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CVII.
Ils entrent

le port. Phranz. l. 3.

C. 10.

fon cheval jufques dans la mer, & alla fi avant, qu'il AN. 1453. penfa fe noyer. Il voulut même faire empaler le commandant de fa flotte, & l'auroit fait, s'il n'en eût été empêché par quelques-uns de fes courtisans. Cependant le fultan eut le chagrin de voir les quatre navires entrer dans le port: un vent de midi s'étant victorieux dans levé fort à propos fur le foir, enfla leurs voiles, & avec ce fecours ils pafferent au travers des vaiffeaux Turcs effrayez & tout en défordre, & bientôt après ils furent reçus dans la ville avec de grands cris de joie. Cette victoire fut d'autant plus heureuse, que les vainqueurs n'y eurent point de soldats tuez, quelques Genois seulement furent bleffez & moururent peu de jours après de leurs bleffures. Pour les Turcs, on fçut d'eux qu'ils y avoient perdu plus de douze mille hommes. Mahomet en fremiffoit de rage, & vomiffoit mille blafphêmes contre le ciel. Mais étant revenu de fon emportement; il ne penfa plus qu'aux moyens de fe venger de l'affront qu'il venoit de recevoir. Fatigué du peu de progrès qu'il faifoit devant cette ville, & voyant avec douleur les bréches étoient auffi-tôt réparées que faites,& les fossez auffi-tôt nettoyez que comblez,il tenta de corrompre Justinien dont la valeur lui étoit fi redoutable; & n'ayant pu en venir à bout, il feignit de fouhaiter la paix, mais à des conditions qu'il fçavoit bien que les Grecs n'accepteroient pas. Il fit propofer à Conftantin qu'il lui cédât la ville imperiale, au lieu de laquelle il lui abandonneroit le Peloponnefe, promettant de donner à fes freres qui en jouissoient, d'autres terres en récompenfe. Ces conditions qui ne tendoient qu'à fe rendre maître de Conftantinople, ne furent point acceptées; & l'empereur Grec voyant qu'il n'y avoit plus d'efperance de faire la paix, prit

que

Tome XXII.

Bbbb

CVIII. Mahomet propose

por un accommodement aux

Grecs.

CIX. LesTurcs pen

fiége fur une

c. 13. 14.

AN.1453. une genéreufe réfolution, s'il ne pouvoit garder la ville de ne la perdre qu'avec la vie, afin de mourir empereur. Peu s'en fallut qu'un fi beau deffein ne fût couronné. fent à lever le d'un heureux fuccès; car le bruit s'étant répandu qu'faulle nouvelle. une puiflante flotte des princes Chrétiens venoit au secours de la ville, & que Jean Huniade amenoit une Phyan.1.3. armée de Hongrie, la plupart des Turcs furent tout à coup faifis d'une fi grande terreur, qu'ils vouloient qu'on levât le fiege fur le champ, & s'emportoient fort contre le fultan, qui fembloit, difoient-ils, être d'intelligence avec les Chrétiens pour les perdre. Mahomet lui-même, tout intrépide qu'il étoit, craignant les fuites de cette fédition, fut fur le point de céder, comme le bacha Haly, chef de fon confeil le lui confeilloit. Ce bacha qui avoit été gouverneur de Mahomet n'avoit jamais été d'avis qu'on fît ce fiege, & favorifoit fecretement les Chrétiens. Mais Zagan Baffa raffura Mahomet & lui fit comprendre que le bruit de l'arrivée d'une flotte & d'une armée étoit faux, qu'il fe diffiperoit dans peu avec la frayeur des troupes qui auroient honte d'avoir feulement pensé à fe retirer. Ces remontrances affermirent si bien le fultan dans fa premiere réfolution, qu'il ne penfa plus qu'à donner un affaut genéral : & il promit aux soldats le pillage d'une ville fi opulente, & le principal gouvernement à celui qui monteroit le premier fur la muraille.

CX.

Mahomet pré

Il ordonna dans toute fon armée un jeûne de trois pare les troupes jours, depuis le matin jufqu'au foir; il fit allumer beaucoup de flambeaux, & commanda des prieres publiques, afin d'obtenir la victoire. Il dit aux janissaires,

à donner un af

Laut genéral.

que

la fin de la guerre étoit venue, qu'il ne leur restoit qu'à faire un dernier effort pour en recueillir le fruit & en recevoir la récompenfe, qui ne leur feroit pas fort

difficile d'acquerir dans une ville déja toute ouverte. AN.1453. Qu'il abandonnoit à fon armée toutes les richesses de Conftantinople, dont il ne vouloit que l'enceinte & les maifons, qui ferviroient encore pour les recevoir après leur victoire. Il ajouta qu'une lumiere qui avoit paru fur la ville durant trois nuits, étoit un préfage affuré du malheur de cette ville, & que Dieu qui l'avoit protegée jufqu'alors, montroit par ce figne vifible qu'il vouloit l'abandonner. Ce difcours du fultan accompagné de la promeffe du pillage, diffipa tellement la crainte des foldats, que tous s'écrierent qu'on les menât promptement à l'affaut, & quelques momens après on envoya fommer Conftantin pour la derniere fois de rendre la ville, en lui promettant la vie & la liberté, finon qu'on alloit l'y forcer. Sur la réponse qu'il fit, camp parut le jour de la Trinité, vingt-feptiéme de Mai éclairé de flambeaux, pour Le préparer au jeûne que le sultan avoit ordonné.

tout le

nic.c. 14.

