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que je l'ay ci-devant enseignée au chapitre onziême.

Je demeure d'acord que fi ces rayons venoient d'objets fort éloignez, ils pourroient se croiser si près du criftallin qu'ils fe trouveroient divergens en atteignant la rétine, nonobftant la figure particuliére du cristallin: ainfi ils n'exprimeroient la figure de ces objets qu'avec quelque confufion. Et s'ils venoient d'objets extremement proches, ils ne pourroient s'unir avant que de rencontrer la rétine, & ils n'agiroient auffi qu'avec quelque confusion, c'est effectivement ce qui arrive; car on ne voit bien diftinctement que les objets qui font à une certaine distance, & cette distance fe termine fuivant la figure de la cornée transparente & l'étendue des objets.

Je diray de plus que s'il étoit vrai que l'œil s'allongeât ou fe racourcit pour voir les objets proches ou éloignez, on devroit s'en apercevoir particulièrement dans les enfans qui ont les membranes de l'œil fort flexibles. Ce que je n'ay jamais pû remarquer, quoique je l'aie essayé plusieurs fois, en leur faisant regarder des objets fort proches, & fubitement de fort éloignez. J'ay feulement remarqué que leur prunelle fe dilate davantage que dans les perfonnes plus avancées en âge, & quelle fe meut beaucoup plus librement.

Les muscles obliques qu'on dit l'allonger en le preffant lorsqu'ils fe gonflent, ne peuvent avoir cet ufage, leur difpofition & leur fituation y répugnent. Quand un muscle agit, il fe refferre & fe racourcit, les moins verfez dans l'Anatomie le fçavent. Ils pourroient bien plûtôt le tirer dehors, fi leur difpofition étoit assez

femblable pour le tirer également, & quand cela feroit, le globe en changeant de fituation, n'en changeroit pas de figure. Et les muscles droits s'il étoit vrai qu'ils l'applatiffent en le retirant vers le fond de l'orbite, ils ne le feroient qu'inégalement quand les uns ou les autres fe rélâcheroient, pendant que leurs antagonistes se racourciroient pour incliner l'œil vers les différentes parties d'un objet éloigné, cequi cauferoit de la confufion dans la vifion.

Ceux qui font dans ce fentiment prévoyans une forte objection qu'on auroit pû leur faire, à l'égard des oiseaux dont la cornée opaque fe convertit en partie en os, & à l'égard des poiffons & de quelques autres animaux qui l'ont cartilagineufe, & qui par confequent ne pourroit être affez fléxible pour changer de figure: ils fe font efforcez d'y répondre par avance, en fupofant de certaines fibres ou petits filets noirs qu'ils difent ne fe point rencontrer dans les yeux des hommes ou des autres animaux, qui attachans le cristallin au fond de l'œil, le peuvent faire aprocher ou reculer de la rétine. Mais ils ont fans doute été trompez en fe confians trop au raport de quelques Anatomiftes, qui ne se font pas aperçeus que ces petits filets noirs ne font autre chofe que les fibres de la rétine, qui est effectivement noirâtre dans la plûpart des oifeaux & dans quelques autres animaux. Et quand ces petits filets noirs existeroient comme ils le difent, cela ne les empêcheroit pas de tomber dans une erreur manifefte: car fi ces fibres ou ces petits filets noirs pouvoient aprocher ou reculer le criftallin de la rétine

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il s'enfuivroit que les fibres motrices des autres parties qui gardent une femblable fituation, devroient caufer les mêmes mouvemens dans les parties ou elles s'inserent; ainsi les muscles antagonistes feroient inutiles, ce qui feroit abfurde.

