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<< ment ouverts aux larmes, toute ma doua leur, tous mes remords seront inutiles: je << ne regagnerai jamais votre confiance. << Je vous la redonne, Madame, interrom« pis-je tout attendri de l'affliction qu'elle << faisait paraître, je ne veux plus me sou«< venir du passé, puisque vous vous en << repentez.>>

« En effet, dès ce moment j'eus pour elle « les mêmes égards que j'avais eus aupa<< ravant, et je recommençai à goûter des « plaisirs qui avaient été si cruellement « troublés ils devinrent même plus pi<< quants; car ma femme, comme si elle << eût voulu effacer de mon esprit toutes << les traces de l'offense qu'elle m'avait « faite, prenait plus de soin de me plaire << qu'elle n'en avait jamais pris: je trouvais << plus de vivacité dans ses caresses, et peu << s'en fallait que je ne fusse bien aise du « chagrin qu'elle m'avait causé.

« Je tombai malade en ce temps-là. Quoi« que ma maladie ne fût point mortelle, il << n'est pas concevable combien ma femme « en parut alarmée: elle passait le jour << auprès de moi; et la nuit, comme j'étais << dans un appartement séparé, elle me « venait voir deux ou trois fois, pour ap<< prendre par elle-même de mes nou« velles : enfin, elle montrait une extrême

<< attention à courir au-devant de tous les « secours dont j'avais besoin; il semblait << que sa vie fût attachée à la mienne. De << mon côté, j'étais si sensible à toutes les « marques de tendresse qu'elle me donnait, << que je ne pouvais me lasser de le lui « témoigner. Cependant, seigneur Mendoce, elles n'étaient pas aussi sincères «que je me l'imaginais.

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« Une nuit, ma santé commençait alors « à se rétablir, mon valet de chambre vint « me réveiller; «Seigneur, me dit-il tout « ému, je suis fâché d'interrompre votre «<repos; mais je vous suis trop fidèle pour « vouloir vous cacher ce qui se passe en << ce moment chez vous: le duc de Naxera « est avec madame. »

« Je fus si étourdi de cette nouvelle, que « je regardai quelque temps mon valet « sans pouvoir lui parler: plus je pensais « au rapport qu'il me faisait, plus j'avais « de peine à le croire véritable. « Non, << Fabio, m'écriai-je, il n'est pas possible « que ma femme soit capable d'une si « grande perfidie! Tu n'es point assuré de « ce que tu dis. -Seigneur, reprit Fabio, << plût au ciel que j'en pusse encore douter; « mais de fausses apparences ne m'ont a point trompé. Depuis que vous êtes ma«lade, je soupçonne qu'on introduit pres

« que toutes les nuits le duc dans l'ap<< partement de madame : je me suis caché « pous éclaircir mes soupçons, et je ne « suis que trop persuadé qu'ils sont << justes. >>

« A ce discours, je me levai tout furieux; << je pris ma robe de chambre et mon épée, «et marchai vers l'appartement de ma « femme, accompagné de Fabio, qui por«tait de la lumière. Au bruit que nous << fimes en entrant, le duc, qui était assis << sur son lit, se leva, et, prenant un pistolet « qu'il avait à sa ceinture, il vint au-devant « de moi et me tira: mais ce fut avec tant << de trouble et de précipitation, qu'il me « manqua. Alors je m'avançai sur lui brus«quement et lui enfonçai mon épée dans « le cœur. Je m'adressai ensuite à ma « femme, qui était plus morte que vive: << Et toi, lui dis-je, infâme, reçois le prix << de toutes tes perfidies.» En disant cela, je « lui plongeai dans le sein mon épée toute « fumante du sang de son amant.

« Je condamne mon emportement, sei<< gneur don Fadrique, et j'avoue que j'au<< rais pu assez punir une épouse infidèle «< sans lui ôter la vie; mais quel homme << pourrait conserver sa raison dans une << pareille conjoncture? Peignez-vous cette « perfide femme attentive à ma maladie;

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« représentez-vous toutes ses démonstra«tions d'amitié, toutes les circonstances, << toute l'énormité de sa trahison, et jugez << si l'on ne doit point pardonner sa mort à « un mari qu'une si juste fureur animait.

« Pour achever cette tragique histoire << en deux mots: après avoir pleinement << assouvi ma vengeance, je m'habillai à la «< hâte; je jugeai bien que je n'avais pas de « temps à perdre; que les parents du duc « me feraient chercher par toute l'Espagne, << et que, le crédit de ma famille ne pouvant << balancer le leur, je ne serais en sûreté << que dans un pays étranger: c'est pour« quoi je choisis deux de mes meilleurs <«< chevaux, et avec tout ce que j'avais d'ar«gent et de pierreries, je sortis de ma << maison avant le jour, suivi du valet qui « m'avait si bien prouvé sa fidélité: je pris << la route de Valence, dans le dessein de « me jeter dans le premier vaisseau qui « ferait voile vers l'Italie. Comme je pas« sais aujourd'hui près du bois où vous « étiez, j'ai rencontré dona Théodora, qui « m'a prié de la suivre et de l'aider à vous << séparer. »

« Après que le Tolédan eût achevé de parler, don Fadrique lui dit: « Seigneur don & Juan, vous vous êtes justement vengé du « duc de Naxera; soyez sans inquiétude sur

« les poursuites que ses parents pourront << faire: vous demeurerez, s'il vous plaît, << chez moi, en attendant l'occasion de pas<< ser en Italie. Mon oncle est gouverneur << de Valence; vous serez plus en sûreté ici << qu'ailleurs, et vous y serez avec un hom« me qui veut être uni désormais avec vous « d'une étroite amitié. »

« Zarate répondit à Mendoce dans des termes pleins de reconnaissance, et accepta l'asile qu'il lui présentait. Admirez la force de la sympathie, seigneur don Cléofas, poursuivit Asmodée : ces deux jeunes cavaliers se sentirent tant d'inclination l'un pour l'autre, qu'en peu de jours il se forma entr'eux une amitié comparable à celle d'Oreste et de Pylade. Avec un mérite égal, ils avaient ensemble un tel rapport d'humeur, que ce qui plaisait à don Fadrique ne manquait pas de plaire à don Juan; c'était le même caractère: enfin ils étaient faits pour s'aimer. Don Fadrique, surtout, êtait enchanté des manières de son ami : il ne pouvait même s'empêcher de les vanter à tout moment à dona Théodora.

<< Ils allaient souvent tous deux chez cette dame, qui voyait toujours avec indifférence les soins et les assiduités de Mendoce. Il en était très-mortifié, et s'en plaignait quelquefois à son ami, qui, pour le

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