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& fi on lui prefente fubitement & affez prés quelque objet à régarder, on verra derechef que fa pupille fe dilatera & le mettra dans l'état quelle étoit avant qu'on lui fit régarder cet objet éloigné. Si enfin on l'expose à la plus grande lumiére, comme fi on lui fait régarder du côté du soleil, on verra fa pupille se referrer extraordinairement.

De cette expérience j'eftime qu'on peut probablement tirer ces conféquences. 1. Que fi la pupille fe dilate quand la lumière eft foible, c'est pour admettre un plus grand nombre de rayons de chacun faisceau, afin que fe reüniffans, ils ayent plus de force pour ébranler la rétine. 2. Que fi elle fe refferre quand la lumière est forte, c'eft qu'une trop grande lumiére, ébranlant extraordinairement la rétine, la bleffe & excite de la confusion dans la vifion, comme on ne le connoît que trop par expérience.

Or comme les rayons qui viennent des objets éloignez ne peuvent parvenir jusques à l'œil fans qu'ils foient joints en chemin par d'autres rayons qui fe réfléchiffent d'un tres grand nombre d'autres objets, & qui entrent dans l'œil conjointement avec les premiers; il est évident que de ces derniers il y en a beaucoup qui frapent les mêmes fibres de la rétine dans les environs de fon centre: ces fibres fe trouvent donc doublement & peut être diverfement agitez par ces premiers & feconds rayons. Par cette agitation le fentiment de lumiére feroit extremement augmenté, mais l'ame ne pourroit que tres imparfaitement, & niême nullement dans une tres grande distance, distinguer

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les objets principaux vers lefquels l'œil feroit dirigé fi la pupille demeuroit autant dilatée quelle le feroit lors qu'on régarde les objets à une mediocre distance: mais pour remedier à cet inconvenient, la nature y a pourvû autant qu'il a été possible, en faisant que la pupille fe puiffe referrer ou dilater fuivant le befoin. Ainfi lorfqu'on régarde des objets éloignez, la pupille se resferre afin d'empêcher l'entrée à une partie de ces rayons acceffoires, & alors l'agitation caufée par les rayons qui viennent de ces objets éloignez, furmontant celle qui eft excitée par ces rayons acceffoires, l'ame aperçoit mieux la figure & la couleur de ces mêmes objets.

Il est vray que fi la pupille fe refferroit trop, les rayons qui viennent des objets éloignez, quoique réünis fur la rétine, n'ébranleroient pas affez cette membrane pour fe faire reffentir, puisqu'étant divergents en partant de chaque petite partie des objets, plus ces objets font éloignez moins il en paffe par la pupille & moins auffi ils ont de force: mais comme elle ne fe refferre que jufques à un certain degré pour diftinguer les objets fituez à un certain éloignement, & quelle ne fe refferre plus pour en voir de beaucoup plus éloignez, à telle distance qu'ils puiffent étre, du moins cela est insensible, il eft impoffible quelle n'admette encore un affez grand nombre de ces rayons acceffoires, pour peu que les objets vers lefquels l'ail eft dirigé foient éloignez ; & ces rayons augmentans le trémouffement des fibres de la rétine, font que les objets éloignez paroiffent d'une couleur claire où aprochante de la lumière. Plus même les objets font éloignez, plus

cette

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cette couleur est claire & plus on a de peine à les apercevoir diftinctement. Si même ils fe rencontrent à une tres grande distance, ou s'ils n'ont pas une fort grande étendüe, ils disparoiffent entiérement, parce que de tous les rayons qui fe réfléchiffent de leurs fuperficies, il n'en peut venir qu'un tres petit nombre à l'œil par la rayfon ci-deffus: ainfi les rayons acceffoires prevalans, ils fe font feuls reffentir.

