Dans la galante Cour d'un Monarque François; Jadis, certain Auteur fit un comique ouvrage, D'où nous vient le Patelinage;

C'est le fujet dont je fais choix. UN DES DIEUX. (Recit de chant.) Du fameux Patelin renouvellons l'hiftoire, La France lui donna le jour; Montrons, montrons aujourd'hui par quel tour, Jufqu'à nous de ce fourbe a paffe la memoire. CHOEUR DES DIEUX.

Montrons montrons aujourd'hui par quel tour, Jufqu'à nous de ce fourbe a paffé la memoire.

THALIE. (Cette Scene fe déclame fans

chanter.)

Vous tous, que Jupiter comble de fes bienfaits,
Et qui ne cherchez qu'à lui plaire;

Allez vous travestir, prenez l'air & les traits
De ceux dont vous devez prendre le caractere,
(à Mercure.) Vous, faites Patelin.

MERCURE.

Moi, Mufe? nous verrons!

THALI E.

Oui, je vois que c'eft votre affaire,

Vous êtes le Dieu des larrons, Vous ne fortirez pas de votre caractere; (à Apollon.) Vous, Apollon, vous ferez Agnelet.

APOLLO N.

Un Berger, moi?

THALIE.

Point de défaite,

Ne l'avez-vous pas déjà fait

En gardant les troupeaux d'Admette?

Sur qui puis-je jetter les yeux,

Pour d'un Marchand dupé repréfenter le rôle? Ah! c'eft à vous, Vulcain, qu'il conviendra le mieux.

VULCA I N.

Un Dieu Marchand?

THALIE.

Eh! oui, fur ma parole

Il vous convient, en vérité !

T'ai besoin d'une dupe, & vous l'avez été.
Il me faudroit un Juge de Village :
A vous le dé, grave Minos.

MINOS.

Mais, Mufe, vous n'êtes pas fåge,
Et vous ofez, mal à propos,
Du Juge des Enfers, faire un Juge de Bale.
Voulez-vous que je me ravale,

A juger un procès qui n'eft que fiction,
Et d'un Poëte oifif, l'imagination?

THALI E.

D'un Poëte? Minos, eft ce vous faire injure?
Ne leur devez-vous pas cela ?

Et de qui tenez-vous, que de ces Meffieurs-là
L'infernale Magistrature ?

Il me reste à donner un Rôle feulement..

Pluton veut-il faire l'amant?

PLUTO N.

Ah! difpenfez m'en, je vous prie,

J'en

J'en crains encore le danger,
Pour l'avoir fait une fois dans ma vie,
Une mere faillit à me dévifager.

THALI E.

Quoi, ce n'eft que cela? prenez, prenez ce Rôle,
Il n'eft plus de mere fi fole.
MERCURE.

Thalie, enfin, le veut; finiffons ces débats,
Pour plaire à Jupiter, que ne feroit-on pas ?
Sa bonté nous y follicite.
Nous avons vu plus d'une fois,
Que de nos différens emplois,
Si quelqu'un foiblement s'aquitte,
Celui dont nous fuivons les Loix,
Se contente du zele au défaut du mérite ;
Mais de vos jeux, Mufe, que dira-t-on?
Eh! quoi, pas une feule Actrice ?

THALIE,

Vous aurez pour femme Euridice,
Je fçais qu'elle a suivi Pluton :

Pour femme de Théatre, au moins, autrement non;
Car prenez garde à fon époux fidelle.
Il ne manquera pas par les chants merveilleux,
De la venir reclamer en ces lieux,

Il ne fçauroit vivre fans elle :

J'ai deux Rôles encor, celui de Henriette
Sera pour la belle Cypris,

Et pour représenter Colette,

Je vais ravir une Nymphe folette
Pour qui le Dieu Pan eft épris,
Tome III,

I

De ce Dieu, cependant, je crains la jalousie,
Les Faunes, les Silvains venants à fon fecours,
Pourroient bien de nos jeux interrompre le cours :
En tout cas de leurs chants, la douce mélodie,
Leurs danfes, leurs concerts, pour fervir les amours,
Feront un Interméde à notre Comédie.

Voilà tous mes Rôles donnés,

ornés,

Et j'en ai fait, je pense, affez bien le partage.
Ce n'eft pas encor tout... ces murs font trop
Pour le lieu de la Scene il me faut un Village:
Muse, fçavante en l'art des Bâtimens,
Changez cette fuperbe & riche architecture
En une champêtre ftructure
Pour affortir mes divertiffemens;
Et vous, Hébé, Déeffe du bel âge,
Aux graces qui fuivent vos pas,
Faites embellir cet ouvrage,

Il ne manquera point d'apas.
Moi je vais cependant, pour la piéce attenduë,
Faire préparer mes Acteurs.

Quoi! vous craignez les Spectateurs, Et n'ofez, traveftis, vous montrer à leur vûë? Quand il faut divertir le plus puiffant des Dieux, On peut paroître fur la Scene; Quelque figure qu'on y prenne, Tout perfonnage eft glorieux.

Les Dieux & les Déeffes qui doivent fe traveftir fe rendent à cette raison, & fuivent Thalie. Cependant l'Olimpe fe change en un Village, tandis que la Déeffe Hébé danfe invite les Graces qui l'accompagnent à parer la Scene: ce qu'elles font en plaçant des vafes de fleurs en différens endroits, en danfant & en chantant.

UNE

(On danfe.)

AUTRE GRACE.

Toûjours, quoiqu'on veuille faire,

C'est à nous qu'on a recours;

Sans nous on ne fçauroit plaire,

Avec nous on plaît toûjours.

(On danfe.)

UNE AUTRE GRACE.

Venez, charmante Thalie,

Vos Acteurs peuvent fortir :
Votre Scene eft embellie;

Venez, venez nous divertir.

Les Graces repétent en Choeur les deux derniers Vers.

Fin du Prologue.