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LYCORNE. Nous étions d'abord tentés de regarder la Lycorne comme un animal fabuleux, mais le témoignage du célebre Picard qui nous affure que c'eft un poiffon qui fe trouve dans la mer du nord, doit au moins nous faire fufpendre notre jugement. Voici comment il parle dans la relation de fon voyage d'Uranibourg, fameux obfervatoire que fit bâtir le grand Aftronome Tycho-Brahé, dans l'Ile de Huene, fituée au détroit du Sond à l'entrée de la mer Baltique, & diftante de Copenhague d'environ 6 lieues communes de France: (Je ferois une trop longue digreffion, fi je voulois raconter toutes les curiofités que je vis tant dans le cabinet du Roi de Danemarck, qu'ailleurs; mais je ne puis omettre qu'à Rofembourg, qui eft un château aux jardins de Sa Majefté, il y a un trône fait entierement de ces fortes de cornes que l'on dit communément être de lycorne, & dont il y en a une dans le tréfor de S. Denys en France; la vérité eft que c'eft la corne d'un poiffon qui fe trouve dans la mer du nord.) Nous allons expofer dans les conféquences fuivantes notre fentiment fur cet ani al.

Premiere conféquence. La Lyco e n'eft pas un animal qui fe trouve feulement dans l'Afrique, comme l'ont écrit quelques Auteurs.

Seconde conféquence. La Lycorne n'eft pas un animal craintif, qui vive dans les bois, comme l'ont penfé quelques Hiftoriens.

Troifieme conféquence. L'hiftoire d'André Thevet, qui affure que le Roi de Monomotapa le mena à la chaffe de la Lycorne, eft une fable.

Quatrieme conféquence. Il peut fe faire que la Lycorne ait une corne blanche au milieu du front, ainfi que l'ont af furé quelques naturaliftes.

Cinquieme conféquence. Il n'eft pas probable que la Lycorne foit un animal amphibie, comme le prétendent Munster & Thevet.

Sixieme conféquence. Il eft encore moins probable que la Lycorne reffemble à quelqu'un des huit animaux que nous allons nommer, le Poulain, le Cheval, l'Ane, le Cerf, le Bouc, l'Eléphant, le Rhinocéros, le Lévrier.

Septieme conféquence. Il peut fe faire que la force de la Lycorne confifte dans fa corne; il peut encore fe faire qu'elle lui ferve d'arme & de défenfe pour attaquer les

plus gros poiffons. Ce sentiment n'a rien de contraire à la vraisemblance; il n'en eft pas ainfi de celui des Hiftoriens qui affurent que quand la Lycorne eft poursuivie par des chaffeurs, elle fe précipite du haut des rochers & tombe fur fa corne qui foutient tout l'effort de fa chute, en forte qu'elle ne fe fait point de mal.

Huitieme conféquence. La Peyrere peut avoir raifon, lorfqu'il affure dans fa relation de Groenland que la corne de la Lycorne eft une dent d'un gros poiffon nommé par les uns Narwal, & par les autres Rohart, qui fe trouve dans la mer glaciale.

Neuvieme conféquence. S'il y a des Lycornes de différente groffeur, il peut fe faire que le monftre dont parle Paul-Louis Sachius fut une groffe Lycorne: ce monftre qu'on pêche fur les côtes du Groenland, n'a qu'une feule. dent; elle eft faite en forme de corne; elle a 9 pouces de long; & elle eft à fa mâchoire supérieure.

Dixieme conféquence. La corne de la Lycorne n'a aucune des vertus que les anciens Médecins lui attribuoient.

Onzieme conféquence. Il ne paroît pas probable que jamais la corne de la Lycorne fe foit vendue 1536 écus la livre, comme le rapporte André Racci, médecin de Florence.

Douzieme conféquence. L'hiftoire de la Lycorne eft encore très-incertaine : l'on peut cependant être très-fenfé, & ne pas regarder la Lycorne comme un animal fabuleux quoi qu'en difent les Auteurs du Dictionnaire univerfel qui nous ont fourni toutes les particularités que l'on trouve parfemées dans les 12 conféquences que nous avons tirées de la relation du voyage de M. Picard à Usanibourg.