Mais lorsque les objets font proches de l'œil, ils empéchent en cette fituation un tres grand nombre de ces rayons qui viennent de quantité d'autres objets de fe joindre à ceux qui fe réfléchiffent de leurs fuperficies. Il n'y en a que quelques-uns qui viennent des objets qui font de côté qui puiffent parvenir jufques à l'œil, qui frapans la cornée fort obliquement, fe terminent en partie fur l'iris, & ceux qui paffent par la pupille rencontrent auffi le cristallin fi obliquement, qu'en fe brifans, ils ne parviennent que vers les côtez de la rétine, & par confequent ne fe font que foiblement & confusement reffentir. Ainfi les rayons qui réjailliffent de chaque petite partie des objets proches vers lefquels l'ail eft principalement dirigé, frapans feuls le centre de la rétine ou les parties les plus prochaines, ils y impriment plus diftinctement leurs mouvemens. Et comme l'ame tend autant quelle peut, fuivant la disposition des organes dont elle fe fert, à perfectionner fes sensations, elle dilate la pupille pour admettre un plus grand nombre de ces rayons, afin que fe reüniffans fur la rétine, ils ayent plus de force pour l'ébranler & lui faire appréhender d'une maniere plus parfaite la fi

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gure & la couleur de ces mêmes objets.

La pupille fe dilate donc & fe refferre pour mieux voir les objets proches ou éloignez par la raifon des. deux confequences ci-deffus: parce que fi elle fe dilate pour voir les objets proches, c'eft qu'il y a peu de rayons capables d'augmenter le fentiment de lumière, & d'affoiblir l'action des rayons qui viennent de ces objets proches, ainfi elle fe dilate pour en laiffer paffer davantage de ces derniers : & que fi elle fe reffèrre pour voir les objets éloignez, c'eft qu'il fe prefente un tres grand nombre de rayons capables d'augmenter le sentiment de lumière & d'affoiblir ou éteindre l'action des rayons qui fe réfléchiffent de ces objets éloignez, ainsi elle se refferre pour s'oposer à l'entrée de ces premiers.

Je me vois encore en quelque maniére engagé de · monftrer que l'œil ne s'allonge point pour voir les objets qui font prés de lui, & ne fe racourcit pas pour voir les objets éloignez, comme quelques-uns fe l'imaginent, fondez fur l'expérience d'un œil artificiel qu'on eft obligé d'allonger & de racourcir, pour aprocher ou éloigner le vélin du verre convéxe. Il est vrai que cela

devroit arriver fi les deux faces du criftallin formoient chacune une portion réguliere de cercle, car comme les rayons dont chaque faisceau eft compofé qui fe réfléchiroient de chaque petite partie des objets proches, se briferoient moins en pénétrant la cornée, par la raifon raportée enfuite de la feconde expérience du chapitre 17. il s'enfuivroit qu'apres leur troifiême réfraction, leur reunion pourroit le trouver fort éloignée du cristallin, & la rétine trop prés; ainfi elle devroit étre

fe

reculée, ou le cristallin devroit s'avancer en devant, ou la boffe de la cornée transparente devroit être rendüe un peu plus éminente, pour que cette reünion se fist juste fur la rétine, ce qui arriveroit par l'allongement de l'œil. Et comme ceux qui se réfléchiroient des objets éloignez se briferoient davantage, comme je l'ay dit au lieu ci-deffus cité, il arriveroit auffi que leur reünion fe pourroit faire plus prés du cristallin, & l'œil fe devroit alors racourcir pour que la rétine fe trouvât à leur reünion, Mais la figure particulière des deux faces du cristallin fe trouve tellement difpofée, que les rayons qui paffent au travers de ce corps, brifent en fortant de fa face poftérieure d'une relle ma-. niére, que les cônes ou piramides qu'ils forment, ont leurs pointes un peu plus allongées quelles ne feroient, fi les deux faces du cristallin étoient terminées chacune par une portion régulière de cercle: ainfi foit que ces rayons viennent d'objets mediocrement proches ou éloignez, s'ils ne frapent toûjours de leurs pointes la rétine, du moins ils la rencontrent par un endroit fi étroit de leurs pointes qu'ils caufent peu de confufion dans la vifion. Aquoi bon donc vouloir que cette membrane s'aproche ou fe recule, ou qu'il arrive quelque changement au globe de l'œil puifque fans cela la vifion peut étre affez diftincte pour l'usage que nous en devons retirer, pourvû toutes fois que la pupille se dilate ou fe refferre, comme je l'ay dit. Ceux qui font verfez dans l'optiqué reconnoîtront cette verité, lorfqu'ils voudront bien fe donner la peine de confiderer attentivement le profil du cristallin tiré de la maniére

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