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les meubles qu'un Propriétaire réserve à fes neceffitez, a donné 7 ff.de Ping. fujet à la Coûtume d'affranchir tous les autres des liens d'une con- & hypos. vention expreffe. La Jurifprudence avoit crû qu'un Debiteur fe refervoit fecretement les inftrumens de la poffeffion de fon honneur & de fa vie, qu'une convention vague & indéfinie ne déFoüilloit point un obligé de fa chemise & de fes habits, qu'une ftipulation ne devoit ni defarmer un foldat de son épée, ni un Avocat de fa robe & de fon bonnet.

Ainfi la Jurifprudence qui mefure le droit d'une obligation fur F'intention des parties, donna ce fens à la penfée & aux paroles de l'hypotheque generale. Mais la Coûtume a été plus auftere, elle a étendu la rigueur de ce pact au-de-là même de fa nature, & a voulu que tous les meubles euffent la liberté d'entrer dans les obligations & d'en fortir, pourvû qu'elles les reçûffent dans leur fubilance.

Mais quand même il y auroit des Coûtumes qui paroîtroient contraires à la raison, il ne faudroit pas laiffer de les fuivre. 11 y auroit du danger à changer un ufage inveteré, & à choquer des droits approuvez par l'opinion commune. Ce feroit apprendre aux peuples à fecouer l'obéïflance, & à fe porter à la revolte , que de leur montrer que l'on peut bleffer une Loi qui fe trouve autorifée par une longue fucceffion de tems. La tranquilité publique feroit peu feure, le commerce n'auroit que des fondemens incertains, & l'on expoferoit à tout moment la vie & la fortune des hommes, fi l'on permettoit à l'ambition & à l'avarice d'accufer les Coûtumes & de condamner les Loix. Les Jurifconfultes même qui font fi attachez aux maximes de leur Art, diffimulent quelquefois une injuftice publique. Ils aiment mieux fuivre une erreur generale reçûë, que de prendre le parti d'une verité abandonnée; en un mot, ils préferent l'opinion du peuple à la raison des fages.

Nous voyons même que dans les ceremonies de l'Agneau Pafchal, le Fils de Dieu s'attacha moins à la Loi qu'à la Coûtume. Moïfe avoit ordonné aux Juifs de manger à la hâte, debout & le bâton à la main, comme étant prêts à partir, hoc eft enim Phafe, id eft, tranfitus Domini. Cependant le Verbe incarné fit ce feftin augufte felon une Coûtume qui avoit déja aboli toutes ces formalitez de la Loi. Il ne prit ni bâton, ni ceinture, & ne fe tint point debout. Bien foin de manger avec précipitation, il choifit ce dernier tems pour inftruire fes Difciples, & nous pouvons remarquer que fon difcours fut affez long pour E Eeee

Saint Paul.

donner à faint Jean le loifir de repofer fur fon fein.

Le premier des Apôtres, à l'exemple de fon Maître, tolera une fuperftition plûtôt que de pratiquer une doctrine que l'on trouvoit trop auftere. Il y avoit des Payens qui voulant embraffer le Chriftianisme, croyoient que la Circoncifion devoit préceder le Baptême: Et quoique le S. Pasteur vît bien qu'il n'étoit pas neceffaire de paffer par la Synagogue pour entrer dans l'Eglife, il ne laiffa pas de fouffrir cette erreur, au lieu de rebuter le zele des perfonnes qui n'ofoient s'élever tout d'un coup à la Religion Chrétienne, & qui s'imaginoient qu'il falloit auparavant laver les taches du Paganifme par le fang que leur feroit répandre la Circoncifion..

Le grand Apôtre qui lui reprocha cette charitable connivence, fut contraint enfuite de l'imiter. Il vit l'impoffibilité qu'il y avoit à résister aux mœurs des peuples & aux opinions reçues, & fuc obligé de circoncire fon Timothée, tombant dans une faute qu'il avoit condamnée publiquement.

