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LE TEMPLE DE LA COLLINE DU TIGRE AVANT LA REBELLION

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D'après un dessin chinois.

ville de Sou-tchéou et en fit la capitale de son royaume. Après sa mort "on versa dans son cadavre de l'argent liquide (mercure)" c'est-à-dire on l'embauma, puis on plaça le cercueil dans trois sarcophages en cuivre: le tout fut déposé à quelque distance de la porte de l'ouest de Sou-tchéou, et cent mille hommes, pris dans cette ville, furent employés à couvir le tombeau de terre qu'ils allèrent prendre sur les bords du Grand Lac. On éleva ainsi une sorte de colline. Trois jours après l'inhumation, un tigre blanc étant venu s'asseoir au sommet de ce monticule,on donna à cette élèvation le nom de Colline du Tigre. Dans la suite on bâtit à mi-côte un petit temple où fut déposé le poignard qui avait servi à tuer le roi Léaô.

Lorsque, bien des années plus tard, le célèbre Tsin ché-houang, celui-là même qui ordonna de brûler tous les anciens livres et de mettre à mort les plus doctes lettrés de ses Etats, arriva à Hou-kiéou pendant un voyage qu'il faisait dans les provinces méridionales de son empire, il demanda à voir ce fameux poignard: comme à ce moment, rapporte l'histoire, le tigre était encore assis au sommet de la colline, l'empereur lança cette arme contre lui mais ne l'atteignit pas. Le poignard alla frapper un rocher, l'éffleura et disparut dans le sol. Le tigre, effrayé, se sauva dans la direction de l'ouest et cessa d'être visible. Tsin ché-houang fit faire des fouilles là où il croyait le poignard enseveli: on ne le retrouva pas. On creusa profondément jusqu'à ce qu'on eut mis à jour une source dont l'eau filtrait jadis à travers les rocs de la colline et qui, depuis ce jour, s'épancha dans un bassin. On appela cet endroit l'Etang du Poignard.1

Tsin ché-houang fit également faire des fouilles pour rechercher le cercueil même de Hô-lu, mais on ne parvint pas à le découvrir.

La nappe rocheuse qui s'étend devant l'étang, est appelée la roche des mille, († λts'ien-jen-ché) parceque mille

1. Sou-tchéou fou-tche.

personnes peuvent s'y tenir assises. Tout autour se trouvent debout plusieurs rochers abruptes "les rochers qui acquiescent," (tien-t'eoù-ché). On raconte à ce sujet la légende

suivante:

"Au Ve siècle de notre ère, un certain bonze nommé Tchou Taô, originaire de la province du Tché-li, se rendit à Tch'angan (alors capitale de l'empire, la Si-an-fou de nos jours) pour étudier sous le célèbre bonze Che mi ló. Peu après son arrivée, on apporta de l'Inde les six livres du Nié-pan-king (

Nirvana Soutra): il y était dit "Tous les hommes ont de bons sentimens (ceux de Fô ou du Bouddha) sauf les hommes vicieux (tch'an-tï)." Tchou Taô critiqua cette doctrine et affirma que tous les hommes, n.ême les vicieux, avaient naturellement de bons sentimens. Là dessus on cria à l'hérésie, on chassa Tchou Taô, on le honnit de partout. Le bonze, quittant la capitale, fit le serment suivant: "Que la lèpre couvre mon corps si la doctrine que je soutiens n'est pas d'accord avec l'esprit des King bouddhiques (=Soutra); qu'au contraire ma vie soit courte si elle y est conforme!" En disant ces mots il secoua la poussière de ses habits et partit. Il voyagea dans diverses provinces: arrivé dans celle du Kiangsou, la Colline du Tigre lui plut; il s'y arrêta et ayant rassemblé autour de lui un certain nombre de rochers qui lui formèrent comme un cercle d'auditeurs, il leur expliqua le Niépan-king: quand il en fut à l'endroit qu'il critiquait, il exposa sa propre doctrine et termina en disant: "Est-ce que ma pensée est conforme à celle du Bouddha?" A ces paroles, toutes les pierres s'inclinèrent en signe d'assentiment. Quelque temps après, on reçut de l'Inde la grande édition du Nié-panking: la doctrine soutenue contre tous par Tchou Taô y était tout au long. Ce livre à la main, Tchou Taô parcourut alors l'empire. Se trouvant à Lou-chan en l'an 435, il venait de terminer son explication du Nirvâna, quand tout-à-coup son chasse-mouches lui tomba des mains, et lui-même, s'appuyant sur la petite table où se trouvait sa tasse de thé, resta sans

mouvement: il était mort."1

A mi-côte était jadis la tombe d'une beauté de Sou-tchéou qui avait refusé de se remarier après la mort de son mari et dont les poëtes ne cessèrent pendant longtemps de vanter les charmes et la vertu: c'était le Tchen-miang-mou, Tombeau de la Chaste Epouse. Une vieille description de Hon-kiéou à l'époque de la dynastie des T'ang rapporte que les voyageurs venaient faire un pélèrinage à ce tombeau et y inscrivaient quelques vers en l'honneur de la défunte. Mais un beau jour, un poëte de ce temps composa une pièce de vers si admirable que nul n'osa désormais plus rimer sur le même sujet.

De l'esplanade un bel et large escalier conduit au temple actuel: ainsi que de coutume, il s'y trouve plusieurs statues dorées du Bouddha devant lesquelles brûlent des chandelles

1. Extrait du Kaô-seng-tchouan, Biographies des Bonzes

célèbres.

2. Il fant dire que, tout en ayant refusé de se marier en souvenir de son mari, cette beauté devin une "irrégulière" et, grâce à ses chans et à sa danse, fut classée parmi les lus renomn ées courtisanes de Sou-tchéou. Comme pendant sa ve elle avait plusieurs fois manifesté le désir d'être enterrée à 'HouKéon où elle avait f it tant de parties joyeuses, la jeunesse dorée de Soutchéou promit de se conformer à sa volonté, et en effet, quand elle mourut, elle fut inhumée devant le temple. Un poëte de la dynastie des T'ang qui visita ‘Hon-Kiéu rapporte que le tombean était couvert d'herbe et de fleurs et que le soir, quand une légère brise soufflait et qu'une fine pluie tombait en forme de rosée, n entendait le bruit des instrumens et le son des chansons." Ce tombeau a exer é la verve de nombreux poëtes: on nous permettra de citer ici les jolis ve s que Pô Lô-t'ien, un des plus

famenx poëtes de l'époque des T'ang et aussi amoureux de la dive bouteille
que son illustre contemporain
Li T'aï-pô, a composés à ce sujet :

Le tombeau de la Chaste Epouse est situé sur la route de 'Hou-Kiéou :
Je n'ai pas vu la Chaste Epouse se regarder dans le miroir,

Je vois seulement son tombeau couvert d'herbes.

De même que les fleurs du pêcher et du prunier sont détruites par le givre,
et les nénuphars sont rompus par le vent,

De même la Chaste Epouse est morte encore à la fleur de l'âge.
Longtemps ne peuvent durer une peau douce et une main blanche:
En ce monde rien n'est si difficile que de tâcher de conserver quelque-
chose si précieux (i. e. une belle femme):

Car rien ne s'alime aussi facilement et aussi rapidement:

Comme les fleurs dans les pays du nord et la neige dans ceux du sud.

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