

On connoît que le pus eft fait par fa blancheur, & par la diminution des fymptomes qui l'ont precedé, quand ce pus eft loüable & en une mediocre quantité, le plus fubtil fe refoût, & le plus groffier fe deffeiche, ensemble le cristallin, qui paroît alors comme un Glaucoma, hors qu'il n'eft pas fi uni, & par confequent moins luifant, & qu'il femble plus petit & plus enfoncé, à cause que la pupille fe refferre davantage. Mais quand il eft d'une autre nature, qu'il eft malin, ou qu'il fe trouve en grande quantité, il rompt la mem-brane du cristallin, fe melle dans l'humeur aqueufe, fe precipite quelques-fois au bas de l'œil, ou on le voit

par

fon trou

fouvent au travers de l'uvée & détruit quelques-fois & fond le corps vitré, & alors le cristallin alteré n'étant plus foûtenu branle, comme je l'ay dit au chapitre précedent, & tres fouvent ce pus altere les autres parties intérieures de l'œil, qui dans la fuite s'atrophie, fe corrompt & j'aûnit : ce qui arrive rarement fans de tres grandes douleurs de cette partie qui fe communiquent même à la tête.

Quand le pus eft échapé du criftallin, l'ulcére qui refte fait paroître fa fuperficie blanche, inégale & éloignée: l'uvée fe ride, & la couleur de l'iris fe convertit en une mauvaise: fon trou s'étrécit extremement, & souvent même change de figure; & les malades ne diftinguent que tres foiblement la lueur du grand jour. Voila ce que l'expérience m'a fait remarquer fur cette maladie, assez aisée à connoître quand elle ne tarde

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pas à fe former: mais quand elle vient lentement, elle est bien difficile à distinguer de la cataracte vraye, fouvent on y eft trompé, à cause de leurs fignes qui font à peu près semblables. Voici une exemple de

derniére.

OBSERVATION.

Un nommé Claude Durand, homme âgé de faint Julien du Saut, entre Ville-neuve le Roy & Joigny, me vint trouver le premier May 1697. fon œil droit depuis cinq ans étoit incommodé d'une tache blanche qui occupoit une partie du criftallin, femblable à une cataracte naiffante; & comme le tour du cristallin confervoit encore de fa transparence,il diftinguoit de cet œil les objets communs, la lumière, les portes, les fenef tres &c. & fur la cornée transparente il y avoit un ulcére fuperficiel, joint à une legere ophthalmie, caufée par des collyres acres qu'on lui avoit donné, dont ayant ceffé l'ufage, il fe trouva bien-tôt guéry de cette inflammation & de cet ulcere, comme je l'ay fçeu depuis.

L'œil gauche fe perdoit depuis dix-huit mois: il s'en aperçeut par des fils, floccons, nuages, & autres fignes avant-coureurs de cataractes: le milieu du crif tallin me parut d'un blanc un peu fale, & le reste de cette partie étoit de couleur d'air un peu obscur. En l'un & en l'autre, la pupille fe dilatoit & refferroit, plus cependant du droit que du gauche dont il voyoit

moins.

J'estimay que la tache de l'œil droit avoit été causée par une puftule ou petit abcez à la superficie du

cristallin, qui étoit guéry, dont la cicatrice blanche étoit cette tache qui demeureroit en cet état fans augmenter, & je ne me trompay pas : & que celle de l'œil gauche étoit un commencement de vraye cataracte, je me trompay comme la fuite me le fit voir.

Car le 2. Avril de l'année fuivante, étant venu derechef chez moi, je trouvay fon œil droit dans le même état que ci-devant : mais pour l'œil gauche, le cristallin m'en parut fort enfoncé, d'un blanc sale, à peu prés de la couleur d'un pus épais & peu loüable, la pupille étant fort petite, irréguliere en fa rondeur, ne se dilatant ni refferrant au grand jour, au soleil, à la chandelle, ni à l'obscurité, ni en frotant l'œil, ni par tout autre moyen : l'iris étoit obfcur & peu vif, & fort ridé, ne diftinguant au refte que très foiblement la lueur du grand jour & du foleil. Toutes ces mauvaises marques me firent juger que la tache qui paroiffoit l'année précedente & que j'avois estimée être un commencement de cataracte, étoit un petit abcez d'une mauvaise nature, dont le pus s'étant étendu infenfiblement, avoit enfin rendu le cristallin tout ulce

& purulant, & que les autres parties intérieures de cét œil étoient alterées par la malice de ce pus : ce qui m'empêcha d'en entreprendre l'operation.

En effet, dans l'abcez & l'ulcération du criftallin, l'operation y eft abfolument inutile: car quand même on abaifferoit le cristallin, ce qui n'est pas toûjours impoffible, les malades ne verroient pas pour cela; parceque la membrane qui recouvre le corps vitré contracte le même vice, & que dailleurs le trou de l'uvée

demeure fi refferré, que la lumière n'y pafferoit qu'a vec peine.

À l'égard des remedes ils font auffi inutiles pour ces maladies. On s'en fert feulement pour temperer les douleurs lorfquelles font violentes, & pour empêcher la fluxion. On employe à cet effet les collyres rafraichiffants & anodins, & les fomentations de pareille vertu, la faignée & autres remedes qu'on trouverra ci-apres au chapitre de l'ophtalmie & ailleurs.

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I la connoiffance des Cataractes fauffes, est nécessaire pour s'empêcher d'être trompé en les confondant avec les Vrayes; celle des Cataractes mixtes, ne

l'eft pas moins pour s'affûrer de la bonne ou mauvaise

réüffite des operations qu'on entreprend, & pour prévenir les malades, ou ceux à qui ils apartiennent, fur les difficultées que l'on foupçonne fe rencontrer dans leurs maladies.

S'il ne fe rencontroit que des cataractes vrayes & des cataractes fauffes, on pourroit avec certitude aprouver les unes & rejetter les autres, en obfervant ce que j'ay dit ci-devant: mais ces maladies ne se trouvent pas toûjours ainfi difpofées; fouvent elles participent des cataractes vrayes & des cataractes fauffes, & font plus ou moins mauvaifes, quelles aprochent plus ou moins des cataractes fauffes..

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