Avocats, ce droit des gens qui paroît fous le nom de Coûtume vent que vous l'étendiez, & vous permet de lui donner des interprétations favorables. Vous êtes les fideles Interprétes de ses intentions, & vôtre profeffion qui fait dépendre de vos paroles la destinée de la plupart des hommes, vous avertit de ce que vous devez à vôtre réputation & à la fortune de vos parties. Souvenez-vous que les Loix municipales qui font accommodées à l'inclination des peuples, doivent être conduites & digerées par la raifon, que vous pouvez fuppléer aux termes de la Coûtume par les confequences de fon fens, mais qu'il ne vous eft point permis de la corrompre, ni de lui préferer une Loi obfcure qui n'a rien de venerable que fon antiquité. Rejettez les erreurs de nos voifms, & ne recevez point leurs Coûtumes au préjudice des nôtres pour ne pas affujettir nos mœurs à un empire étranger.

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HARANGUE D'UN

INTENDANT

de Province, qui explique les intentions du Roi,
& les fait executer.

Meffieurs du Clergé de France dans leur Affemblée de l'année 1680.
firent dreffer un Avertissement Paftoral pour ceux qui faifoient pro-
feffion de la Religion prétendue réformée. Sa Majesté ayant voulu
la lecture de cet Avertiffement fut faite dans tous les lieux où
que
ces Heretiques avoient des Temples, ce Difcours fut prononcé à
Montauban l'an 1683.

MESSIEURS,

Le Roi continuant de donner à fes Sujets de vôtre Religion, des marques de la forte paffion qu'il a de les voir tous rentrez dans le fein de l'Eglife Romaine, Sa Majesté m'a ordonné de vous faire affembler ici, pour vous dire que fa volonté eft que vous écoutiez la lecture de l'Avertiffement Paftoral de Meffieurs de l'Affemblée generale du Clergé de France, que vous en receviez la fignification, & que vous entendiez ce que Monfieur le Bret vous dira fur ce fujet. A quoi je dois ajoûter, qu'aprés que le Roi vous a ordonné ces chofes comme vôtre Souverain, ce grand Prince, comme Fils aîné de l'Eglife, vous exhorte, vous follicite & vous presse, de vous laiffer toucher aux plaintes de cette Mere affligée, qui vous tend les bras inceffamment, & dont Sa Majesté eft obligée de prendre la protection.

Je fouhaite tres-ardemment en mon particulier, que les lumieres Evangeliques qui font répanduës dans cette Monition que vous font les fucceffeurs des Apôtres, ayent affez de force pour diffiper les nuages qui nous cachent les uns aux autres, & que nous trouvant tous dans une uniformité de fentimens, de refpect, & de veneration pour les vertus de nôtre incomparable Monarque, nous puiffions auffi nous réunir dans les mêmes fentimens pour la Religion qu'il profefle, & qu'ont profeffé nos A yeuls & les vôtres,

Les Difcours de controverfe peuvent avoir leur place dans le Genre
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Mr. Foucault Inten

dant à Mon

tauban.

Judiciaire. Ils font l' Apologie de nôtre Religion, & accufent les Heretiques de leurs erreurs. Ne pouvons-nous pas ajoûter, s'il eft permis de pouffer la comparaison plus loin, que l'Ecriture Sainte eft la Log felon laquelle on doit juger, que la Tradition qui éclaircit ce que l'Ecriture a de plus obfcur, eft comme la Coûtume que l'on appelle l'Interpréte de la Loy, que les Conciles font comme les Parlemens qui jugent en dernier reffort, & que c'eft aux Papes qui préfident aux Conciles à prononcer ces Arrêts infaillibles qui doivent terminer toutes ces conteftations.

Official de

HARANGUE SERVANT DE SUITE AU DISCOURS précedent.

L'OFFICIAL DE MONTAUBAN AYANT

fait la lecture de l'Avertissement Pastoral, parla à
l'Assemblée en ces termes.