LYMPHATIQUE. Les Latins appellent lymphatici, les perfonnes furieufes & extravagantes; il me paroît que ce nom convient auffi-bien aux perfonnes qui ont le malheur d'être mordues par un chien enragé. L'expérience nous apprend que ces miférables ont avec une foif étrange une averfion infurmontable pour l'eau ; M. Aftruc, céfebre Médecin, remarque à cette occafion 1°. que la rage eft une falive envenimée, compofée de parties fubtiles, folides, ignées, falines, tranchantes & corrofives.

2°. Que les chiens font plus fujets à ce mal que bien d'autres animaux, parce qu'ils ne fuent prefque jamais.

Leur fang, faute de fueur, fe charge de particules groffieres & hétérogenes qui infectent leur falive, & leur caufent la rage.

3°. Que lorfqu'on eft mordu par un chien enragé, la falive empoisonnée de l'animal s'écoule dans le fang, & lui communique fon poifon. Nous lifons dans le journal des Savans qu'une femme ayant eu le bord de fa robe déchirée par un chien enrangé, la recoufut; elle ne fit que rompre le fil avec fes dents, & elle devint enragée.. 4. Que l'eau agire les fels venimeux dont la gorge l'ofophage & l'eftomac du malade font imprégnés ; c'est pour cela fans doute que ces fortes de perfonnes ont une fi grande averfion pour l'eau.

5°. Que les bains réitérés dans l'eau de la mer font un remede des plus efficaces à cette maladie. Pourquoi ? Parce que ces fortes de bains caufent des évacuations qui emportent le poifon. On dit qu'un Phyficien fentant un accès de rage, fe fit violence; & que s'étant plongé tout-à-coup dans l'eau, il en but tant qu'il en fut guéri; l'eau fans doute émouffa & emporta les particules venimeufes qui s'étoient mêlées avec fon fang. Mais en voilà affez fur cet article quelqu'un pourroit nous accufer d'avoir porté notre faulx dans la moiffon d'autrui.

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LYMPHE. La lymphe eft une humeur fluide qui fe fépare de la maffe du fang, & qui eft enfermée dans des vaiffeaux particuliers. Telle eft la description que fait de la lymphe l'Auteur du Dictionnaire de Médecine d'où nous avons tiré tout ce que nous allons dire dans cet article. Le même Auteur raconte que le Docteur Keil fit l'analyse chimique de la lymphe, & qu'il la trouva compofée de beaucoup de fel volatil, de quelque peu de flegme & de foufre, & d'une petite quantité de terre. Il paroît démontré que la lymphe fert principalement à délayer, & à perfectionner le chyle, avant qu'il fe mêle avec la maffe du fang, puifqu'elle fe rend de toutes les parties du corps dans le réfervoir du chyle. Les Médecins prétendent que toute la lymphe qui fe fépare du fang eft néceffaire pour cet ufage. Examinons maintenant comment fe fait cette féparation.

Glandes lymphatiques. C'eft par le moyen des glandes lymphatiques, placées dans prefque toutes les parties du corps, que la lymphe se fépare de la maffe du fang. On les

nomme cervicales, thorachiques, ftomachiques, mésenteriques, &c. fuivant qu'elles font placées dans la tête dans la poitrine, dans l'eftomac ou dans le méfentere. Nous ne croyons plus avec les Anciens que la lymphe se sépare du fang par le moyen de quelque ferment qui fe trouve renfermé dans les glandes lymphatiques; nous penfons plutôt avec le commun des modernes que ces glandes ont une ouverture tellement configurée, que les feules molécules dont la lymphe eft composée peuvent y paffer.

Vaiffeaux lymphatiques. Tous les conduits qui fervent à tranfporter la lymphe de toutes les parties du corps dans le réservoir du chyle, s'appellent lymphatiques. On pour roit donc les nommer cervicaux, lorfqu'ils font dans la tête; thorachiques, lorfqu'ils fe trouvent dans la poitrine; ftomachiques, lorfqu'ils font placés dans l'eftomac; méfentériques, lorfqu'ils font dans le méfentere, &c. Quoi qu'il en foit de ces fortes de dénominations, il eft für 1°. que la plupart de ces vaiffeaux fe trouvent entre deux glandes lymphatiques.

