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eu plus de cent amans, un par chaque faifon; auffi eft-ce à cause de cela que les littérateurs, espèce de gens que j'ai toujours préférés aux autres, m'appellent, dans leurs phrases galantes Hécatomphile: cela fignifie cent amours, à ce qu'ils prétendent. Le nombre de mes propres inclinations s'eft pourtant jus qu'ici borné à trois.

D'abord, je vous enfeignerai la manière de bien choisir un amant.

Enfuite, je vous dirai à quel appât vous devez le prendre; par quels doux artifices vous pourrez gagner fon cœur, & vous en rendre maîtreffes : bfolues.

Enfin, vous apprendrez de moi comment il vous deviendra poffible de voir long-tems durer vos plaifirs.

Mais, que me donnerez-vous pour prix de mes leçons? Tenez, je ne demande qu'une chose: aimez beaucoup celui-là feul qui vous aime fincèrement.

LIVRE PREMIER.

Nous avons premièrement à défigner ici l'amant qu'il eft à propos de choifir. Et d'abord je vous dirai: belles amies, prenez - en un qui ne foit ni trop jeune, ni trop vieux, & pour cause. Point d'âge plus heureux que celui des hommes faits & robuftes. Les vieillards font blafés & tout-à-fait ineptes aux doux badinages de l'amour. Imaginez quel tourment c'eft d'aimer des hommes qui vous aiment mal! Quant aux jeunes garçons embellis de la première fleur de l'âge viril, leurs regards font bien tendres fans doute; peut-être ont-ils plus de délicateffe & de modeftie mais ils font gauches, fans expérience; un rien va leur caufer de l'ombrage. Ils font impatiens & brouillons. Les petits fots ne favent rieni, B vij *

foupçonnent tout, & finiffent par être im. pertinens. N'ayez pas peur qu'ils aillent fans avoir à leur fuite un ami auquel ils racontent de point en point leur amoureuse hiftoire. Leur plus grand délice eft de traveftir la vérité, & de bâtir des menfonges en leur honneur. Qu'arrive-t-il? Celui qui les écoute va les rapporter à un autre, qui va les rendre à quelqu'un, qui les redit de même; & ainfi de bouche en bouche, jufqu'à ce qu'enfin les accufations les plus fauffes que l'on puiffe former contre nous autres femmes, s'accréditent peu à peu, & deviennent à la fin, pour la multitude, un article de foi. Avant que nous fachions même leurs noms, ces freluquets ont su nous rendre la fable de tout le monde. Les monftres! ils nous déshonorent, & cela leur paroît une gentilleffe. Pour moi, j'aimerois encore mieux les amans vieillards, que de jeunes barbes comme celles-là,

Le vieillard fera fage, accort, prompt à prévenir vos volontés. Le jeune ignorera de quelle importance eft tout cela. Vous verrez celui-là difcret, patient, mystérieux, circonfpect & modefte ; & celui-ci roder tout le jour devant votre porte, comme s'il cherchoit à rendre tous les paffans témoins de fes foupirs. L'un n'abandonnera fon entreprise qu'autant qu'un motif puiffant lui fervira d'excufe; il vous aimera feule, & dès lors qu'il ceffera de vous aimer, du moins il ne vous traitera pas en ennemie; jamais il ne lui échappera contre vous aucune action, aucune parole outrageante: l'autre a l'air d'un nouveau venu qui fe trouve transplanté au milieu d'un marché public; il faut qu'il aille par-tour; i eft étonné de tout; ce qu'il voit, il le veut; le moindre regard l'attire. Non, il n'eft de tourment plus cruel, pour qui eft véritablement épris, que d'aimer un objet dont le cœur & l'efprit ne font

pas

pas étroitement enchaînés par un feul

amour.

Tous, tant que vous êtes ici, jolis minois, vous voyez, par ce que je vous ai dit, que fi les vieillards ont des défauts; les jeunes ont des travers. Il n'y a donc que ceux dont l'efprit eft dans toute la vigueur qui puiffent vous convenir; ils favent ce que les jeunes ignorent, & font ce que les vieux ne font plus.

Il est en amour mille douceurs non moins précieuses que celle que la plupart des amans recherchent avec tant de chaleur. Quelles font-elles? les agaceries enjouées; le fouvenir des peines d'autrefois, la douceur de les redire, les éclairciffemens fi chers aux foupçons, les tendres accufations, les pardons plus tendres encore, le plaifir infini de prodiguer fes pensées comme fes careffes, & de fixer ainfi les heures fugitives. Eft-il pour une amante un fentiment

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