m'a ordonné de prendre aujourd'hui l'ordre de vous. MOMUS. Me voilà dans les honneurs! eh!.bien Monfieur l'Officier, quel bruit viensje d'entendre ici près? qui le caufe ? L'OFFICIER. Des rebelles qui ne veulent pas affifter au triomphe de la Folie ; c'est la raifon qui les débauche, MOMUS. Ce ne fera rien les révoltes que la raifon excite dans l'Empire de la Folie ne font pas dangereufes, & les révoltés rentrent bien-tôt dans leur devoir mais qui font ces rares féditieux-là ? L'OFFICIER. Il y a d'abord un vieux Philosophe péripatéticien. MOMUS. Un Philofophe péripatéticien ! qu'on ne le laiffe pas aller; diable! fon maître Ariftote a formé les plus illuftres fous de l'univers, à commençer par Alexandre le Grand. L'OFFICIER. J'ai fait arrêter auffi une figure d'une taille allongée, & d'un tein jonquille qui s'appelle M. de la Griffe. MOM US. M. de la Griffe! voilà un nom d'Huif fier. L'OFFICIER. C'est pourtant un Poëte qui dit hautement qu'il veut exterminer la Folie dans fon plus fort retranchement. MOMUS. Un Poëte qui veut exterminer la Folie! il veut donc commettre un Matricile? L'OFFICIER Il a entrepris de faire des Operas raifonnables. MOMUS. Voilà une entreprise de Don-Quichotte un Opéra raifonnable, c'est un Corbeau blanc, un bel Efprit filentieux, un Normand fincere un Gafcon modefte, un Procureur defintereffé, enfin un petit Maître conftant & un Muficien fobre. L'OFFICIER. Où placerai-je dans la marche du triomphe de la Folie ce faifeur d'Opéras raifonnables ? MOMUS. Qu'on lui donne le pas fur ceux qui en font d'extravagans. L'OFFICIER. J'ai encore là un Médecin qui fe vante de guérir tous les maux paffés, préfens & avenir, avec une liqueur , que des ignorans prendroient pour de l'eau de la Seine. MOM US. Ce ne feroit peut-être pas là une méprife; ce ne font ma foi pas les porteurs d'eau qui tirent le meilleur parti de la riviere. C L'OFFICIER. Que ferai-je de ce Médecin-là ? MOMUS. S'il a bien des pratiques, il faut le relâcher, allez. Seul, ce n'est pas être fou que de vendre une pareille marchandife eft-il un magazin de liqueurs plus intarriffable que la riviere?... mais j'apperçois le Carnaval avec Arlequin, ils paroiffent yvres tous les deux, tel maître, tel valet: ne perdons pas une fi belle converfation. MOMUS, LE CARNAVAL yure; ARLEQUIN yure tenant une Bouteille & un Verre. LE CARNAVAL, Air 6. Amis fans regretter Paris. Bacchus Acchus laiffe-moi foupirer. Il fait un hocquet. Folie ARLEQUI N. Amour, laifle-moi boire. Il boit. LE CARNAVAL. Mais quoi, aimerai - je toûjours la qui fe rit de mes plus tendres foupirs? Il fait un bocquet. Buvons. Air 44. Reveillez. Buvons pour oublier l'ingratte, Le Vin eft le plus für fecours. ARLEQUI N. Oui buyons. Il boit. LE CARNAVAL, MOMUS. Le voilà tout trouvé: ç'en eft donc fait, Seigneur Carnaval, vous voulez recourir à Bacchus ; il me paroît que vous lui avez adreffé déja plus d'une antienne. Puifque vous le priez fi matutineufement, je veux vous apprendre une invocation nouvelle : écoutez M. le dif trait, au Carnaval. Air 42.Tu croyois en aimant Coleite. Et pour me vanger de ma peine, Viens noyer l'Amour dans mon cœur. ARLEQUI N. Si l'Amour n'eft pas encore noyé, il faut qu'il fache bien nager. MOMUS au Carnaval. Allons, aprenez donc votre antienne. |