Imágenes de páginas
PDF
EPUB

AN. 1432.

XII.
Bulle du pape

rompre le con

cile.

1pm.X11.p.937.

.Enfin, le cardinal Julien affure le pape Eugene dans la même lettre, qu'encore que peut-être la celebration du concile ne dût point procurer tous les biens qu'on en efperoit, qu'on diroit néanmoins qu'ils feroient arrivez, s'il n'eût point été diffous. Il refute enfuite les raifons du pape pour la diffolution, & fe plaint des variations, & des paroles équivoques de ceux qui lui en avoient apporté les lettres. Il infifte plus fortement fur le danger évident du fchifme, affurant fa fainteté, que les peres du concile étoient fermes dans la refolution de le continuer, lui expofant les raisons qu'on avoit eues d'improuver la bulle, dont il avoit chargé l'archevêque de Tarente, pour rompre le concile. L'examen de cette bulle fut fait par des perfonnes habiles & intelligentes, aufquelles ce cardinal la lut, pour tâcher de juftifier le pape, & de colorer fon procedé fous quelque prétexte spécieux, Voici les raifons ou plutôt les prétextes qu'Eugene alléguoit dans fa bulle, pour engager les peres du concile à fe retirer.

I. Les perfecutions & les violences, que quelques Eugene pour citoyens de la ville de Bafle, infectez de l'erreur des Bohémiens, exerçoient contre le clergé. Cette raison fut déclarée fauffe, parce qu'on avoit des preuves cerLabbe, concil. taines, que les citoyens de la ville de Bafle étoient trèsbons Catholiques, & bien intentionnez pour le clergé, II. Les guerres continuelles entre les ducs de Bourgogne & d'Autriche, qui ôtoient, difoit-il, la liberté des chemins; mais on répondit, qu'il y avoit une tréve entre ces princes, & que perfonne ne s'étoit encore plaint d'avoir couru quelque danger fur le chemin de Bafle. III. Son troifiéme prétexte étoit l'union des Grecs avec les Latins, qui ne permettoit pas, felon lui, de précipiter le concile. Cette raifon fut déclarée nonrecevable,

recevable, & même ridicule; parce que, difoit-on, il AN.1432. ne falloit pas permettre que l'Allemagne, dont la foi étoit alors bien établie, tombât dans l'herefie des Bohémiens, pour un fujet auffi incertain, qu'étoit la réunion des Grecs avec les Latins, qui fe défaifoit auffi fouvent qu'elle fe traitoit. Il y a trois cens ans, difoient les peres, qu'on nous rebat les oreilles de cette chanson,· & qu'on la renouvelle chaque année. IV. Il difoit qu'il vouloit affifter lui-même au concile, d'où il concluoit, qu'il falloit l'affembler en Italie. Mais cette raison fut jugée auffi frivole que les autres; parce qu'on ne croyoit pas qu'eu égard au danger, dont la foi & tout l'état ecclefiaftique étoient menacéz, le pape dût rompre le concile de Bafle, par la raison, qu'il ne pouvoit y affifter en perfonne, puifque fon légat y étoit prefent. Telles étoient les raifons qu'Eugene apportoit dans fa bulle, & aux réponfes qu'on y fit, on voit bien que fon autorité tomboit d'elle-même.

XIII. Seconde let

tre du cardinal Eugene.

Julien au pape

En. Sylvius Fafcic. ver. exp.

opera.

Auffi le cardinal Julien, fans s'arrêter à cette bulle, écrivit au pape Eugene une feconde lettre, plus vive encore & plus preffante que la premiere. Il lui reprefente d'abord la joie que les Bohémiens ont témoigné, lorfqu'ils ont oui parler de la paix, & la difpofition où ils étoient de venir au concile, pourvû qu'on leur don- & inter ejus nât un fauf-conduit. Il lui montre enfuite l'avantage que recevroit fa réputation, fi, quittant l'Italie, & le foin des biens temporels de l'églife, dont il pouvoit commettre l'administration à des vicaires, il fe rendoit au concile; " parce que, dit-il, le veritable patrimoi,, ne de l'église, c'eft de gagner des ames à Dieu : l'églife n'eft pas un affemblage de pierres & de murs: Jefus-Chrift ne vous a pas établi pour garder des villes » & des places fortifiées, mais pour être le pasteur des Tome XXII.

ور

دو

C

"

[ocr errors]

AN. 1432. 5, ames. Ce qui vous eft donc neceffaire, & ce qui fera plus agréable à Jesus-Christ, c'est que vous faffiez ,, en perfonne ce qui regarde fon interêt; & que le refte foit laiffé à des fubftituts,,. Il lui rappelle enfuite ce qui venoit de fe paffer en France, fur le bruit qui s'étoit répandu, qu'il vouloit diffoudre le concile; il lui reprefente comme les prelats de ce royaume allarmez de cette nouvelle, s'étoient affemblez à Bourges, par ordre du roi, le vingt-fixiéme de Février 1431, & que cette affemblée avoit déclaré que le concile de Bafle étoit legitime, & qu'il étoit neceffaire de le continuer en ce lieu fans interruption. C'étoit l'archevêque de Lyon qui avoit mandé cette réfolution au concile & au cardinal, avec les motifs qui avoient porté l'église Gallicane à cette conclufion; & le cardinal dit au pape Eugene, qu'il ne doutoit point qu'on ne lui eût déja envoyé une copie de ces motifs. Louis du Marets, évêque de Lauzanne, en avoit auffi reçu une copie d'un évêque, qui avoit été à l'assemblée de Bourges, & l'on croit que cet évêque eft le même archevêque de Lyon. Labbe, conc Quel qu'il foit, il montre dans sa lettre un grand devouement au concile de Bafle: néanmoins il demande. qu'on traite Eugene avec beaucoup de douceur, parce que c'étoit un pontife recommandable, & qu'il étoit d'ailleurs difficile de bleffer le chef, & que les membres n'en reffentiffent point de mal.

general. tom.

