Imágenes de páginas
PDF
EPUB

de l'Etat vouloient que Vôtre Majefté ne déniât point, nous ne laiffons pas de lui en faire nos tres-humbles remerciemens, & de reconnoître que c'eft une grace, qu'il étoit également en vos mains d'accorder ou de refufer. Nous reconnoiffons que Dieu a inspiré un deffein fi important & fi neceffaire au bien de l'Etat, & que Vôtre Majesté a voulu fuivre avec une extrême bonté ces divines infpirations. Mais quelque grande que foit à l'égard de Vôtre Majefté la remife qu'il lui a plû accorder à fes Sujets, il eft à craindre que ceux d'entre le peuple qui en avoient le plus de befoin, n'en reçoivent pas le foulagement qu'ils en attendoient. Si on fait réflexion fur l'extrême mifere où les précedentes exactions avoient réduit tout le monde ; on trouvera qu'il s'en faut beaucoup que cette grace ne foit proportionnée à la foibleffe & à la neceffité du peuple ; & l'on verra que le fardeau qui refte eft encore trop exceffif pour ceux qui gémissent fous fa pefanteur.

Nous ne fommes plus au tems qu'il falloit augmenter par des descriptions étudiées les incommoditez publiques & particulie res pour exciter à la compaffion : la mifere eft fi grande & si generale, qu'il la faut diminuer pour la rendre croyable à ceux qui ne la voyent pas. Mais difons plûtôt qu'elle fe fait voir jufques à ceux qui en détournent les yeux, & qu'elle fait fentir fa rigueur aux perfonnes mêmes qui femblent en devoir être les plus exemtes par les avantages de leur naiffance & de leurs dignitez.

La Campagne prefque deferte fe décharge dans les Villes & jufques dans les païs étrangers de la plus grande partie de fes habitans ; une infinité de pauvres gens font contraints d'abandonner leur labour & leurs maifons, & d'oublier l'amour du païs natal qui eft fi naturel, pour aller demander leur vie de porte en porte où ils efperent la pouvoir trouver.

Ce n'eft pas feulement dans le plat-païs que regne cette cruelle neceffité, elle a gagné peu à peu les Villes ; fi toutefois il refte encore des lieux qui puiffent porter ce nom. Le mal eft dans fon extrémité, il s'eft gliffe bien avant dans cette capitale comme ailleurs ; & il n'y a plus perfonne qui ne fente les calamitez publiques, excepté ce peu de gens qui les ont caufées, & qui en ont profité aux dépens des autres. Ces gens ont aneanti les revenus publics fous couleur de les accroître, ils ont pillé impunément les particuliers fous le nom du Prince, & le Prince même fous prétexte de l'acquiter envers les particuliers. Ces Marchands GG ggg iij

:

d'iniquité font trafic des afflictions d'autrui Ils établiffent leur fortune fur les fleaux de Dieu; en un mot, ils font les ennemis irreconciliables de l'Etat, puifqu'ils ne trouvent l'avancement de leurs affaires que dans fa ruïne, & neanmoins ces Partisans font feuls exemts du pefant fardeau dont ils ont accablé tout le refte.

C'est pourquoi, SIRE, Vôtre Majefté peut juger que la guerifon de nos maux n'eft encore que dans l'efperance & le fouhait des gens de bien, & que l'on n'a pas encore coupé la racine des malheurs publics; puifque les Partisans font toûjours les Maî

tres de vos revenus.

Autrefois nous avions cette confolation dans nos maux qu'ils n'étoient que paffagers, & que les Edits ne portoient que des levées pour un tems: Mais prefentement c'eft une coûtume reçûë, ou plutôt un abus introduit, que l'on trouve Marchand qui achete le fonds de la levée. Ainfi c'eft une playe incurable, un mal toûjours renaissant, & une neceffité impofée de vivre toûjours dans la mifere.

