Mais fi l'humeur qui decoule d'une fistule cachée est claire & glaireuse, fi la tumeur quelle forme en dehors eft petite, & s'il n'y a ni douleur ni inflammation comme je l'ay déja dit, elle fe guérit le plus fouvent fans remedes & fans opération, pourvû que les Malades aient le foin de fe preffer avec le doigt le coin de l'œil pour faire couler cette humeur & empêcher que par fon féjour elle ne s'aigriffe & ulcére le fac lacrimal dans lequel elle s'amaffe car cette humeur n'est autre chose que l'humeur excrémenteufe & naturelle qui fe filtre dans ce fac & qui devient glaireufe, ou à caufe quelle s'y mefle avec le fuc nourricier de cette partie qui a été relâchée par l'inflammation précédente, ou à caufe d'une fimple obftruction du trou nafal, qui empêchant l'écoulement de cette humeur par le nez, fait qu'elle s'échauffe par fon fejour, qu'elle s'aigrit & qu'elle altére la temperature de ce fac. De là vient qu'apres des abcez des angles des yeux, non-feulement de la nature des phlegmons, mais auffi de celle des athéromes qui ne pénétrent point dans le fac lacrimal, comme on le connoît apres leur ouverture, & qui guériffent fort promptement, & auffi apres des inflammations des angles des yeux guéries fans fuppuration, il refte quelques-fois aux Malades de ces fortes d'écoulements de matiéres claires & glaireuses pendant plufieurs mois & quelquesfois des années entières, & qui enfin fe deffeichent & fe fuppriment entièrement. Cette derniére efpece de fiftule, qui eft une des plus communes, quand elle dure long-tems, & qu'on n'a pas le foin d'en exprimer l'humeur à mesure quelle s'a masse, dégénere souvent dans la précédente, parceque cette humeur fe corrompant par un trop long séjour acquiert un plus haut degré d'acreté, devient purulente, ulcére un peu plus profondément le fac lacrimal & le rend un peu calleux. Cependant il n'eft pas toûjours neceffaire d'en venir à l'opération pour la guérir, à moins que l'humeur comme je l'ay dit ci-dessus ne foit abondante, ou qu'on doute que l'os foit carié ; l'expérience faifant connoître quelle fe guérit souvent auffi d'elle-même dans la fuite du tems : & même il arrive qu'apres une nouvelle fluxion, elle fe deffeiche & guérit promptement, parcequ'il s'y fait alors une nouvelle fuppuration qui détruit la callofité & qui desobstruë le trou nafal. Quoi que cette fiftule fe puiffe guérir d'ellemême, il est cependant plus fûr d'avancer la guérison par l'ouverture & par les remedes propres à la mondi fier & deffeicher. En finiffant ce chapitre, je me crois obligé d'avertir qu'apres l'opération des fistules ou l'os s'est trouvé carié, foit qu'on en ait procuré l'exfoliation par les remedes ou par le cautere actuel, & même après le traitement des autres fiftules, quoique l'ouverture extérieure soit bien cicatrifée, il refte fouvent un écoulement d'humiditées par le le coin de l'œil, & quelques-fois par le nez, qui fubfifte plus ou moins felon que les Malades font d'un temperamment plus ou moins humide & fujets aux fluxions, & qui fe deffeiche enfin. C'est pourquoi il eft bon d'en prévenir les Malades avant même l'opération, afin de leur ôter le chagrin qu'un tel refte de maladie leur pourroit caufer, fi un tel écoulement ref toit, & les empêcher de se plaindre de leur Chirurgien. : Je dirai encore qu'on voit quelques-fois des fiftules de toutes efpeces, même ou il y a carie, fe guérir fans remedes & fans opération, quand les fujets font d'un bon temperamment les exfoliations fe faifants naturellement, & les callofités fe détruifants par de nouvelles fluxions & fuppurations. Je pourrois en rapporter plufieurs exemples, mais je me contenteray de ces deux. Un païfan affez jeune & robufte, travaillé en même tems de deux abcez fort confiderables aux grands angles des yeux, me vint trouver il y a quelques années pour les lui ouvrir, la matiére étant déja prête à percer la