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par ce moien fouvent ce bord fe relâche & les cils changent de difpofition.

Si ce remede eft fans effet, foit à cause que ces maladies font trop violentes ou trop invétérées, il faut avec une petite pincette arracher les uns apres les autres tous les cils qui piquent l'œil, le plus fubtilement & avec le moins de douleur qu'on pourra : ainsi l'œil n'étant plus piqué, la fluxion & l'inflammation s'appaiferont plûtôt, & on aura le tems de rétablir le bord des paupières, avant que les cils aient repoussé.

Quelques Auteurs enfeignent de prendre les cils qui piquent l'œil, de les renverfer fur la face extérieure de la paupière, & de les y coller pour leur faire prendre un autre pli; mais il n'y à ni colle, ni glu, ni emplâtre qui les y puiffe faire tenir, à caufe des larmes abondantes qui humectent trop la paupière, & dailleurs ils font trop courts pour les pouvoir manier fi dextrement. D'autres confeillent de brûler l'extremité de la paupiére à l'endroit des cils d'un angle à l'autre, avec un petit cautere actuel pointu; pour confommer la racine des cils & les empêcher de renaître : mais nos Européens font trop delicats pour fe foûmettre à une telle opération, & de plus c'est que par l'efcharre qu'on formeroit, on diminueroit trop le bord de la paupière, & la cicatrice qui y furviendroit le rétréciroit confidérablement.

D'autres enfin veulent qu'apres avoir arraché les cils, pour les empêcher de repouffer, on oigne fréquemment le lieu avec du lait de chienne, ou du fiel de veau, ou du fang de grenouilles vertes, ou du remede d'Archigenes com

pofé de parties égales de caftoreum, de fiel de fang de herißon: mais Gallien au livre 10, des facultées des simples medicaments, affûre que cela eft faux à l'égard du fang de grenoüilles vertes, apres en avoir fait lui même l'expérience, & dans un autre endroit du même livre il n'eftime pas plus le lait de chienne.

Je puis dire, fans l'avoir expérimenté, la même chose de leurs autres remedes, quoique fort recommandez par les Anciens & par quelques Modernes ; puifque pour empêcher les poils de renaître, il faut absolument ou emporter leurs racines, ou les confommer avec les cauteres actuels ou potentiels, ce que ne peuvent faire les remedes.fufdits,

Les cils étant arrachez, on remedie à l'inflammation de l'œil fi elle eft grande par les remedes proposez chapitre de l'ophthalmie, aux ulcérations, s'il y en par les remedes qui conviennent aux ulceres des yeux: & enfin on traite les ulceres prurigineux du bord des paupières comme je l'ay enfeigné au chapitre précédent.

Si pendant le traitement quelques cils repouffent, on les arrache de nouveau fi-tôt qu'on les peut prendre avec les pincettes, parce qu'étant courts, ils piquent plus vivement que s'ils étoient longs: ce qui n'arrive que lorfque les ulceres font invétérez & que la callofité eft grande; car autrement, ils font prefques toûjours guéris avant que les cils aient eu le tems de repouffer. Même fouvent quand ils repouffent, ils font fi fins & mollets, qu'ils fe replient du côté ou il y a moins de résistence & fe jettent par conféquent en dehors ; particuliérement quand en les arrachant on a

emporté une partie de leurs racines, n'y aiant que ceux dont les racines se font rompuës à la fuperficie du bord qui foient durs, & piquants lorfqu'ils repouffent.

Pour la troifiême espece de Trichiafe, on se sert des fomentations fortifiantes & réfolutives propofées au chapitre 7. à l'occafion de la cure de l'emphyfeme & de l'adéme: parcequ'en réfolvant l'humeur qui relâche la partie extérieure de la paupière, cette partie se remet dans fon état naturel, & alors les cils reprennent leur fituation fans qu'il foit befoin de les arracher. L'inflammation de l'œil qui avoit été excitée par le frotement des cils fe guérit en même tems fi elle eft legere; & fi elle eft confidérable, on la guérit comme je l'ay dit, & de même les ulceres s'il y en a..

