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ment célèbres, & par deux accufations, ou plutôt deux invectives, contre la mémoire de Socrate. Ainfi Zoïle s'élevoit comme une plante venimeufe, dont la culture & la préparation rendoient le poifon plus fubtil & plus aigu.

Il étoit grand & maigre; il avoit le teint pâle, l'air vif. Éljen (1) nous le repréfente avec une longue barbe, & la tête rafe, pour se donner l'air plus magiftral. Sa robe traînoit malproprement, & fes manières étoient entièrement contraires aux usages reçus. Il aimoit à femer la difcorde & à médire. Ce penchant fut attribué par quelques-uns à une grande connoiffance du monde, & fes. traits hardis paffèrent quelquefois pour de l'efprit. Ce défaut s'accrut au point qu'il ne fe cacha plus, ne garda plus de mesure: enfin cette paffion tourna tellement en fureur, qu'un jour qu'on lui demandoit pourquoi il difoit du mal de tous

(1) Variæ Hift. 1. xj, c..x.

les hommes? » C'eft, répondit-il, parce "que je ne puis leur en faire. « Les hommes lui rendirent bien la haine qu'il leur déclaroit. On ne parla plus de lui que fous des noms odieux, & fes obfervations ne s'appelèrent plus depuis, que les remarques du dogue Rhéteur.

Il s'occupoit en Macédoine à écrire ou à réciter ce qu'il avoit appris à l'école des fophiftes. Il prenoit pour fujet de fes difcours les auteurs les plus accrédités; & tout en leur accordant des éloges fimulés, il leur refufoit même le genre de mérite qui les caractérisoit. C'eft ainfi qu'il accufoit Xénophon d'affectation Ifocrate d'incorrection, & Platon de n'avoir que des idées communes; il appeloit la véhémence de Démosthène, un feu qui s'éteint; la profondeur d'Ariftote, fubtilité; & la gaîté d'Ariftophane, bouffonnerie. Avoir de la réputation, c'étoit s'en faire un ennemi; mais une célébrité univerfellement établie tourmentoit fon ame, excitoit fes fureurs.

Telle fut la caufe de fa haine implacable pour Homère, digne d'être l'objet & le fupplice de l'envie.

Il compofa, avec une ardeur infatigable, un ouvrage volumineux, qu'il intitula d'abord Critique d'Homere. Lorfqu'il fut entièrement fini, il le publia fous un titre plus faftueux, qu'il imaginoit devoir prouver la bonté; le voici, à la manière des anciens:

» Zoile, ie fléau d'Homère, a écrit ceci ➜ contre les adorateurs de fes fables. «

Nous ne pouvons apprécier fon talent d'après cet ouvrage, qui n'a pas paru mériter de nous être tranfmis, & dont les commentateurs ne nous ont laiffé que quelques citations. Si quelqu'un penfe qu'elles puiffent fervir à faire juger du refte, les voici :'

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Il. j. Homère eft vraiment ridicule lorfqu'il peint Apollon perçant lui-mêmede fes traits les chiens & les chevaux. II. v. Il ne l'eft pas moins, décrivant. les armes de Diomède qui étinceloient:

& jetoient des flammes, puisqu'alors

elles l'auroient brûlé.

Il. xxv. Lorsqu'Enée faute de fon char brillant, embarraffé dans la mêlée, & fur lequel il pouvoit périr, Homère eft un fot de le lui faire quitter; ce prince devoit fuir avec lui.

Il. xxiv. Quand Achille fait coucher Priam hors de fa tente, de peur que les Grecs n'apprennent fon féjour dans le camp, le poète eft bien mal élevé de traiter un roi de la forte.

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Od. ix. Il n'eft pas poffible qu'Ulyffe ait perdu un nombre égal de fes foldats fur chacun de fes vaiffeaux.

Od. x. Rien de plus ridicule que la fiction des compagnons d'Ulyffe changés

en pourceaux.

Tels font les traits frivoles, les froides plaifanteries tirées de cet ouvrage, digne du mépris avec lequel il fut reçu, & de l'oubli dans lequel il eft tombé.

Zoïle, certain des fuccès qui l'attendoient, regarda la Macédoine commer

un

théâtre

trop étroit pour

fa gloire. I' efpéra briller avec plus d'éclat en Egypte où les lettres étoient protégées. Il fut détourné pour un temps de ce voyage, par l'envie de voir les jeux Olympiques: il y vint, la mémoire remplie des ouvrages d'Hérodote & de quelques autres qui s'étoient diftingués dans ces jeux, fe plaifant à croire que toute la Grèce alloit oublier leur mérite & ne plus penser qu'au fien.

ཤྭ་

A fon arrivée il trouva tout préparé; les chars cifelés & dorés rangés pour la courfe; les chevaux couverts de fuperbes harnois; les athlètes qui se destinoient à la lutte, au pugilat, au jet du javelot,, ou à d'autres combats, avoient l'air fa tisfait que donne d'avance la préfomption de la victoire. La place étoit couverte de fpectateurs galamment vêtus : Zoïle perça la foule & gagna le premier rang, avec la tête chauve, fa barbe qui lui defcendoit jufqu'au milieu du corps, fa robe fale & traînante, les mains pleines

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