maternelle, dont il avoit toute la tendresse: elle crut devoir au talent avec lequel il avoit fu défendre fes droits, une partie confidérable d'une affez grande fortune dont elle jouiffoit, & fa reconnoiffance la deftinoit toute entière à fon défenfeur. Le départ de M. de Belloy dérangea ces projets. Madame de Jonchères mourut en 1760, avant que les fuccès de M. de Belloy euffent pu lui apprendre qu'il étoit digne encore d'être fon neveu. M. de Belloy refta fruftré même de fa part dans le bien qu'il lui avoit confervé: ce fut, à ce qu'on croit, l'effet des inftigations de fon oncle, qui fut toujours implacable, comme M. de Belloy l'avoit prévu. Le fils de cet homme févère le confola, par la délicateffe avec laquelle il fut concilier le refpect qu'il devoit à fon père, & la tendreffe qu'il avoit vouée dès fon enfance à M. de Belloy. Il fut fidèle à l'un & à l'autre, & la mémoire de tous les deux lui eft encore également chère. Une de leurs amies, dévote, mais indulgente, confidente de leur liaison fecrete, la comparoit à l'amitié de Jonathas pour David, perfécuté par Saül. La mère de M. de Belloy pleura fon fils, le bénit & lui pardonna; elle daigna même accepter comme un gage de leur tendreffe mutuelle, l'hommage qu'il lui fit en partant du foible patrimoine que fon père lui avoit laissé. L'ufage qu'elle en fit, fut de le regarder comme un dépôt doublement facré, qu'elle devoit non-feulement garder, mais faire valoir pour fon fils abfent: elle eut foin de placer chaque année les revenus, autant qu'il lui fut poffible; & M. de Belloy, en retrouvant dans fa fucceffion tous ces intérêts devenus un nouveau capital, reconnut le coeur de fa mère. Il eft confolant de penfer que cette tendre & aimable femme a vécu affez pour voir la gloire de fon fils. Elle eft morte en 1773. M. de Belloy, en fuyant ses parens, fe cacha auffi à fes amis; il parut craindre également ou leurs reproches ou leur indulgence, & juger qu'il leur avoit manqué en fe manquant à lui-même. Son ami fut condamné à ignorer longtemps fon fort. M. Buirette, l'oncle, par des difcours mystérieux & finiftres, lui fit feulement entendre que M. de Belloy étoit perdu pour eux, & ne lui laiffa qu'une bien foible efpérance de le revoir. M. de Belloy n'avoit rien à craindre de fon état; la nature lui avoit donné dans le caractère & dans l'efprit une dignité qui se faifoit fentir dans tout fon extérieur, & qui le préfervoit également du danger ou de s'avilir lui-même, ou d'être avili par les autres; il infpiroit à tout le monde une bienveillance mêlée de respect; dans toutes les Cours où il exerça fon talent, il fut l'ami de tous nos Miniftres, & reçut des Souverains mêmes des marques de fatisfaction & d'eftime. On fait d'ailleurs peu de particularités de fon féjour dans les différentes contrées du Nord qu'il habita, ou plutôt qu'il parcourut fucceffivement; on trouve feulement dans fes papiers des indications confuses d'une grande injustice qu'il éprouva dans une Cour, & qui lui fit fentir avec amertume, combien fon état joint à fa qualité d'étranger, & la foiblesse & le défaut d'appui qui en étoient la fuite, pouvoient aifément l'abandonner à l'oppreffion. Ce fut le fouvenir de cette injustice, & d'une autre qu'il éprouva dans la fuite en France, qui lui infpira ces vers utiles du Siége de Calais : Quelle leçon pour vous, fuperbes Potentats! Il paffa plufieurs années à la Cour de Pétersbourg fous le règne de l'Impératrice Elifabeth, dont il célébra toute fa vie la douceur & la bonté; mais il n'aimoit que la France, il ne voyoit que la France; & c'est un fentiment profond de fon ame qu'il a exprimé dans ces deux vers du fiége de Calais : 'Ah! de fes fils abfens la France eft plus chérie ; A mes parens flétris fous les rides de l'âge, Il jugeoit que ne pas fervir fa patrie, c'est la trahir; il a voulu fe peindre lui-même dans ce Comte d'Harcourt (1), infidèle envers la France, mais ramené vers elle par le repentir par l'amour. Il s'eft peint d'une manière encore plus forte dans ce vieillard Breffan, & (1) Voy. le Siége de Calais. né né François (1), qui ne pouvant fe pardonner fa désertion, n'afpire qu'à rendre les reftes de fa vie utiles à fa patrie, & ne veut d'autre récompense, d'un service important qu'il vient de lui rendre, que l'honneur de mourir, en la fervant plus utilement encore. Voyez comme ce transfuge, ou plutôt comme l'Auteur fe condamne & s'humilie noblement dans ces vers que le vieillard dit à Gaston : Pardonnez ma honte & mes regrets, Tel eft le châtiment du cœur dénaturé, Infidèle aux humains dont les tendres fecours (1) Voy. Gafton & Bayard, TOME I B |