Je ne fçaurois m'empêcher d'éxaminer ici en peut de mots l'opération que nos Anciens enfeignent de faire en cette rencontre. Ils propofent d'incifer le bord intérieure de la paupière un peu par de là les cils d'un angle à l'autre, afin qu'il fe relâche & se retourne en dehors; & fi cela n'arrive, ils confeillent de faire une incifion en long fur la paupière & qui ne pénétre que la peau, l'éloignant des cils autant qu'il eft necessaire. pour pofer dans la peau un point d'éguille, puis une autre incifion en croiffant qui commence à une extrémité de la premiére incifion & finiffe à l'autre, enfuite d'ôter, en écorchant toute la peau comprife entre les deux incifions, & de joindre en aprés les deux bords: de la playe reftante avec un feul point d'éguille ou plufieurs s'il en eft neceffaire, pour reduire la paupière dans. fon état naturel. Voiez plus au long fi vous le

voulez, la maniére de faire cette opération avec toutes les précautions néceffaires dans Paul, Celfe, Aece, Albucrafis, & autres Anciens, & même dans nos autres Modernes qui les ont copicz: car pour moi je ne'. puis m'arrêter à décrire toutes les minuties d'une opération que je ne veus que réfuter; ce que j'ay dit fuffifant pour la faire connoître.

Il eft hors de doute que cette opération a été imaginée dans le cabinet, fans avoir été jamais mise en pratique, & encore fi mal imaginée, qu'aucun des Anciens ni même des Modernes leurs imitateurs n'a prevû ce qui arriveroit enfuite, car s'ils y avoient bien fait réflexion, ils auroient jugé que l'humeur rhûmatifante ou humidité fuperfluë qu'ils reconnoiffoient être la cause de la rélaxation de la peau extérieure de la paupière, étant tarie & deffeichée, cette peau devoit enfuite fe remettre en fon état naturel; & qu'en emportant une partie de cette peau relâchée, quoi qu'alors fuperflue, apres l'union & cicatrifation de la playe & le deffeichement de cette humeur, la peau reftante fe devoit trouver trop courte pour permettre à la paupiére de s'abaiffer fur l'œil, & qu'ainfi l'œil devoit reiter éraillé, comme nous le voions tous les jours arriver apres les cicatrices qui fuivent les brûlûres, les ulceres. & quelques playes de cette partie, quoique fouvent il ne fe rencontre pas une telle perte de fubftance. Ils auroient auffi jugé que cette premiére incifion qu'ils confeillent de faire au deffous des cils, pour faire renverfer le bord de la paupière en dehors, devoit avoir un effet tout contraire; puifque par la citatrice qui devoit fui

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vre, ce bord devoit fe refferrer en dedans & ainfi s'y replier davantage.

Ils auroient enfin reconnu qu'il étoit donc inutile de fe donner tant de peine à tailler & retailler une fi foible partie, & qui fouffre fi difficilement des incifions; & de tant faire fouffrir de douleurs pour fi peu de profit.

Nos Praticiens qui ont obmis ou condamné cette opération & quelques autres plus étranges que nos Anciens propofent pour la même fin & que je ne raporte pas, parceque les moindres Chirurgiens en peuvent connoître les deffauts, ont donc eü plus de raifon que ceux d'entre nos compilateurs Modernes qui les ont tranfcriptes dans leurs livres comme ils les ont trouvées dans les anciens, fans fe mettre autrement en peine fi elles étoient d'ufage, ou non.

.3. 'Des Poux qui s'engendrent entre les Cils.*

On ajoûte encore parmi les maladies des cils celle qu'on nomme, Phthiriafis, qui eft quand des petits poux larges & plats s'engendrent entre les cils. Je n'en ay point encore rencontre, quoi que j'aye exercé la Chirurgie affez long-tems dans l'Hôtel-Dieu de Paris, & que journellement je l'exerce fur les pauvres & les malheureux, qui par la mauvaise nourriture, la malpropreté & les autres fuites de la pauvreté, y devroient être les plus fujets. J'ay bien vû quelques-fois des Morpions s'attacher à la racine des cils, comme dans les autres lieux pileux; mais cela ne constituë pas une maladie particulière, & dailleurs ce n'est pas de cette espece de vermine dont hos Auteurs entendent parler. Quoi

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