Imágenes de páginas
PDF
EPUB

SCENE VI.

ALMEDOR,

THIBAUT.

ALMEDOR.

La bien fait de fortir, j'étois trop attendri, &

lil me femble qu'il entraine mon cœur avec lui.

Ah l'honnête-homme ! l'aimable homme ! quelles manieres! vous n'êtes guéres bon pere au moins, Thibaut, de letraiter comme vous faites, & vous méritez auffi peu de l'avoir pour fils , que mon malheureux fils de m'avoir pour pere.

THIBAU T.

Si vous le connoiffiez, Monfieur, vous verriez bien que je ne fuis pas fi mauvais pere, que vous croyez.

ALMEDOR.

Dites-lui toûjours de me venir voir fouvent, je me fens de l'inclination pour lui, je veux prendre foin de fa fortune. Mais parlons de notre affaire, avez-vous des nouvelles de cet habile homme qui doit donner des leçons à mon fils, & le faire paffer pour raisonnable, jusqu'à ce que Mr. Accurfe l'ait accepté pour fon gendre.

THI BAU T.

Ma femme l'eft allé chercher, & l'amenera avec

elle.

ALMEDOR.

Eh bien, laiffez-moi feul ici; en attendant ap

prochez-moi cette table: tirez de ce cabinet un grand livre dans lequel j'écris, & qu'on dife que je fuis forti à quiconque me demandera, hors au clere de Notaire de Mr. Accurse, ou à tous ceux qui viendront de fa maifon.

SCENE VII.

LISETTE, ALMEDOR,
UN LAQUAIS.

ALMEDOR (fans voir Lifette.)
Arcourons un peu les memoires des armemens

Pde la mer du Sud (il feuillette & marmotte.)

LISETTE (fans voir Almédor.)

Le coup que je viens de faire de ma tête eft bien hardi, & il faut être auffi rufée que je la fuis pour l'en, treprendre; mais auffi fi je puis rompre ce mariage, je fuis bien fûre qu'il n'y aura jamais que notre Mr. Accurfe, qu'un auffi fot homme, enfin qu'un Docteur qui veüille donner fa fille au fils de Mr. Almédor. Et que fçais-je moi fi je n'en profiterai point? ce nigaut m'aimoit bien avant qu'il fût Vicomte; ne fuis-je pas du bois dont on fait les Vicomteffes? pourquoi ne fongerai-je point à l'épou, fer? on a bien vû des difproportions plus grandes; Embroüillons les affaires, & commençons par Mr. Almédor: bon, le voilà fort appliqué fur fon lis yre; comment l'aborderai-je ?

ALMEDOR (fans voir Lifette.)

Noms des vaiffeaux fur lefquels j'ai eu du profit: fur l'Exterminateur, fix cens mille livres; plus centfoixante-dix-huit mille piaftres pour ma part fur le Poliphême.

LISETTE à part.

Il a commerce avec de terribles gens.

ALMEDOR.

Un million moins neuf cent quatre-vingt-seize livres fur le Neptune.

LISETTE à part.

Je ne fuis pas en peine de lui faire voir cette lettre que j'ai fuppofée & que j'ai écrite moi-même ; j'en ai des moyens de refte; mais je dois me dépêcher, de peur que quelqu'un ne me furprenne. ALMEDOR.

Cette année n'a pas été mauvaise.

LISETT E.

Le voilà de bonne humeur, je puis l'aborder, (à Almédor.) Monfieur, je prens la liberté de venir vous faire la révérence, j'appartiens à Mademoifelle Angélique.

ALMED Ò R.

Serois-je affez heureux pour lui être bon à quelque chofe?

LISETTE.

Je ne viens pas de fa part, mais je me fuis flattée Monfieur, qu'ayant l'honneur de la fervir, vous trouveriez bon que je vous fiffe une priere en faveur d'une de mes proches parentes.

ALMEDOR.

Vous n'avez qu'à parler.

LISET TE.

Comme tout Paris fçait le mariage de Mr. votre fils avec ma maîtreffe, ma parente m'a prié de vous offrir les fervices, c'eft une marchande de bijoux très-accommodante & des mieux afforties. ALMEDOR à part.

La bonne occafion pour mettre cette fille dans mes intérêts! ( à Lisette ) Je préfererai toûjours tour ce qui viendra de votre part, & vous me donnerez lieu de vous faire à mon tour une priere.

LISETT E.

A moi, Monfieur, & en quoi pourrois-je vous être utile?

ALMEDO R.

A rendre de bons offices à mon fils auprès de votre maîtreffe. Je fuis un homme moi, qui ne me contente pas de reconnoître les services après qu'on me les a rendus, je commence par bien payer ceux que je defire qu'on me rende.

LISETT E.

Je n'entends point ce que vous me dites, vous me parlez Hébreu.

ALMEDO R.

Je vais donc vous parler bon François ; je vous prie, en attendant mieux de recevoir cette

montre.

[ocr errors]

LISETT E.

Je ne puis rien refufer de votre main à la veille

du mariage de ma maîtreffe avec Mr. votre fils, & je regarde cela comme un préfent de nôces. ALMEDOR.

Je n'en demeurerai pas là: çà parlons franchement, quels font les fentimens de Mademoiselle Angélique fur le mariage de mon fils; car pour Mr. Accurfe je ne crains rien de fa part.

UN LA QUAIS.

Monfieur, vos chevaux font au carroffe, & le clerc de ce Notaire que vous fçavez vient vous chercher.

AL MEDOR au Laquais.

Je m'en vais. (à Lisette ) Je suis bien fâché d'être obligé de fortir.

LISETTE à part.

Et moi bien-aife, mon prétendu quiproquo paroîtra plus naturel, quand je ferai preffée. ALMEDOR à Lifette.

Mais il faut, Mademoiselle, que nous nous revoyons bien-tôt.

LISETT E.

Vous n'avez qu'à me donner votre heure, Monfieur, j'aurois tort fi je n'y étois pas exacte.

ALMEDO R.

Je vous la ferai fçavoir dès que je ferai de re

tour.

LISETT E.

A propos, Monsieur, j'ai heureusement fur moi

une enfeigne de ma coufine.

« AnteriorContinuar »