Mais à n'examiner même que les interêts de Vôtre Majesté, qui ne fçait ce qu'emportent les remifes des partis qui fe font, & ce qu'en apportent les prêts multipliez à l'infini, & comme entaffez les uns fur les autres. Ces ufures énormes qui étoient autrefois condamnées fi rigoureufement par les Ordonnances de nos Rois, ont acquis aujourd'hui une entiere impunité, & triomphent de toutes les fortunes des Particuliers. Outre les pertes prefentes que yous caufent ces pernicieux traitez, quel préjudice ne fouffrent pas les Particuliers par les levées qui les fuivent ? L'avarice de ces harpies alterées de fang defole tout par des vexations infupportables; & comme ces gens-là n'ont d'autre Dieu que leur gain, quelque injufte qu'il puiffe être, ils ne fe mettent en peine que de trouver leur compte durant le tems de leur traité. Ils preffent le peuple jufques au marc par des executions fi violentes, , que les frais excedent d'ordinaire de beaucoup la dette principale. Ainfi Vôtre Majefté eft expofée à ne pouvoir tirer de pareils fecours à l'avenir, & les taillables font réduits à l'impoffibilité de continuer leurs contributions.

Mais la plus grande & la plus préjudiciable de toutes les pertes eft celle à quoi on fonge le moins, & que pourtant les plus grands & les plus habiles Souverains ont toûjours eftimé la plus fenfible C'eft le refroidiffement de l'amour des peuples, de cet amour qui eft le plus grand trefor des Rois, qui eft leur ref

fource éternelle & inépuifable. Le zele & la fidelité des Sujets leur font donner leurs biens, répandre leur fang, & prodiguer leur vie pour la défense du Souverain. Cependant il eft bien difficile que leurs fouffrances continuelles ne diminuent enfin cet amour ; & il semble que pour empêcher ce defordre, Vôtre Majesté ne refufera pas à fes Sujets la protection de leurs perfonnes, la conservation des mêmes biens & des mêmes vies qu'ils vous offrent.

Ces confiderations, & la bonté Royale qui reluit dans toutes les actions de Vôtre Majesté, nous font efperer qu'elle ne trouvera pas mauvais que nous l'ofions fupplier avec le profond refpect que nous lui devons, de vouloir bien accroître encore le nombre de fes & de les étendre fur les Officiers fubalternes comgraces > me fur le peuple. Il y en a de l'Election qui font réduits à tel point par les diverfes furcharges dont on les a accablez, que pour peu que l'on differe leur foulagement, ils ne feront plus en état de s'en prévaloir. Ceux des Préfidiaux ne font guere mieux, & il eft difficile que l'autorité de Vôtre Majesté soit auffi confiderable entre leurs mains qu'il feroit à defirer, pendant que la neceffité où ils font les rendra méprifables à ceux qui doivent reconnoître leur Jurifdiction.

Nous fupplions donc Vôtre Majefté, avec tout le refpect que nous lui devons, de ne pas fouffrir que fous un regne fi glorieux l'Etat voye des nouveautez horribles avec un peril évident de fa ruïne totale. La Compagnie efpere qu'il plaira à Vôtre Majesté mettre fin à ces defordres, & employer la charité qui vous eft fi naturelle à faire ceffer, ou du moins à adoucir la rigueur de ces charges fi préjudiciables, & dont la fuppreffion vous apportera plus de gloire & plus de benedictions, que les plus fignalées Vitoires que vous ayez remportées.

1

HARANGUE PRONONCÈE A L'OUVERTURE des Audiances du Préfidial d'Abbeville.

Par Mr. de la Heftroye Avocat du Roi du même Préfidial ; Elle contient un grand Eloge de Sa Majesté fur la paix de Rifvvik, son, cluë en 1697.

