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des opérations qu'on n'en a entrepris. En effet, on ne peut couper un cancer des paupières, fans enlever en même tems une partie de la paupière pour emporter au moins fes principales racines; ce qui cauferoit une difformité plus grande, & pour le moins auffi incommode que le cancer; parceque l'œil étant découvert se trouveroit exposé à toutes les injures extérieures. Dailleurs comme il feroit impoffible d'emporter toutes les racines, on ne pourroit appliquer fur cette partie des remedes pour les confommer; ainfi bien-tôt apres le cancer pulluleroit de nouveau, & au lieu d'être caché, c'est-à-dire, non ulceré, comme il étoit, il s'ulcereroit fi prodigieufement qu'il occuperoit les parties voisines, & feroit enfuite périr miférablement le Malade.

On ne peut donc entreprendre qu'une cure palliative, quand le cancer s'échauffe, pour en retarder l'ulcération; & quand il eft ulceré, pour empêcher le progrés de l'ulcération & éloigner autant qu'on le peut les

fuites funeftes de cette maladie.

A cet effet, on emploïe les remedes généraux, comme le bon regime de vivre, la faignée & les purgations douces, & fouvent reïterées. Ces remedes font fi abfolument neceffaires que fans eux les remedes topiques procureroient peu de foulagement aux Malades. On connoît auffi par expérience que les évacuations naturelles, comme le flux des hémorroïdes & celui des menstruës sont si profitables, que fouvent elles arrêtent l'inflammation & appaifent la douleur : ainsi on les doit exciter quand elles n'arrivent pas naturellement à ceux qui y font fujets..

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En commençant les remedes généraux, on met auffi en usage les remedes topiques, choififfant ceux qui rafraichiffent, temperent, diffolvent & repouffent doucement les humeurs malignes qui fe mettent en mouvement, tels que font les eauës diftillées de morelle, de ciguë, de plantain, de fray de grenouilles ou de grenouilles entières de vers de terre, feules ou meflées ensemble, & dans lefquelles on fait fondre du fel de faturne. On se sert aussi des fucs de ces plantes & de ceux de geranium, de fcabieufe & d'herniaire, même du fuc d'écrevices pilées dans un mortier de plomb. On trempe des linges dans ces liqueurs tiédes qu'on applique fur le cancer & qu'on renouvelle à mesure qu'ils feichent. On y applique même du fromage mou, ou du lait caillé, des tranches de chair de veau, que l'on change quand elles fe corrompent, & plufieurs autres remedes femblables, fe donnant bien de garde. de fe fervir d'aucuns rémedes qui fuppurent, ou qui repouffent fortement, ou qui foient trop actifs ou pénétrants, parceque tous ces remedes feroient capables d'augmenter le mouvement de l'humeur & de la fermenter à un tel degré, que le cancer s'ulcéreroit infailliblement.

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Quand le cancer eft ulceré les remedcs fufdits viennent, mais on adoucit plus puiffamment lacide malin & corrosif, en y appliquant auffi en même tems la poudre faite avec le plomb fondu, avec le mercure crud. Le plomb brulé & lavé, la litharge, la cerufe & le minium aussi Lavez, la tuthie préparée, tous les bols & terres figillées, adoucißent auffi l'acide du cancer. Les poudres d'écrevices, de grenouilles, de crapaux calcinez, font eftimez de bons

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Specifiques pour mortifier l'acide malin de tous les cancers ulcérez. La corne de cerf calcinée, toutes fortes de coquillages, les os ou arrêtes des poißons de riviere, ceux de moruë ou d'autres poißons de mer, n'ont pas un moindre effet. On fe fert de toutes ces poudres feules, on de quelques-unes meflées ensemble, on en fapoudre le cancer ulcéré, & par dessus on applique des linges ou com presses imbuës de quelques-unes des liqueurs fufdites. Ou bien on en prépare des efpeces d'onguents ou liniments que l'on fait avec quelques-unes de ces poudres minerales parties égales de quelques-unes des autres poudres que l'on mesle ensemble, & que l'on triture bien dans un mortier de plomb, en y ajoûtant petit à pețit une quantité fuffifante de quelques-uns des fucs fufdits, rendus fort muccilagineux par l'infufion de la femence de coins, jusques à ce que le tout foit en confiftance de liniment. Quelquesuns ajoûtent dans ces fortes de liniments l'huile d'œufs, ou celles d'amandes douces, ou autres: mais les huiles font toûjours pernicieuses aux cancers.