L'empereur Conftantin, déja averti fous main par le bacha Haly, qu'il feroit attaqué dans deux jours par mer & par terre, donna tous les ordres neceffaires pour foutenir l'affaut, d'autant plus que le bacha lui man: doit que fi les Grecs pouvoient foutenir cet effort, le Phranz. Chrofiege feroit bien-tôt après levé. Il ordonna des proceffions publiques. Il communia & plufieurs autres avec lui dans l'églife de fainte Sophie. Il affembla le vingthuitième du mois tous les officiers de fes troupes, & leur dit tout ce qu'il put employer de plus fort pour animer en cette occafion de braves gens, déja fort résolus d'eux-mêmes à bien faire. Ensuite il prit ses armes, & s'étant mis à la tête d'une troupe de gens choifis, il alla visiter les quartiers, pour voir fi tout étoit en bon état, & fe campa l'épée à la main fur la bréche,

Bbbb ij

AN.1453. après avoir découvert les Turcs, qui commençoient à

CXI. Dernier af

ville de Conftantinople.

fortir de leur camp, & fe difpofoient à l'attaquer. Le fultan au milieu de dix mille janissaires étoit monté fur un fuperbe cheval; il étoit fuivi de cent mille fpahis ou cavaliers qui s'étendoient derriere lui à peu de distance, tout le long des murailles jusques à la mer, pour foutenir l'infanterie qui occupoit le même efpace aux côtez du fultan.

Tout étant difpofé, & les machines avancées jufLaut donné à la ques fur le bord du foffé, l'attaque commença le vingtneuviéme de Mai dès les trois heures du matin, par les plus foibles foldats & les plus inutiles, afin que les Chrétiens laffez du carnage qu'ils en feroient, préparaffent un chemin à ceux qui les fuivroient, & qui marcheroient plus facilement fur les monceaux de leurs corps. Cette premiere attaque dura deux heures, & les foffez de la premiere enceinte étoient presque tous comblez des corps de ces malheureux, qu'on avoit contraint d'avancer à grands coups de bâton & de cimeterre. Ensuite Mahomet jugeant que les affiegez seroient las & fatiguez, fit fonner la charge, & fit mettre le feu aux canons pour écarter ceux qui défendoient les murailles. Dans le même inftant, des foldats tout frais & aguerris monterent tête baiffée à l'affaut du côté de la terre & de la mer; & tous animez par la crainte, ou par l'efperance, ou même par l'amour de la gloire, firent ce jour-là des prodiges étonnans de valeur; mais du côté des Chrétiens la réfistance ne fut pas moins vigoureuse. L'empereur & Juftinien combattirent en vrais heros durant plus de deux heures, fans relâche, & avec tant de valeur, que les Turcs furent contraints. de plier malgré les cris & les menaces du fultan.

Les janiffaires accoururent alors pour foutenir ceux

qui plioient; ils furent animez par ce fecours, monte- AN.1453. rent au travers des feux, des dards & des pierres fur les corps entaffez de leurs compagnons, & gagnerent enfin le haut des tours & des murailles malgré la résistance des affiegez. Un janiffaire y monta le premier, & planta l'enfeigne turque fur le rempart, où il fut suivi de trente autres auffi déterminez que lui. Ceux qui combattoient fur le port, eurent le même avantage, s'étant déja rendus maîtres d'une des tours qu'ils attaquoient; & la fortune commença à fe déclarer ouvertement contre les Grecs, auffi-tôt que Juftinien, qui avoit reçu deux coups, l'un de fléche à la cuiffe droite, & l'autre d'une arquebusade à la main, eût abandonné lâchement fon pofte, & fe fût retiré fans mettre quelqu'un en fa place pour commander en fon absence.

L'empereur qui voloit de tous côtez au fecours des plus preffez furvint par hazard dans le tems que Justinien faifoit fa retraite; il lui reprefenta vainement que le falut d'une ville, dont il avoit entrepris la défense, dépendoit de lui, que cette action alloit ternir fa réputation, & le couvrir pour toujours de honte; mais ce capitaine fans vouloir écouter fes remontrances fe retira à Pera, puis dans l'ifle de Chio, où il mourut de fes bleffures, & peut-être de chagrin d'avoir ainsi pris la fuite; au lieu qu'il fe feroit acquis une réputation immortelle, s'il eût perdu la vie dans Conftantinople. La fuite de Juftinien mit auffi-tôt le defordre parmi fes gens: se voyant abandonnez de leur chef, dans le tems qu'ils étoient plus preffez par l'ennemi, ils ne fongerent plus qu'à fe fauver. Les Turcs voulant pro fiter de ce defordre dont ils s'apperçurent, & animez par la vue de leurs compagnons qui combattoient fur e rempart, & qui commençoient à faire reculer des. Bbbb iij

le

CXILI

Honteufe re

nien.

Les Grecs perdent courage en

CXIII.

voyant Justinien.

fe

retirer. Phranz. lib. 3.

cap. 16.

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