MESSIEURS,

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Mr. Le Bret Le fejour que je fais en cette Ville depuis tant d'années Montauban. m'ayant uni d'amitié avec plufieurs d'entre vous m'a auffi donné lieu de connoître & de plaindre vôtre état ; ce qui m'a fait fouvent defirer l'occafion de vous y être utile, & de pouvoir contribuer à vôtre réunion avec l'Eglife nôtre commune Mere, de laquelle vous vous êtes feparez depuis plus d'un fiécle. Ce defir toutefois ne m'a pas été particulier. La charité Chrétienne l'a infpiré à beaucoup d'autres, & principalement au Clergé de France, de la part de qui je vous parle : Car quoi qu'il fe fût affemblé l'année derniere à Paris pour d'autres affaires, il ne laiffa pas de s'appliquer fortement à celle-là, comme à la plus importante de toutes, parce qu'elle regarde vôtre falut, qui eft cette affaire que nôtre Seigneur nous a fi particulierement recommandée, Porro unum eft neceffarium.

, a trouvé

Nôtre grand Monarque, dont la pieté répond fi dignement au titre de Tres Chrétien que l'Eglife lui a donné cela fi jufte, qu'il a bien voulu charger Mr l'Intendant, comme le dépofitaire de fon autorité dans cette Province, de vous

faire connoître là-deffus fes intentions: de forte que comme ce qu'il vous en a dit ne peut être plus précis, je me contenterai d'y ajoûter que l'Eglife étant cette Arche veritable, hors laquelle il n'y a point de falut, vous n'avez pû ni dû vous en feparer. quelque couleur qu'on ait prétendu donner à cette feparation. Je ne doute point que vous ne difiez que l'Eglife étant tombéé en ruïne, il étoit neceffaire de la réparer. Ce fut le difcours comme le prétexte, dont fe prétendirent couvrir les Auteurs de ce fchifme; mais, MESSIEURS, fouffrez que je vous réponde avec S. Auguftin parlant aux Donatiftes, que pour réparer dans l'ordre cette prétendue ruïne de l'Eglife, bien loin de la quitter, il falloit au contraire y demeurer lus intimement unis, & n'y employer que la charité, le bon exemple, & la patience. Ce font les regles que nous prefcrit l'Evangile, & celles que les Apôtres & leurs Succeffeurs obferverent dans l'établifement du Chriftianifme. Je dirai encore que pour se croire veritablement capable d'une telle entreprise, il falloit en avoir la miffion; puifque, felon S. Paul, Nemo fibi fumit honorem, fed qui vocatur à Deo tanquam Aaron, fic Chriftus non femetipfum clarificavit: ce grand Apôtre n'ayant parlé de la forte que pour nous apprendre l'abfolue neceffité d'une miffion, & même l'obligation où l'on eft de ne pas écouter ceux qui n'en ont point. Nous avons tous qu'il n'y en a que de deux fortes, l'ordinaire & l'extraordinaires que la premiere ne vient que des Evêques, à qui la conduite de l'Eglife a de tout temps appartenu, Quos Spiritus fan&tus pofuit Epifcopos regere Ecclefiam. Vos Auteurs n'oferent fe l'attribuer, parce qu'ils apprehenderent avec raifon que les Evêques ne les defavoüaffent; fi bien que dans la neceffité où ils fè crûrent de perfuader qu'ils ne venoient pas d'eux-mêmes, ils fe vanterent d'avoir l'extraordinaire: mais comme cette miffion ne fe prouve que par des miracles, il est aifé de connoître que ce n'étoit qu'une fuppofition; parce qu'outre qu'ils ne firent point de miracles, & que l'Esprit de Dieu ne fçauroit jamais être qu'uniforme, ils furent toûjours peu d'accord entr'eux, qu'aprés une infinité de contestations & de querelles fanglantes, ils prirent enfin le parti d'établir toutes les fectes diverses qui voyent en Allemagne, en Hollande, en Angleterre, & en France. De forte qu'une caufe fi erronée influant neceffairement la même défectuofité dans fes effets, il en faut conclure que vôtre état ne fçauroit être meilleur que fon principe. Ce grand mal ne fe peut guerir que par EE eee iij

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