XII. p. 978.

998..

[ocr errors]

a

Les motifs principaux qui avoient animé l'affemblée de Bourges à parler fi fortement en faveur du concile Spond. adann de Balle, étoient, 1. Le grand progrès que l'herefie des Bohémiens avoit déja fait dans toute l'Allemagne. 2. L'importance de reformer le clergé d'Allemagne, qui étoit plongé depuis long-tems, dans une corruption aniverfelle. 3. La facilité qu'on auroit de convertir les

Bohémiens, s'ils fe rendoient au concile, ou de les re- AN. 1422 primer, fi refusant d'y venir, on fe liguoit d'abord contre eux, & que toute l'églife prit la défense de la verité contre leurs erreurs. 4. Le quatriéme motif, que fi après les avoir invitez avec tant d'inftance, de venir au concile, ils refufoient de s'y rendre, on leur ôtoit du moins par-là tout fujet de fe plaindre des Catholiques, & de dire, qu'on les avoit condamnez, fans avoir voulu les entendre.

Le cardinal Julien fçut donc fe fervir à propos du zele de l'églife de France, contre le pape Eugene, pour défendre le concile de Bafle contre lui. Les reproches qu'il lui fait dans fa lettre au fujet des efforts qu'il faifoit pour le rompre, malgré les oppofitions de tant d'illuftres prelats, font vifs, mais juftes. "N'est-ce pas, lui dit-il, résister à la volonté de Dieu ? Pourquoi fcandalifez-vous ainfi l'églife? Pourquoi irritez-vous ainfi le peuple Chrétien,,? Il tâche de le détromper de l'erreur dont on l'avoit flatté, que le concile de Bafle n'étoit point legitime; ce qui favorisoit fort le deffein qu'il avoit de le compre. La raifon que ce cardinal apporte, eft, qu'on ne peut douter de l'autorité du concile de Bafle, qu'on ne conteste en même tems celle du concile de Conftance; parce que l'un de ces deux conciles dépend de l'autre, comme l'effet dépend de fa cause. Or jusqu'ici perfonne n'a révoqué en doute l'autorité du concile de Conftance; autrement la dépo fition du pape Jean XXIII. ne feroit pas canonique; & fi elle ne l'eft pas, il s'enfuivra que l'élection du pape Martin V. & d'Eugene IV. n'eft pas legitime, puifqu'elle a été faite du vivant de Jean XXIII. Eugene IV. dont l'élection a été faite par les cardinaux que Martin V. avoit créez, ne fera pas auffi pape legitime.

AN. 1432.

[ocr errors]

"

ور

:

"Il n'y a donc perfonne, concluoit le cardinal, qui ait plus d'interêt de foutenir l'autorité du concile de Conftance, que votre fainteté; parce que, fi elle eft contestable, vous manquerez de preuves, pour ,, montrer la validité de votre élection Enfin il lui dit, qu'il n'a pas le pouvoir de diffoudre le concile, parce que le concile de Conftance a décidé, dit-il, que le pape même étoit obligé d'obéir aux decrets d'un concile genéral dans les chofes qui regardent la foi l'extinction d'un fchifme, & la réformation de l'église dans fon chef & dans fes membres : or, ajoute-t-il, le pouvoir de condamner, & de punir les rebelles, eft un figne évident de fuperiorité; être obligé au contraire d'obéir, eft une marque claire d'inferiorité donc, par une confequence neceffaire, le concile eft fuperieur au pape dans ces trois cas, & le pape est obligé de s'y foumettre dans ces mêmes cas. Jean XXIII. a été dépofé pour un de ces cas, à caufe du déreglement de fes mœurs. Benoît XIII. a été déposé pour éteindre le fchifme. Or s'il eft vrai que le pape foit inferieur au concile en ces trois cas, comment pourroit-il rompre, de fon autorité privée, un concile qui aura été affemblé, ou pour l'établissement de la foi, ou pour l'extinction du fchifme,ou pour la réforme de l'églife, comme F'ont été les conciles de Conftance,de Sienne & de Bafle? Cependant le pape Martin V. a approuvé ce decret du concile de Constance; Eugene l'a auffi reçu : donc il n'a pû en ordonner la diffolution. Voilà à quoi le réduit le raisonnement du cardinal Julien, qui auroit tenu un autre langage au pape, s'il eût eu plus d'égard aurang qu'il avoit parmi les cardinaux, qu'à la verité. Il prie le pape d'excufer la liberté qu'il fe donnoit de lui parler ainfi, & il l'affeure qu'elle ne procedoit que d'une

« AnteriorContinuar »