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tenus: à l'entrée est un bureau où chaque visiteur donne une douzaine de sapèques. On exige cette modique somme, d'abord pour subvenir à l'entretien du jardin, puis, disent les chinois, pour empêcher d'entrer toute autre personne que des lettrés et des gens distingués.

Il s'y trouve plusieurs kiosques à tables de marbre et quelques pavillons à parois tapissés de nombreuses curiosités: plaques de marbre de Tâ-li-fou, (ville du Yun-nan renommée pour cette production), dont les veines naturelles représentent des paysages variés; grandes glaces européennes achetées à Changhai et portant encore l'étiquette du marchand étranger qui les a fournies; pendules également étrangères qui, mal remontées, battent la campagne; laques du Japon,

etc.

Au centre d'un petit lac s'élève sur des rochers un kiosque élégant: quatre ponts de rocailles y aboutissent. On lit sur le fronton l'inscription suivante:

荷風四面

Le parfum du lotus s'exhale de tous côtés.

Un grand pavillon, également au milieu d'un étang, porte le nom de "Pavillon d'où l'on voit les montagnes;" au premier étage sont les tablettes de plusieurs anciens hauts dignitaires de la province. Un bâtiment spécial, le Pi-'houâ

t'ang, Salle des pinceaux et des fleurs, est destiné aux inscriptions: les murs en sont tapissés. Dans la pièce du centre on lit l'inscription suivante due à un préfet de Sou-tchéou de la dynastie actuelle;

求通民情

願聞已過

Je désire pénétrer les sentiments du peuple;

Je veux entendre parler de mes propres fautes.

Dans une autre salle sont appendus au mur deux

toueï-tseu ou pancartes dont les caractères se répondent mutuellement l'un à l'autre; en voici la traduction:

1. Kien chan lou.

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LE JARDIN DE LA FORET DES LIONS A SOU-TCHEOU.

D'après un dessin chinois.

承家節操尙不泯

為政風流今在乾

Il existe encore de bons principes dans les familles;

Ceux qui exercent des charges doivent les prendre pour guide. Une galerie couverte fait tout le tour du jardin; c'est le "chemin à l'ombre des saules" ( 13 ).

Dans un des angles est une petite grotte composée de rochers fantastiques: quelques orchidées poussent entre les fissures. Partout des arbres, des arbustes, des fleurs, des plantes de

toute nature.

Par une petite porte ronde1 percée dans le mur à l'angle sud-est, on passe dans un petit enclos annexe. C'est le

pi-pa-yuan, jardin des Pi-pa. Le pi-pa, en dialecte du pays bi-bô, est la nèfle du Japon, Eriobotrya japonica. Il y a dans cet enclos un certain nombre de ces arbres chargés d'excellens fruits: les chinois prétendent que l'on peut en manger autant que l'on veut sans inconvénient à la seule condition d'en avaler la peau.

Sur le mur, un facétieux lettré, sans doute après l'absorption de quelques tasses de vin "à l'ombre des bambous”, a tracé les quatre lignes suivantes qui renferment un calembourg. Celui-ci roule sur ce que le nom de la guitare et celui de l'Eriobotrya japonica se prononcent à peu près de même p'i-pa encore qu'ils s'écrivent différemment.

枇杷不是這琵琶 若是琵琶能結

只為當年識字差 滿城簫鼓盡開花

"Le P'i-pa (l'eriobotrya japonica) n'est pas la même chose que le p'i-pa (guitare): ce n'est qu'un lapsus commis jadis par quelqu'un qui a confondu les caractères. Si le p'i-pa (guitare) pouvait avoir des fruits, les flageolets et les tambours se couvriraient de fleurs dans toute la ville."

En face du Tchoub-tcheng yuan, mais de l'autre côté du canal, est leche-tseu-lin, Forêt du Lion, jardin qui

1. Notons en passant que les chinois appellent ce genre de portes Ayué-léang meun, porte en forme de lune.

mérite d'être visité. Sous la dynastie mongole il y avait sur son emplacement un petit temple où un bonze célèbre de la province enseignait la Loi ( Fa-dharma) aux fidèles. L'Empereur K'ang-hi, dans ses excursions dans le sud de la Chine, le visita plusieurs fois. Sous le règne de K'ien-loung, il fut acheté par un fonctionnaire qui en fit un jardin de plaisir avec kiosques, lacs, pierres fantastiques. Il s'y trouvait cinq vieux pins, d'où le nom vulgaire donné à ce jardin: le jardin des cinq pins (Hou-soung-yuan).

En suivant la rue parallèle au canal nous arrivons au

Tien-héou-koung, Palais de la Reine du Ciel. La Reine du Ciel, ou, comme l'appellent encore les Chinois, la Mère céleste aux bons présages, est la divinité bouddhique Moli-tchê tienpou-sá, c'est à dire le Bodhisatva Maritchi déva. Dans la mythologie indienne, c'est la personnification de la lumière. La statue de la déesse est placée sous verre: c'est une grande femme ayant huit bras, dont deux tiennent en l'air les emblèmes du soleil et de la lune. De chaque côté sont des statues à l'air effroyable, peintes de vives couleurs, qui semblent servir de garde d'honneur à la déesse. Devant l'autel que la statue surmonte, trois brûle-parfums en bronze ancien. Tout auprès, comme les marchands de cierges dans nos églises, se tient un marchand de chandelles parfumées, de petits bâtons en écorce d'erable broyée et de bateaux de papier argenté qu'on a coutume de brûler en l'honneur de la divinité. A un quart d'heure de là, nous débouchons sur la place du

Pei-sseu-t'a, Pagode du temple septentrional. Cette pagode, l'une des plus belles qui existent en Chine, a neuf étages; chose curieuse! elle est encore presque intacte, elle semble avoir été respectée par les rebelles et les impériaux qui d'ordinaire faisaient bon marché de semblables monumens. Par contre, le grand temple et la bonzerie ont fort souffert du

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