font

Dailleurs ces fibres ou filets n'auroient pas assez de force pour reculer le cristallin, qui étant intimement joint au corps vitré, ne pourroit reculer fans que le corps vitré qui occupe environ les deux tiers du globe de l'œil, reculât en même tems : ce qui ne fe pourroit, parce qu'il ne trouveroit point d'espace pour se loger. Il ne ferviroit même de rien de dire que ce corps étant fort flexible, il pourroit obeïr & s'aplatir; parce que cela il faudroit des forces plus grandes que ces pour filets n'en pourroient avoir; & même il faudroit que les fibres ciliaires qui tiennent le cristallin en sa situation naturelle, pussent obeïr ou s'allonger, mais elles trop courtes & trop tendres; & dailleurs le cristallin & la partie antérieure du corps vitré étant collez comme ils font par leurs côtez au cercle ciliaire, ce feroit encore un obstacle pour ce prétendu reculement. Enfin les muscles obliques ne devroient pas fe rencontrer dans ces animaux, puifqu'ils n'y auroient point l'ufage qu'ils leurs attribüent dans l'homme & dans les autres animaux; cependant ils s'y rencontrent également; il y a donc aparence qu'ils y ont le même ufage que tous les Anatomiftes leurs attribüent, comme je l'ay ci-devant dit au Chapitre 4. & comme je le vais encore repeter, apres que j'auray expliqué l'ufage de la teinture noire de l'uvée.

La noirceur dont la partie postérieure de l'uvée qui eft derrière la rétine eft enduite, & qui la rend fort opaque, arrête les rayons de lumiére, & les empêche de paffer au delà, ou de fe réfléchir confidérablement : ainsi l'image se forme mieux fur la rétine. Et celle qui fe trouve à la partie poftérieure de l'iris, fait les rayons qui se réfléchiffent des fuperficies des corps transparens & même de la rétine, s'y perdent & ne se réfléchiffent plus vers le fond de l'œil, ce qui nuiroit à la vifion.

que

Les muscles de l'œil fervent à le diriger vers les objets que l'on veut régarder. Ils font fi néceffaires pour la vifion, que fans eux on verroit prefque toûjours les objets doubles, & il feroit même difficile de diftinguer les differentes parties d'un objet, fans être obligé en même tems de mouvoir la tête fuivant l'ordre qu'on voudra les regarder, afin que chaque partie pût tomber fucceffivement fous l'axe vifuel, comme on le connoît que trop par l'expérience de ceux qui les ont affectez de quelque inflammation ou autre maladie qui empêche leur mouvement.

Ĵ'apelle Axe optique ou Vifuel, le rayon qui partant d'une partie d'un objet vers laquelle l'œil eft dirigé, entre perpendiculairement par la partie la plus éminente de la cornée tranfparente, pénétre l'humeur aqucuse, le cristallin & le corps vitré, & frape en un point le centre de la rétine, fans avoir fouffert aucune réfraction..

Et comme c'est autour de ce point, que les autres rayons qui viennent des autres parties de cet objet, fe

terminent chacun fuivant l'ordre de leur réfléxion pour en tracer une peinture jufte & en racourci : il s'enfuit que regardant des deux yeux ce même objet, il s'en fait une peinture en chacun œil, cependaut on ne voit qu'un feul objet.

Pour fçavoir comment cela fe fait, il faut remarquer que quand on fe preffe legérement le globe de Facil, en pofant le bout du doigt fur l'une ou l'autre paupière, enforte qu'on la hauffe ou abbaiffe: ou quand on s'éforce de tourner chaque œil du côté du nez, comme fi on en vouloit regarder le bout, & qu'en même tems on régarde un objet, cet objet paroît double. Or il paroît ainfi, parce que les deux yeux ne gardent plus une fituation égale, & qu'aparemment les rayons qui viennent de cet objet ne frapent plus les parties de chaque rétine à une égale distance de leur centre. Il faut donc pour qu'un objet paroiffe feul, lorfqu'on le régarde des deux yeux, que les mufcles les tournent & les dirigent de telle maniére vers l'objet, que les rayons de lumière qui en réfléchiffent & qui entrent en chaque œil, frapent à une égale distance du centre les parties de chaque rétine: ce qui arrive lorfque chaque axe optique qui part d'un même point de l'objet, frape le centre de la rétine de chacun œil; autrement on verroit tous les objets doubles. Et c'eft là le veritable ufage de tous les muscles de l'œil.

Par le centre de la rétine, j'entens la partie de cette membrane la plus voifine de l'infertion du nerf optique qui répond vis-à-vis le centre du cristallin, de la pupille & de la cornée transparente, & qui étant plus fournie

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