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plus heureuses; on lifoit dans un endroit ces deux vers:

Et, qu'en nous y trouvant, les Anglois rebutés
Reconnoiffent Calais dans toutes nos cités.
Dans un autre endroit ces deux autres vers:
L'Etat & le Monarque, à nos yeux confondus,
N'ont jamais divifé nos vœux & nos tributs.

On a remarqué que la tirade contre les mauvais citoyens avoit été le morceau le plus généralemerit applaudi aux réprésentations du Cap; & cela par la force feule de la convenance & de la vérité : car on n'avoit pas vraisemblablement en Amérique la reffource de faire de ce morceau une application calomnieufe à des ennemis.

Il falloit que le fort du Siége de Calais passât par tous les extrêmes, avant de fe fixer. M. de Belloy éprouva l'inconftance Françoise; il fut trop puni d'avoit été trop exalté: à l'engouement général fuccéda, non le refroidiffement ni l'oubli, qui ne peuvent être le partage què des ouvrages médiocres, mais un déchaînement qui eft peut-être un nou-veau titre de gloire. La mode, dont l'empire eft fi abfolu en France, fe tourna pour un temps contre le Siége. de Calais; la critique remplaça l'éloge, & fouvent dans les mêmes bouches & fur les mêmes objets : ce fut l'effet

de la hauteur indifcrete avec laquelle quelques perfonnes à la Cour avoient paru vouloir forcer les fuffrages. A ce defpotifme d'autorité, on oppofa un defpotisme d'opinion; il ne fut plus permis de louer le Siége de Calais, parce qu'il n'avoit pas été affez permis de le critiquer l'action & la réaction des partis contraires avoit procuré à l'Auteur beaucoup d'amis imprudens ou infidèles, & beaucoup d'ennemis implacables, dont aucun ne le connoiffoit.

Mais le temps amena enfin le moment d'être jufte. Quand tous ces orages, favorables ou funeftes, furent calmés, on redonna le Siége de Calais, & fon fuccès fut confirmé par des fuffrages réfléchis; on eut alors la jufte mefure des applaudiffemens dûs à cet ouvrage : on jugea (& ce jugement eft refté) que le Siége de Calais, indépendamment même de l'intérêt patriotique, renferme des beautés dramatiques de tous les genres; que cet intérêt patriotique eft un avantage ineftimable, qui fait de cette pièce un ouvrage à part; que c'eft plus qu'un ouvrage de génie, que c'eft un bienfait envers la Nation; que cette pièce peut, dans les temps malheureux, lui montrer & lui fournir de grandes reffources; & qu'il fera toujours utile de la remettre fous les yeux des François, dans les momens de

rupture ou de méfintelligence avec les rivaux éternels de la France. Sous ce point de vue, le Siége de Calais eft un ouvrage confacré, qui fera cher à la poftérité, comme à la génération préfente; un ouvrage dont le fuccès constant importe au bonheur public, & dont il faut refpecter la gloire.

Injuriofo ne pede proruas

Stantem columnam.

Depuis le Siége de Calais, M. de Belloy fe confacra, par goût & par reconnoiffance aux fujets François ; il ambitionna l'honneur d'être exclufivement le Poëte National : fon amour pour la France étoit mêlé d'admiration; il regardoit les François comme incontestablement fupérieurs à tous les autres peuples s'il fe permettoit de faire un reproche au Gouvernement, (dont il ne se plaignoit jamais pour fon propre compte, propre compte, lors même qu'il en étoit le plus négligé,) ce reproche étoit de ne pas tirer un assez grand parti du caractère national, en fubftituant par - tout l'honneur à l'intérêt; ce qu'il croyoit plus facile en France que par-tout ailleurs. Ce fut vers ce but qu'il dirigea tous fes travaux : il compofa d'abord Gafton & Bayard, & Ga brielle de Vergy. Dans l'une & dans l'autre de ces pièces, mais fur-tout dans la première,

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il avoit à peindre les moeurs de la Chevalerie: dans la première, il avoit encore à peindre le patriotifme. Gafton & Bayard, comme le Siége de Calais, prouve combien, dans les Monarchies, l'honneur peut faire aimer la patrie, & combien les grands hommes, furtout en France, l'ont toujours aimée. Il étoit difficile de propofer aux François de meilleurs modèles dans ce genre, que Gaston de Foix, Duc de Nemours, & fur-tout Bayard.

Quant au fujet de Gabrielle, qui fembloit n'offrir que des paffions forcenées & des malheurs inouis, l'Auteur conçut l'idée de l'adoucir par des traits d'héroïsme, de vertu, de patriotisme même; & d'ailleurs l'hommage bizarre & terrible que Coucy offroit à fon amante, n'étoit point étranger aux mœurs de la Chevalerie.

Ces deux pièces, reçues depuis long-temps à la Comédie, attendoient encore que leur tour d'être jouées arrivât, lorfqu'on les vit paroître imprimées à la fin de 1769 & au commencement de 1770. La raison de cette publication prématurée étoit affligeante pour l'amitié, pour les Lettres, & fembloit faire un reproche secret au Gouvernement. La plus rigoureufe économie, la conduite la plus régulière, n'avoient pu préferver de la pauvreté, l'Auteur du Siége de Calais : la modi

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que penfion qui lui avoit été accordée dans le temps des répréfentations de cette pièce, étoit une distinction flatteuse, non un fecours fuffifant: elle prouvoit la fatisfaction du Roi; mais elle ne mettoit pas à l'abri du befoin. Le théâtre, foit par la multiplicité des pièces, foit par des vices d'administration & de police intérieure, n'étoit déjà plus une carrière à laquelle un homme de génie pût confier le foin de fa réputation & de fa fortune ; & l'Auteur du Siége de Calais, négligé depuis cinq ans, étoit réduit à ne pouvoir plus attendre l'occafion tardive d'un nouveau fuccès. Cette nouvelle étonna les ennemis mêmes de M. de Belloy : l'envie l'avoit fuppofé comblé de biens, par le Gouvernement, & cette idée avoit été pour elle un motif de plus pour éclater; fa furprise & fa confufion furent un nouvel hommage rendu au Siége de Calais.

L'infortune entraîne l'infortune : des pièces imprimées ainfi, fans avoir été représentées, perdoient l'avantage d'être une ressource, & faifoient perdre d'avance ce même avantage aux répréfentations qui pourroient être données par la fuite; l'empreffement du Public étant néceffairement moindre pour les pièces déjà connues par l'impreffion.

On fait que M. de Belloy joignoit à l'art

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