Voila une partie des remedes, & je puis dire les meilleurs, dont on peut fe fervir pour la cure palliative des cancers, foit ulcérez ou non ulcérez. Ne croiez pas cependant qu'ils soient immanquables, je ne les propose pas pour tels, car ils profitent quelques fois fi peu qu'ils ne peuvent arrêter la furie de cette maladie, tant l'acide qui la cause est malin & corrofif.

Ce que je viens de dire des cancers des paupières, fe doit entendre des cancers parfaits & confirmez : car quand ils font encore naiffants, qu'ils n'excédent pas en groffeur un grain de bled, qu'ils font immediate

ment fous la peau extérieure des paupières, qu'ils font mobiles, fans racines, qu'ils causent tres peu de douleur, & que le Malade eft d'une bonne complexion, on peut les enlever par l'opération : & pour cela il faut bien prendre ses mesures pour n'en point laiffer & pour s'empêcher d'offenser confidérablement les paupières. Voici comme j'ay fait une fois cette opération. Je fis pincer en long la peau extérieure de là paupière prés du cancer, & je la coupay avec la pointe des cifeaux de côté & d'autre de la tumeur; puis je paffay une petite éguille courbe enfilée, d'une incifion à l'autre par la bafe de ladite tumeur ; & l'élevant avec le fil, pendant que je faifois étendre la paupière d'un angle à l'autre, je féparay entiérement la tumeur avec la pointe de la lancette, & je panfay enfuite la playe à la maniére des playes recentes qui fut bien-tôt guérie, fans qu'il en foit arrivé dans la fuite aucun accident, Malade aiant vêcu plus de dix ans apres l'opération.

L

10. Des Varices des Paupières.

CHAPITRE

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X V I.

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Orfqu'un fang groffier & melancolique fe grumele & s'arrête dans quelque rameau confidérable de veines il y intercepte la circulation du sang; de forte que le fang nouveau qui eft continuellement pouffé par les artères dans les autres petits rameaux qui font en deça de l'obstruction, ne pouvant librement circuler, remplit & étend tellement ces petits rameaux

de veines que leur membrane fe relâche, quelles groffiffent confidérablement, s'endurciffent & forment ce qu'on appelle Varices.

Le fang dans fa conftitution naturelle peut encore dilater les veines & produire des varices lorsqu'il eft arrêté dans quelques troncs ou rameaux confidérables de veines, par la compreffion quelles fouffrent à l'occafion de quelques tumeurs schirreuses ou autres, ou de quelques autres causes.

C'est ainfi que les paupières font quelques-fois travaillées de varices qui viennent ou à caufe que le fang s'arrête dans leurs veines par la compreffion de quelques tumeurs fchirreuses ou autres; ou à cause d'un fang groffier & mélancolique qui s'arrête comme je

viens de le dire..

Ce n'est point de ces varices des paupières qui accompagnent les tumeurs de ces parties dont je prétend trai- · ter ici, puifque ces fortes de varices ne font proprement que des maladies fymptomatiques : mais de ces autres efpeces de varices qui ne femblent avoir d'autres causes qu'un fang melancolique & groffier, & qui par elles mêmes peuvent être confiderées comme maladies.

Quand le fang qui aborde inceffamment dans les varices peut trouver quelques petites veines qui se joignent à d'autres qui s'inférent au rameau obftrué au de là de l'obftruction, ou à d'autres rameaux (comme ces fortes d'unions ou anatomoses font fréquentes dans les veines) il dilate infenfiblement ces petites veines, s'y fait des paffages: & quoi que fon cours ne foit pas tout à fait libre, il ne laiffe pas que de fe renouveller

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