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c'eft que les

Une vérité reconnue, c'eft difgraces qu'éprouvent nos amours, ne proviennent en général que de notre faute. Du moins, à en juger par moi, & beaucoup d'autres, je fuis perfuadée que le principe de tous nos chagrins vient, ou de notre orgueil jaloux, ou de notre peu de raifonnement : défauts qui nuifent également à nous, & à ceux qui nous aiment.

Et croyez que rien ne porte atteinte à la douce paffion de l'amour, comme les foupçons jaloux. Entre nous foit dit, il ne faut qu'une bagatelle pour nous échauffer & nous porter ombrage. Nous nous livrons aux plus injuftes caprices. La jaloufie n'eft caufée fouvent que par ignorance des chofes : elle eft fuivie de l'orgueil dédaigneux. Nous injurions, nous tourmentons ceux qui nous aiment. Faut-il s'étonner, après cela, s'ils nous rendent mauvaise humeur pour mauvaise humeur, impertinence pour imper

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Au contraire, un doux fourire. un air gracieux & indulgent, la moindre avance faite avec grace, ou bien la plus légère excufe va tout appaifer; l'orgueil fuira, la trifteffe avec lui, & l'amour renaîtra plus doux & plus tendre que jamais.

N'imitez pas ma conduite avec mon premier amant. Je vous dirai que j'aime à parler fouvent de mes premières amours; & je ne pense pas que cela vous ennuie. Mon deffein eft de découvrir mes vieilles fautes, foit pour vous empêcher d'y tomber, foit pour vous en corriger, fi déja votre imprudence vous les a fait com

mettre.

Mon amant, comme je vous ai dit, étoit la beauté même; il captivoit tous les regards. Son éloquence naturelle le faifoit écouter de tout le monde avec intérêt. Il n'y avoit perfonne qui ne l'eftimât, ne l'aimât, les femmes furtout, & cela me faifoit fouffrir mille

tourmens. Je n'étois tranquille que lorfqu'il étoit près de moi; encore aurois-je défiré que toute femme qui le fixoit plus d'une fois, devînt aveugle tout de fuite. Lorfqu'il me fourioit, je fentois un doux feu pénétrer jufqu'à mon cœur. Me paroiffoit-il fâché? j'étois au désefpoir, je n'étois plus à moi. Eh-bien, malgré toutes ces révolutions, ces troubles, ces foucis, j'étois heureuse encore. Rien n'avoit empoifonné l'agréable perfuafion où j'étois d'être aimée... jusqu'à ce qu'enfin mon malheur me fit voir je ne fais quelle femme, affez aimable d'ailleurs, qui parloit, folâtroit, fe comportoit, à mon avis, beaucoup trop familièrement avec lui.

Alors, comme fi j'euffe été percée d'un coup mortel, je pâlis; un friffon vint s'emparer de moi; je crus que j'allois mourir. Mon amant, qui s'apperçut de l'état où j'étois, fut piqué de mon injufte foupçon, & partit en me témoignant combien un tel enfantillage lui

faifoit pitié. Je fus outrée. Ma mère, à laquelle j'allai fur le champ conter ma difgrace, m'apprit qu'elle étoit informée de tout, & qu'elle s'étonnoit que je regardaffe de fimples jeux comme un outrage. Malgré ces raifons, j'eftimai cela une trop grande injure, & j'en conçus pour lui une haine & un mépris fi fort, que je me déterminai à ne plus aimer du tout. Je m'en voulus d'avoir été affez foible pour m'attacher. Dès lors je m'enfermai dans une folitude profonde, & me propofai de ne regarder homme de ma vie ; je maudis l'amour cent & cent fois, & la haine prit fa place.

Folles que nous fommes, quand nous aimons! Que ne fis-je pas pour perfévérer dans ma réfolution? J'adreffai des vœux à chaque faint, pour qu'il m'otât le fouvenir de celui que feul, hélas! j'adorois. Les images des bienheureux me fembloient devoir me tenir

lieu de fon portrait. J'imaginai que la

tendre & confolante dévotion viendroit à mon aide, & me guériroit de ma bleffure. Mais, ô amour! qui peut oublier tes plaifirs & tes peines? Je voulois rompre fes liens qui menchaînoient à mon amant, & pourtant j'aurois bien voulu le voir. Par fois, je faifois taire mes pensées, & me figurois, ou ne plus reffentir de mal, ou que ce n'étoit pas lui qui caufoit ma douleur.

Laffe enfin de vivre dans une folitude auffi ténébreufe, & de m'abreuver de larmes, je reparus tout-à-coup dans le monde. Mon premier foin fut de rechercher les lieux où jadis mes yeux l'avoient vu fi fouvent, & jamais affez. Il s'y trouva, je le vis; mais ce ne fut que pour affecter l'envie de le fuir. I le fentoit bien; cela le mettoit au défefpoir, & pour moi c'étoit un délice. Malgré tout le plaifir que je prenois à le défefpérer, à peine il paroiffoit où j'étois, qu'auffitôt mon cœur palpitoit. Je fentois mon fang bouillon

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