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prier d'y confentir. Ces députez partirent le onzième AN. 1439. de Decembre, & n'arriverent à Ripailles que le vingtiéme du même mois. Amedée vint au-devant d'eux avec ses hermites & fes domeftiques. Les députez lui expoferent le fujet de leur arrivée, mais fans lui préfenter des lettres du concile; fans lui demander à luimême fon confentement, ils demanderent un autre jour pour être entendus, & on leur accorda le troifiéme jour.

Cependant les confeillers du duc propoferent aux députez quelques difficultez : ils vouloient qu'on réformât le ferment qu'Amedée devoit prêter; qu'il parût avec sa barbe en habit d'hermite, & qu'on ne lui changeât point fon nom. Les députez répondirent: 1. Que quant au ferment, ils ne pouvoient ni y ajouter, ni diminuer, que cela regardoit le concile. 2. Qu'auffi-tôt que le prince élu auroit donné fon confentement, il étoit néceffaire qu'il fe revêtit des habits convenables à fa dignité, pour marquer la poffeffion du fouverain pontificat. 3. Que felon la pratique très-ancienne, il falloit que le duc changeât fon nom, Jefus-Chrift ayant changé celui de faint Pierre. Quant à la barbe que le pape élu portoit, il ne voulut jamais confentir à fe la faire couper ; ce qui fit qu'on la lui laiffa pour un tems. Le jour marqué pour l'audience étant arrivé, les députez y furent admis, ils préfenterent au duc, au nom du concile, l'acte de fon élection, lui demanderent fon confentement, & lui perfuaderent par tant de raifons, de se charger du gouvernement de l'églife, qu'à la fin il y confentit avec beaucoup de peine, & après avoir verfé beaucoup de larmes. Il fit le ferment accoutumé, & prit le nom de Felix V. Auffi-tôt après on le revêtit de fes habits pontificaux, mais il ne vou

XCIX.
Le concile en-

voie des dépu

tez à Amedée, qui leur donne

audience.

C.

Il prend le nom de Felix V.

AN.1439. lut pas confentir à fe faire couper la barbe qu'il portoit très-longue, & on la lui laiffa pour lors. Le cardinal d'Arles le benit, & lui donna l'anneau du pêcheur; chacun le falua en qualité de pape dans l'église du monaftere de S. Maurice où il fut inthronifé. Le lendemain il quitta Ripailles, & alla à Tonon où il exerça les fonctions de fa dignité, il affista même à l'office de la veille de Noël; mais comme sa barbe paroiffoit extraordinaire à plufieurs qui s'en mocquoient, comme d'une nouveauté qui ne convenoit point à la majesté de la religion, il prit le parti de la faire couper.

CI.

Création de

dix-fept cardi

Eugene,

Dès qu'Eugene fut informé de cette élection, il proceda contre Felix, le déclara heretique & fchifmatique; & excommunia fes électeurs, fes fauteurs ou partifans s'ils ne quittoient fon parti dans cinquante jours. Les peres de Bafle de leur côté cafferent toute cette procedure d'Eugene, & firent défenfe d'y déferer, Celui-ci pour fortifier fon parti, & fe faire des créatures qui combattiffent Felix & le concile de Basle, naux par le pape créa le dix-huitiéme Decembre dix-fept cardinaux dans un confiftoire public au concile de Florence. Il y en avoit de prefque toutes les nations. Les principaux furent deux Grecs qui étoient demeurez en Italie après l'union; Ifidore de Theffalonique moine de faint Bafile, & archevêque des Rutheniens, & Bessarion métropolitain de Nicée; Renaut de Chartres; François archevêque de Reims & chancelier du roi de France; Louis de Luxembourg archevêque de Rouen chancelier du roi d'Angleterre; Jean le Jeune, Picard, ambassadeur de Philippe duc de Bourgogne au concile de Florence, fous le nom d'évêque de Terouanne; Sbignée de Pologne évêque de Cracovie, que Felix fit auffi cardinal l'année suivante, parce qu'il étoit demeuré dans

la neutralité, croyant par-là l'attirer dans fon parti; AN. 1439. Antoine de Martin - des - Clefs évêque en Portugal; Pierre de Chomber évêque d'Aufbourg en Allemagne; Denys Zeech archevêque de Strigonie en Hongrie ; Jean de Turre cremata, ou de la Tour-brûlée, Dominicain Efpagnol, & maître du facré Palais, qui avoit si fortement agi en faveur d'Eugene.