Il eft für 2°. qu'il y a beaucoup de vaiffeaux lymphatiques fur la peau & fur le blanc de l'œil.

Il eft für 3°. que les modernes ont trouvé beaucoup de ces vaiffeaux dans des vifceres où ils n'ont encore pu découvrir aucune glande lymphatique.

LYNX, Les Naturalistes ont dit du lynx tant de choses merveilleuses, qu'il convient de diftinguer dans un Dictionnaire de Phyfique ce qu'il y a de vrai d'avec ce qu'il y a de romanefque dans leur narration. Il paroît d'abord que le lynx n'eft pas un animal fabuleux, comme l'ont prétendu quelques Phyficieus; c'eft le loup cervier des anciens. Ce nom ne lui vient pas de la reffemblance qu'il a avec le loup, & avec le cerf; il n'en a aucune ou prefque aucune; il lui vient fans doute de l'acharnement avec lequel il pourfuit le dernier de ces deux animaux ; nos loups ordinaires n'en ont pas autant dans la pourfuite des moutons. Le lynx dont nous trouvons la description anatomique dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, tom, 3, part. I, pag. 127, avoit environ 4 pieds de longueur & de hauteur. Sa couleur étoit fur le dos d'un roux marqué de taches noires, & fous le ventre d'un gris cendré marqué auffi de taches noires, Ses pattes de devant

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avoient doigts, & celles de derriere 4; les uns & les autres étoient armés d'ongles crochus & pointus comme des lions, les ours, les tigres. Son mufeau ressembloit à celui du chat, il en étoit de même de fon eftomac, & il en auroit été de même de fes oreilles, s'il n'y avoit pas eu au haut de chacune une houpe de poil fort noir. Il avoit 26 dents, 4 canines 2 à la mâchoire d'en haut longues de huit lignes, & 2 à la mâchoire d'en bas longues de fix; 12 incifives, les fix de la mâchoire d'en haut étoient plus longues que les fix de la mâchoire d'en bas; 10 molaires, 4 à la mâchoire d'en haut, & 6 à la mâchoire d'en bas. Sa langue longue de quatre pouces & demi, & large d'un pouce & demi, reffembloit à celle du lion. L'intérieur de fa tête n'auroit rien eu de remarquable, si sa glande pineale avoit été un peu plus groffe. Son poumon avoit 7 lobes; fon cœur avoit deux pouces & demi de long fur deux de large. Sa rate tiroit fur le rouge; elle avoit 7 pouces de longueur fur un d'épaiffeur. Son foie avoit 7 lobes longs & étroits; le plus long avoit cinq pouces de longueur & deux & demi de largeur fur la bafe. La véficule du fiel, large d'un demi pouce, en avoit deux de longueur. Ses inteftins étoient fort courts, ils n'avoient tous ensemble que 9 pieds & demi de long. Ses reins avoient deux pouces de longueur fur un de largeur. Enfin le globe de fon œil dont la defcription nous intéreffe infiniment, avoit un pouce de diametre. L'humeur aqueufe étoit fort abondante. Son cristallin avoit fept lignes de diametre & cinq d'épaiffeur, dont trois faifoient la convexité antérieure & deux la poftérieure. L'humeur vitrée étoit fort claire & fort transparente. Enfin fon nerf optique avoit en fon milieu un point rouge tirant fur le noir.

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Telles font les principales particularités que l'on trouve dans l'hiftoire du Lynx. S'il eft vrai que cet animal ait la vue plus fubtile que les autres cette fubtilité lui vient fans doute de l'homogénéité qui regne dans les humeurs de ses yeux, de la flexibilité de ses ligamens ciliaires, & de la fenfibilité de fa rétine. Les conféquences que nous allons tirer de tout ce que nous avons dit jusques ici, découvriront quel est notre vrai fentiment fur cette matiere.

Premiere conféquence. Le Lynx n'eft pas un animal ima ginaire, comme le penfent quelques Modernes.

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