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Au Siége de Namur que le Roi fit en perfonne, il fervit encore fous M. de Vauban. Le Roi lui parloit plus fur le Siége qu'à M. de Vaudan même qui étoit trop occupé ; & cet avantage qui fait la fouveraine félicité des Courtifans, flatte toujours beaucoup les gens les plus raisonnables. De Namur il courut fauver S. Malo, & trente Vaiffeaux qui s'y étoient retirés après le Combat de la Hogue, fi glorieux & fi malheureux tout enfemble pour la Nation', Les ordres qu'il mit par-tout avec une prudence & une promptitude égale, rompirent l'entreprise des Ennemis trés-bien concertée & prête à écla

ter.

En 1693 le Projet de la Campagne navale, dressé par les Officiers géné raux, & après bien des délibérations approuvé par le Roi même, fut communiqué par fon ordre à M. Renau qui eut la hardieffe de lui refufer nettement fon fuffrage, & d'en préfenter un autre à la place. Il eft vrai qu'il fe fit foutenir par M. de Vauban qui entra pleinement dans fa penfée; mais en l'état où étoient les chofes, le fecours de M. de Vauban lui-même étoit foiTome VI. K

ble, Comment revenir contre ce qui a été décidé fi murement? N'y aura-t-il donc jamais rien d'arrêté ? Un homme ou deux font-ils feuls infaillibles? Cependant il fallut ceder aux raifons de M. Renau, & à la vigueur dont il les employoit; fans quoi peut-être elles n'euffent pas operé le miracle. Ce changement prévint tous les mauvais évér nemens qu'on auroit eu à craindre & valut à M. de Tourville la défaite du Convoi de Smirne, & la prife d'une partie des Vaiffeaux, Le Roi fut payé du courage qu'il avoit eu de fe rétracter, & marqua à l'Auteur de fa rétractation combien il en étoit fatisfait.

M, Renau avoit fait conftruire à Breft un Vaiffeau de 54 canons parfaitement felon fes vûes, & il vouloit l'éprouver contre les meilleurs Voiliers Anglois. La fortune le fervit à fouhait. Il fut averti de deux Vaiffeaux Anglois qui revenoient des Indes Orientales richement chargés Il en apperçut un à qui il donna la chaffe, & qu'il joignit en trois heures de temps, parce que fon Vaiffeau le trouva en effet excellent de Voile, L'Anglois qui étoit de 76 pieces de canon, & avoit toute fa batterie

baffe de 24 livres de balle, au lieu que M. Renau n'avoit que quelques canons de 18, mit en ufage toute la fcience de la Mer, & toute la valeur poffible, animé par les tréfors qu'il avoit à conferver; cependant au bout de trois heures de combat, M. Renau le prit à la vûe de trois Gardes côtes qui n'étoient qu'à trois lieues fous le vent. Il eut plus de 100 Hommes tués fur le Pont, au nombre defquels fut un frere de M. Caffini, & 150 Hommes hors de combat. Le Vaiffeau ennemi criblé de coups ne put être fauvé, & coula bas le lendemain. Le Capitaine mit neuf paquets de Diamans cachetés entre les mains de M. Renau, qui lui dit qu'il ne les prenoit que pour les lui garder; mais le Capitaine ayant ajou té qu'un Bombardier qu'il défigna par un coup de fabre reçu au vifage dans le combat, lui avoit arraché un autre paquet qui valoit plus de 40000 piftoles, M. Renau lui demanda fi ceux qu'il lui avoit remis valoient autant ; & fur ce qu'il apprit qu'il n'y en avoit pas un qui ne valût davantage, il retira fa parole de les lui rendre, & en fit faire un Procès-verbal en présence de ses Offi

ciers. Le paquet volé par le Bombardier fe retrouva, mais décachété. Il en laiffa à fes Officiers un autre qui étoit tombé entre leurs mains.

Par l'ufage établi alors dans la Ma rine, les Diamans appartenoient à M. Renau; mais la grandeur de la fomme qui le devoit faire infifter sur son droit, le lui fit abandonner. Il les porta au Roi, qui en jugeant la queftion contre lui-même, les accepta, & lui donna 9000 livres de rente fur la Ville, non ୨୦୦୦ comme un équivalent d'un préfent de plus de quatre millions, mais comme une légere gratification que la difficulté des temps excufoit. Il demanda pour véritable récompenfe, & obtint l'avan cement de fes Officiers, & de plus la confirmation du don qu'il leur avoit fait du paquet de Diamans.

Il s'étoit trouvé fur le Vaiffeau Anglois une Dame niéce de l'Archevêque de Cantorbery, avec une Femme de Chambre, & une petite Indienne. Comme elle avoit tout perdu par le pillage du Vaiffeau, M. Renau fe crut obligé de pourvoir à tous fes befoins, & même à ceux de fa condition, tant qu'elle fut prifonniere en France. Il en

ufa de même à l'égard du Capitaine, & il lui en coûta plus de 20000 livres pour les avoir pris.

Nous paffons fous filence un grand deffein qu'il avoit formé fur l'Amérique, où il alla, & d'où la pefte le fit revenir en 1697, & un fecond voyage qu'il y fit après la Paix de Rifwic pour y mettre nos Colonies en fûreté. Tout changea de face bientôt après par la mort de Charles II. Roi d'Efpagne. Le nouveau Roi Philippe V. ne fut pas plutôt à Madrid, qu'il demanda M. Renau au Roi fon Grand-Pere, qui le lui envoya en diligence. Il ne devoit être en Espagne que quatre ou cinq

mois.

Son principal objet étoit de mettre en état de fûreté les plus importantes Places, comme Cadix. Depuis longtemps cette Puiffance n'avoit eu rien à craindre dans l'Efpagne même, hormis du côté de la Catalogne; & cette longue fécurité, le mauvais ordre des Finances, & la négligence invéterée du Gouvernement, avoient prefque anéan ti les Fortifications les plus indifpenfables. On difoit bien que l'on étoit réfolu de remédier à tout; on montroit

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