Les députez de Conftantin patriarche des Armeniens étant arrivez à Florence dans le mois de Septembre avant le départ des Grecs, comme nous avons dit ailleurs, ne préfenterent au pape Eugene leurs lettres de créance que dans le mois de Novembre. Ces lettres font datées du vingt-cinquième de Juillet de l'année 1438. & fe trouvent dans les actes du concile. Ces députez étoient au nombre de quatre, parmi lesquels il y en avoit un nommé Joachim qualifié d'évêque les trois autres font nommez Sarchis, Marc & Thomas. Eugene avoit fait fçavoir à leur patriarche le concile genéral, & les avoit exhortez à s'unir à l'église Romaine, ce fut là le motif de la députation. Trois cardinaux, fçavoir celui d'Oftie, celui de Sainte Croix, & celui de Sainte Sabine le même que le cardinal Julien, furent choisis pour conferer avec eux : on leur fit plufieurs questions fur ce qu'ils croyoient de l'unité de l'effence divine, de la trinité des perfonnes, de l'humanité de Jefus-Chrift, des fept facremens de l'églife, & autres articles qui regardent la foi orthodoxe & les rites de l'église univerfelle. Enfin après de fréquentes difputes & beaucoup de conferences fur ces matieres, le pape jugea à propos, comme il le dit lui-même, de réduire en abregé les véritez de la foi dont l'églife Romaine fait profeffion, afin que les Armeniens fuffent relevez de tous leurs doutes, qu'ils n'euffent

CII. Affaires des

Armeniens avec

le pape Eugene

Conc. gener.

partez. concil.

Flor. p. 1198. tom. XIII.

AN. 1439. point d'autres fentimens que ceux du siege de Rome; & qu'on établit une union conftante entre eux & les Catholiques.

CHI

fion du concile

près le départ des Grecs.

Labbe, conc. tome XIII. page

Patricii.

On celébra donc à Florence la feconde feffion depuis Seconde fefe le départ des Grecs le vingt-deuxième du mois de Node Florence a vembre, où fe trouverent avec le pape Eugene, tout ce qu'il y avoit encore de cardinaux & de prélats dans cette ville. Beaucoup s'étoient retirez depuis que les 1580. in actis Grecs en étoient partis. Ce fut là où l'on fit le decret pour l'union des Armeniens avec l'église Romaine, qui commence par ces paroles du pfeaume 80. Rejouißezvous en louant Dieu notre protecteur: chanteZ dans de faints tranf ports les louanges du Dieu de Jacob. Comme ce decret ne porte en tête que le nom feul du pape Eugene, cela fait que plufieurs ne le regardent pas comme le decret d'un concile genéral. C'est le fentiment du P. Alexandre,& de toute la faculté de théologie de Paris. Les preuves de cet auteur font, qu'il y manquoit une partie de l'églife; fçavoir les évêques d'Orient, ce qui eft neceffaire, dit-il, pour un concile œcumenique; que le pape n'y fait aucune mention de l'église Orientale, comme il avoit fait dans le decret de l'union des Grecs; qu'enfin les prélats d'Orient n'y auroient pas foufcrit, parce qu'on y établit des pratiques fort differentes de leurs rites, principalement fur la Confirmation & fur l'Ordre. Voici en substance ce que contient ce decret.

P. Alexander, 16. disert.

parte 3. fac. 15.

10.

CIV.

Eugene pour

meniens.

En premier lieu il donne aux Armeniens le fymbole Decret du pape dreffé par le concile de Conftantinople, avec l'addiP'union des Ar- tion Filioque, & du Fils, pour être chanté à la messe Labbe, conc. dans leurs églifes les fêtes & dimanches. En fecond tom. x111. P. lieu, la définition du quatriéme concile général de Calcedoine touchant les deux natures dans la feule perfonne de Jesus-Christ, doctrine renouvellée & con

559.

firmée

firmée dans les cinquiéme & fixiéme conciles. Il établit AN. 1439. dans le même endroit la divinité du Saint-Efprit; l'autorité des épîtres fynodales de faint Cyrille d'Alexandrie à Neftorius & aux Orientaux, celle du pape faint Leon à Flavien contre l'héréfie d'Eutychès, & la verité de l'incarnation du Fils de Dieu. Troifiémement, ce qui concerne les deux volontez & les deux opérations en Jesus-Christ, fuivant la définition du fixiéme concile genéral. Et parce que les Armeniens ne recevoient que les trois premiers conciles genéraux de Nicée, de Conftantinople & d'Ephese, on leur dit qu'ils doivent auffi recevoir le concile de Calcedoine affemblé par l'autorité de faint Leon, qui a fi bien établi les deux natures en Jesus-Christ dans l'unité d'une feule perfonne, contre les dogmes impies de Neftorius & d'Eutychès. On leur enjoint d'honorer le pape Leon comme un Saint, de le mettre dans le catalogue des Saints, & de recevoir tous les autres conciles genéraux affemblez par l'autorité légitime du fouverain pontife, comme tous les Fidéles Catholiques les recevoient avec beaucoup de refpect.

Enfuite le decret paffe à la matiere des facremens de l'églife: il détermine le nombre de fept ; il fait voir en quoi ils different des facremens de la loi ancienne, & quels font les differens effets qu'ils produifent dans l'ame. Il ajoute que trois chofes les constituent, la matiere, la forme & la perfonne du ministre, avec intention de faire ce que l'église fait qu'entre ces facremens, trois donnent un caractere qui ne fe peut effacer dans l'ame, le Batême, la Confirmation & l'Ordre; ce qui eft caufe qu'on ne les réïtére point dans la même perfonne. Parlant du Batême, il en expofe la matiere & la forme, il admet celle dont fe fervent Tome XXII.

Qq

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