peau étant ouverts, non-feulement la partie fupérieure des os principaux de la machoire, mais auffi les os unguis fe trouverent découverts & cariez; voiant ce defordre, je lui conseillay de souffrir l'application du feu, à quoi il ne voulut confentir, quoique je lui fiffe connoître l'incommodité qu'il recevroit des fiftules qui refteroient. Il fe contenta de me demander des remedes pour se panser lui-même & s'en retourna. Quelque tems apres les ouvertures fe refferrerent & fe convertirent en fiftules calleufes, jettants du pus & beaucoup · de fanie noirâtre, cequi continua pendant trois ans, & quelques efquilles étant fortiés, ces fiftules fe cicatriferent au dehors, mais il refta des fiftules intérieures ou cachées dont les humidités purulentes se vuidoient du côté de l'œil qui fubfifterent encore plus d'un an, puis fe deffeicherent, & le Malade fe trouva entiérement guéri, fans que depuis il en ait reffenti aucune incommodité. Une Dame d'un tempéramment assez cacochyme & délicate, fujette à des fluxions fur les yeux, fut travaillée il y a environ trois ans d'un abcez au grand angle de l'œil qui dégénéra en fiftule cachée. Elle confulta plufieurs Medecins & Chirurgiens qui lui confeillerent l'opération, à laquelle ne pouvant le réfoûse dre, elle fortit de Paris ou elle étoit, pour venir prendre l'air en une de fes terres, où étant, elle voulut avoir mon avis fur ce qu'elle devoit faire. Voiant que la tumeur qui fe formoit quand la fiftule étoit pleine étoit fort petite, quelle fe vuidoit aifément du côté de l'œil quand elle la preffoit du bout du doigt, que la matiére qui en fortoit à fon réveil étoit affez loüable, & que celle qui fortoit pendant la journée étoit claire, glaireuse & peu purulente, n'y aiant au refte ni inflammation, ni douleur, je lui dis qu'en fouffrant l'opération, comme on lui avoit confeillé, elle guériroit plus promptement & plus fûrement; mais que quifqu'elle ne pouvoit fe réfoûdre à ce remcde douloureux, elle devoit au moins ne point s'affliger si un jour il furvenoit une nouvelle fluxion, ou une fuppreffion entiére des matiéres qui avoient accoûtumé de couler, & que l'abcez qui fe formeroit pourroit prendre fon cours par le nez, & qu'enfuite elle guériroit: cequi effectivement lui arriva l'hyver fuivant étant de retour à Paris, & elle guérit comme je lui avois prédit. Elle m'en donna auffi-tôt avis: & ce mois de Juillet 1701. tems auquel j'écris ce traité, cette Dame étant en Champagne, je l'ay vie & ay reconnu moi-même la verité de cette guérifon. I 3. De quatre autres maladies du grand Angle. CHAPITRE VI. 1. D'une excroiẞince de chair dite Encanthis. L arrive encore aux angles des yeux quelques autres maladies, qui quoi quelles paroiffent petites & de peu de conféquence, ne laiffent pas que d'apporter des incommodités quelques-fois fâcheufes aux Malades qui en font attaquez. appellée Telle est l'excroißance de chair au grand angle de l'œil, • dont il y a deux efpeces : une qui eft fongueufe, rougeâtre & indolente, qui obeit fouvent aux remedes; ENCANTHIS. & une autre qui eft plus folide, quelques-fois blanchâtre, & d'autres-fois un peu plombée, un peu douloureuse & qui résiste aux remedes ordinaires, n'obeïssant qu'à l'opération. Si l'errement du fuc nourricier des parties molles est la cause de toutes les excroiffances charnuës, on ne doit point chercher dautre caufe de celle-ci : ainfi quand le fuc nourricier de cette petite chair glanduleufe qui fe rencontre naturellement au grand angle, fe trouve abondant, groffier, ou en quelque maniére altéré par quelque levain non naturel coulé & infiltré en cette partie, foit par une ulcération de cette même chair glanduleufe, ou par un refte d'ongle qui n'a pas été emporté dans lopération, ou que l'on n'a pas fuffifam ment deffeiché, il donne naiffance à cette excroiffance ou addition de chair, qui femble être une appendice ou |