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Et chériffant encor la vertu qui m'éclaire;
Je détefte le crime & j'y cours pour vous plaire:

VITELLI E.

Non. Je n'exige pas un effort fi honteux,
Qui peut les condamner, ferviroit mal mes vœux.
J'avois cru qu'en effet l'honneur le plus févère
Obligeoit mon Amant d'ofer venger mon père,
Et que Vitellius demandoit aujourd'hui
Pour époux de fa fille un fils digne de lui.

Si tu nommes forfaits ces fentimens fublimes,
Porte ailleurs tes vertus & laiffe-moi mes crimes.
SEXTUS, (fièrement.)

Je le devrois, cruelle. Et fouvent je le veux;
J'en ai formé cent fois le deffein généreux.
(fe radouciffant.)

Mais contre tant d'appas révolte toujours vaine !
Mes efforts n'ont fervi qu'à refferrer ma chaîne.
Je vous dirai bien plus. Je venois en ces lieux
Pour effayer encor de la rompre à vos yeux.......
Je vous vois; & foudain mes fers s'appefantiffent,
Aujoug qu'ils repouffoient mes vœux s'affujettiffent.
Je cours aux Conjurés qui n'attendent que moi;
Je vais.... avec horreur renouveller ma foi.
Votre hymen ne rend pas ma main plus excufable:
Mais quelle autre, à ce prix, ne deviendroit coupable?

SCÈNE III.

VITELLIE, TULLI E.

VITELL I E.

PAR fon aveugle amour tu conçois mon projet.
En régnant fur le monde il fera mon fujet.
J'aurai fur mon époux le pouvoir d'Agrippine:
La Terre obéit mieux quand mon fexe domine (1).
TULLI E.

Madame, & de quel œil le jaloux Lentulus
Verra-t-il que l'hymen vous attache à Sextus ?
Je crois, dès fon jeune âge inftruite à le connaître,
Qu'il a d'autres deffeins que de changer de Maître.
L'Empire qu'à Sextus va donner votre main....

VITELL I E.
Ils le partageront, j'ai réglé leur deftin.
Je vois trop qu'en fecret Lentulus en foupire:
Mon hymen l'eût rendu seul maître de l'Empire.
Mais cet efprit hautain voudroit regner fur moi;
Je ne prends point d'époux pour en fubir la loi.
Toi, dont après Titus je faifois mes délices,
Trône, fi digne objet de tous mes facrifices,

(1) Au lieu de ces deux vers il y avoit dans l'édition de 1760:

Du Souverain des Rois je ferai Souveraine,

Et d'Agrippine encore on va porter la chaîne.

Dédommage mon cœur en ce funefte jour:
Et que l'ambition confole au moins l'amour.

TULLI E.

J'apperçois Lentulus.

SCÈNE I V.

VITELLIE; LENTULUS, ADRIEN, TULLIE.

(Les deux Confidens fe tiennent au fond du Théâtre.)

LENTULU S.

A Vos vœux tout confpire,

Madame, & cette nuit l'Ufurpateur expire.
Nos Gonjurés font prêts, & du moment fatal
Le Capitole en feu donnera le fignal :
Votre nom les conduit, mon zèle les enflâme,
Dans leurs cœurs embrafés j'ai fait paffer mon ame.
Mais fur-tout épargnons à leurs brûlants transports
Ces délais périlleux où naiffent les remords.
Saifir, ou négliger un inftant fi propice,
C'eft voler au triomphe ou marcher au fupplice:
Leur fureur eft peut-être un fentiment forcé
Que l'aspect de Titus aura bientôt chaffé :

(En regardant Vitellie avec une malignité qui lui fait baiffer les yeux.):)

Vous favez à quel point il excelle à féduire!
Cet art aigrit encor la haine qu'il m'infpire.

(La regardant encore plus attentivement pendant les vers fuivans.)

Qu'il me tarde de voir mon rival massacré (1).
Au trône des Céfars nous fervir de degré ;
Et d'offrir à vos yeux d'une main triomphante
Leurs lauriers arrachés de fa tête fanglante.
Vous tremblez!

VITELLIE, (tâchant de se rassurer.)
Ma terreur n'eft point un repentir:
Quelle femme ordonna le meurtre, fans frémir?

LENTULUS.

Ce meurtre n'eft pour nous qu'une jufte victoire;
Le fortuné Sextus s'en réferva la gloire,
Vous l'avez préféré. Son bras va me ravir
L'honneur où j'afpirois en courant vous fervir.
Il en recueille un prix bien plus touchant encore,
Le feul qu'eût envié ce cœur qui vous adore....
Pardonnez. Il eft vrai que ce cœur généreux
Fuit l'oifive langueur des foupirs amoureux:

(1) Qu'il me tarde de voir ce tyran massacré
A fon trône fanglant nous fervir de degré ;
Et d'offrir à vos yeux de ma main triomphante
Son cœur fumant encore, & fa tête expirante!
Vous tremblez!

VITELLIE, (fe raffurant.)
Moi, Seigneur ! je voudrois que ma main
Portât les premiers coups à ce cœur inhumain.

LENTULUS.

Cet exploit m'étoit dû ; j'ofe encore le croire.

Edition de 1760.

Ces foins efféminés d'une vulgaire flâme

Sont un titre de moins auprès d'une grande ame." J'ai cru qu'un art si vain n'étoit pas fait pour vous, Qu'il falloit vous venger pour être votre époux. Tout eft prêt, & par qui?...Jugez-nous donc vousmême;

Qu'a fait jufqu'à préfent ce Sextus qui vous aime? C'eft par de froids foupirs qu'il explique fes vœux; C'est par mon zèle ardent que j'ai prouvé mes feux. VITELLI E.

Ce difcours, je l'avoue, a droit de me furprendre. (Avec un peu d'ironie.)

J'ignorois qu'à ma main l'amour vous fît prétendre.
Cette main n'eft plus libre; & vous favez la loi
Qui m'engage à Sextus en l'engageant à moi.
Puis-je la révoquer ?

LENTULUS.

J'y foufcrirois, Madame,

Si Sextus obfervoit cette loi qu'il réclame.
Je verrois mon Rival fans en être irrité

Poffeffeur d'un tréfor qu'il auroit mérité :
Mais quoi! Lorfqu'il héfite à remplir sa promesse
Vous laiffez nos deftins commis à sa foibleffe!
Je crains que pour Titus un perfide retour....
Qui trahit l'amitié peut bien trahir l'amour.

VITELLI E.

Eh bien ! fur vos foupçons faciles à détruire,
Par moi-même, Seigneur, je veux encor m'inftruire.
S'il eft conftant, je l'aime; & vous y confentez.
S'il tremble, je le hais; vos vœux font acceptez.

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