MESSIEURS,

Nous n'avons rien de plus facré que la Religion du ferment, Si nous confiderons fon origine, elle eft auffi ancienne que le monde. Si nous confiderons celui que nous appellons à témoin, c'est l'arbitre terrible du Ciel & de la terre. Si nous confiderons que le premier qui a employé le ferment, ç'a été le Souverain Etre qui a juré par lui-même. Enfin, fi nous confiderons les obligations qu'il nous infpire, elles font également preffantes, également indifpenfables. Nous devions, MESSIEURS, nous propofer ces importantes veritez, mais dans un tems où Sa Majesté Te dépouillant de fes propres avantages, vient de donner la paix à l'Europe, quand fa modération nous prépare des jours filez d'or & de foye, fuivant l'expreffion ancienne, nous croirions trahir l'honneur de nôtre Miniftere, fi nous gardions le filence parmi les acclamations publiques. Nous ferions infenfibles, fi nous ne participions à la joye commune, & nous craindrions de paffer pour diftraits, fi nous ne donnions une attention particuliere à un fpectacle fi grand & fi magnifique. Vous ne remarquerez, MESSIEURS, dans ce difcours, ni penfées vives, ni expreffions nouvelles. L'ordre & les regles de l'art y font négligées; mais il y a je ne fçai quel defordre qui fied bien à la joye, & c'est ici une effufion de mon cœur plutôt qu'un ouvrage de mon efprit. Dans les grands Sujets, il en coûte ordinairement à ceux qui les manient. Ou ils corrompent, ou ils alterent la verité, Tous les portraits ne fçauroient fouffrir le grand jour ; quelquesuns doivent être de profil, les ombres font neceffaires, & les parties peu régulieres ont befoin de toute l'adreffe du peintre, accompagnée des ombres les plus vives. Dans le portrait du Ri ces ménagemens font inutiles. Tout y eft d'un grand goût; pof

[ocr errors]

lefaire reflemblant,contentons-nous d'emprunter les traits les plus hardis de fes Ennemis mêmes. La fureur, la jalousie & l'envie ont été les pinceaux dont ils fe font fervis pour les tracer. Copions-les d'aprés eux, & nous verrons que ces traits font tels à peu prés que l'amour, l'eftime & la reconnoiffance les ont gravez dans nos cœurs. Publions ce que la force de la verité a arraché de la bouche des Alliez, & avoüons que LOUIS LE GRAND a été pendant la conduite de cette guerre, intrépide Four en foûtenir tout le poids, prudent pour en ménager les évenemens, moderé pour la finir. Tâchons, s'il fe la finir. Tâchons, s'il fe peut, de mettre ces

veritez dans tout leur jour.

Nos Ennemis trembloient au feul fouvenir de la paix de Nimegue. Cette paix triomphante & victoricufe, ce monument éternel de la puiffance du Roi les jettoit dans la confternation. Leur Ennemi avoit été leur arbitre. Cette maniere haute, cet air d'authorité les avoit allarmez ; mais ils n'ofoient éclater, leur impuiffance les defefperoit. Enfin, par le concours des differentes conjonctures, toute l'Europe eft entrée dans cette ligue formidable qui auroit pu donner la Loi à tout l'Univers. Souvenez-vous, MESSIEURS, des menaces terribles des Alliez. La France paroisfoit trop refferrée pour leur ambition. Leurs armées prodigicu. fes, leurs flotes puiffantes ; tout cet appareil terrible auroit porté l'effroi dans une ame moins intrepide que celle du Roi; mais n'en doutons point, elle eft de celles qu'on dit être d'un ordre fuperieur, qui naiffent Maîtreffes & Souveraines des autres ames, qui viennent renouveller le monde, changer la face du fiecle, & dont un Ancien a dit, que tout le Ciel étoit occupé à faire leur destinée. Loin de s'ébranler de cette conjuration univerfelle, le Roi fonge à les punir de leur audace, en portant la guerre la defolation dans le fein de leurs Provinces.

&

Le Royaume, petit par rapport aux vaftes Etats des Alliez, reffembloit à une Ville affiegée par un monde d'Ennemis ; mais la France unie dans toutes fes parties, a repoullé leurs armes avec une vigueur extraordinaire. Loin d'y faire la moindre breche, loin de détacher du corps de la Monarchie la moindre Ville, de puiffantes & nombreuses Armées, conduites par des Chefs d'une valeur diftinguée, animées par les récompenfes, foutenuës de l'efperance du butin, enfin conjurées à nôtre ruïne, n'ont pas ofé feulement y mettre le pied. Neuf campagnes n'ont fervi qu'à faire voir l'inutilité de leurs efforts. Peut-on affez louer la contance heroïque du Prince dont les grands exemples ont fait

HHhhh

que

« AnteriorContinuar »