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rien de plus dangereux pour celui qui la nourrit. Les femmes ont en grande vénération les gens entreprenans; & la jaloufiie, au contraire, n'aboutiroit qu'à te peindre à leurs yeux comme le plus timide des hommes.

En fociété, il conviendra de manifefter le plus grand refpect envers elle. Heureusement on n'eft pas toujours avec les belles en public. Où est-elle cette femme qui se fâche d'être follicitée ?

Souviens-toi de la punition que le bon Roland (1) fnt contraint de recevoir fi

(1) Roland trouve la fée Morgane endormie dans une caverne : elle est belle; il est tenté; mais fon amour violent pour Angélique le fait réfifter. Cependant le défanchantement du palais de cristal auroit dépendu de cette foibleffe de fa part: il l'apprend, & veut revenir fur fes pas; mais il la trouve éveillée : il court après elle, & eft joint par un fpe&tre qui lui dit: » On me nomme le Repentir; je fuis privé de

longuement fur fes épaules, & cela, pour n'avoir pas faifi Morgane à temps.

Sans doute il eft néceffaire d'attendre que le fruit foit mûr avant d'étendre la main pour le cueillir. Tout doit s'arranger de manière qu'elle puiffe en jeter la faute fur toi. Celle-là, qui feule à feul avec fon ami, pourra lui résister eft plus qu'une femme, s'il n'eft pas moins qu'un homme.

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Il y a plufieurs fignes auxquels tu pourras reconnoître peu à peu les progrès que tu auras faits dans fon cœur: les mots les plus indifférens feront adreffés de ton côté; on dirigera vers toi des

» tout contentement, & ne m'occupe qu'à pour» fuivre ceux qui, comme toi, ont laiffé échap→ » per l'occafion...&c. « Le spectre fuit le comte, lui applique fur les épaules des coups d'un fouet, qu'il tient à fa main, & l'accable d'injures jufqu'à ce qu'enfin Roland rejoint la fée, & la force de défenchanter le palais.

Poème de Roland par Boyardo,

yeux qui, rencontrés par les tiens, fe détourneront prefque toujours; à chaque minute on s'informera de ce qui te fera arrivé, & l'on viendra ensuite te le raconter à toi même ; jaloufe de t'entendre dévoiler les fentimens qu'elle a créés en ton cœur, elle faura te mettre fur la voie; par fois elle te fuira, & cela voudra dire que tu la fuives.

Garde-toi bien de te plaindre fi, de la rofe (1) à la main qui la veut cueillir, il fe trouve ça & là quelques épines; elles ne font qu'accroître les defirs, & embellir la victoire. Ce feroit une folieà toi d'envier le fort de ce dieu qui voit, defire, & eft heureux; tu ne réuffirois pas mal à te procurer bientôt le bonheur le plus infipide qui foit au monde.

Enfin, quand tu auras fu vaincre ta douce ennemie, fache encore user de ta victoire; ne vas pas te figurer que

(1) Le texte porte: » fi entre l'épi & la main, » tu trouves quelque empêchement. «

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tes volontés doivent commander impérieusement aux fiennes;

L'injustice à la fin produit l'indépendance (1);

Lâche les rênes, & gouverne-la fi adroitement qu'elle ne s'apperçoive pas qu'elle eft gouvernée. Quels que foient les petits caprices qui lui prennent de temps en temps, paffe là-deffus légèrement, d'autant mieux qu'ils fervent de parure à l'efprit, à la beauté, vivifient le fentiment, & font, pour ainfi dire, le sel de l'amour. Qu'entre elle & toi les devoirs foient réciproques, & que jamais d'autre loi ne lui foit impofée que celle qui peut alléger le poids de fa fubordination, & rendre ton empire plus durable en même temps.

Que fes faveurs apportent de nouvelles chaînes à ta tendreffe; vivez long-temps unis, & que l'amour ajoute à vos journées toutes celles qu'il devroit

(1) Vers de Tancrède.

enlever aux amans malheureux. Puiffent enfin les dieux, entre les mains de qui réfide le cœur de l'homme, empêcher que le bandeau, dont va faire usage, mon ami, ne vienne à lui fafciner les yeux !

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