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ECCLESIASTIQUE,

Claude

the Abbe

Par M. FLEURT, Prêtre, Prieur d'Argenteuil,
& Confeffeur du Roy.

TOME VINGTIÉME.
Depuis l'An 1339. jusqu'à l'An 1414.

5. A PARIS.

P. G. LE MERCIER, rue S. Jacques, au Livre d'Or.
DESAINT & SAILLANT, rue S. Jean de Beauvais.

Chez JEAN-THOMAS HERISSANT, ruë S. Jacques, à S. Paul, & à S. Hilaire,
DURAND, rue S. Jacques, au Griffon.

LE PRIEUR, ruë S. Jacques, à la Croix d'Or.

M. DCC. L.

Avec Approbations & Privilege du Roy.

HUITIÉME DISCOURS

SUR

L'HISTOIRE ECCLESIASTIQUE.

A

RELIGIEUX.

YANT parlé dans tout le cours de cette hiftoire de l'ori

I.

gine & du progrès de la vie religieufe, felon que les occa- Origine des re-
tions s'en font préfentées; j'ai cru devoir raffembler en un ligieux.
difcours mes réflexions fur ce grand fujet, & je l'ai placé Moines d'Egyp
au quatorziéme fiecle, où cette fainte inftitution étoit en

fa plus grande décadence..

Quiconque connoît l'efprit de l'évangile ne peut douter que la profef

fion religieufe ne foit d'inftitution divine, puifqu'elle confifte effentiel

te.

lement à pratiquer deux confeils de JESUS-CHRIST, en renonçant au ma- Matth. XIX. 11. riage & aux biens temporels, & embraffant la continence parfaite, & la 21.

pauvreté. C'eft ce que nous voyons executé par S. Antoine, S. Pacôme & les autres moines d'Egypte reconnus par l'antiquité pour les plus parfaits de tous ; & qui par conféquent doivent fervir de modéles dans tous les fiecles à ceux qui voudront ramener la perfection religieufe..

Outre les vies particulieres d'un grand nombre de ces Saints, nous avons dans les œuvres de Caffien, fur-tout dans fes inftitutions, une defcription exacte de leur maniere de vie, que j'ai rapportée dans l'hiftoire, & qui Hift. liv. xx. n. renferme quatre principaux articles: la folitude, le travail, le jeûne & la priere. Leur folitude, d'où leur vint le nom de Moines, ne confiftoit pas feulement à fe féparer des autres hommes, & renoncer à leur focieté, mais à s'éloigner des lieux fréquentez, & habiter des deferts. Or ces de

a ÿj

3.4.

&c.

Hift. liv. xxvI. n. 22. to. conc.

609.

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Hift. liv. xIx. n. 25.

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ferts n'étoient pas, comme plufieurs s'imaginent, de vaftes forêts, ou d'autres terres abandonnées que l'on pût défricher & cultiver ; c'étoit des lieux non-feulement inhabitez, mais inhabitables: des plaines immenfes de fables arides, des montagnes fteriles, des rochers & des pierres. Ils s'arrêtoient aux endroits où ils trouvoient de l'eau, & y bâtiffoient leurs cellules de rofeaux, ou d'autres matieres legeres; & pour y arriver il falloit fouvent faire plufieurs journées de chemin dans le defert. Là perfonne ne difputoit le terrain; il ne falloit demander à perfonne la permiffion de s'y établir; & ce ne fut que long-temps après, lorsque les moines fe furent approchez jufques dans les villes, que le Concile de Calcedoine défendit de bâtir aucun monaftere fans le confentement de l'évêque.

Le travail des mains étoit regardé comme effentiel à la vie monaftique; & ce fut principalement l'averfion du travail qui fit condamner les heretiques Maffaliens. Les vrais Chrétiens confideroient que dès l'état d'innoGen. II. 15. III. cence Dieu avoit mis l'homme dans le paradis terreftre pour y travailler; & qu'après fon peché il lui donna pour penitence de cultiver la terre, & gagner fon pain à la fueur de fon visage: que les plus grands Saints de l'ancien teftament avoient été paltres & laboureurs: enfin que JESUSCHRIST même avoit paffé la moitié de fa vie mortelle à un métier férieux & pénible. Car on ne voit pas que depuis l'âge de douze ans jufqu'à celui de trente, il ait fait autre chofe que travailler avec faint Jofeph : d'où vient qu'on le nommoit non-feulement fils de charpentier, mais charpentier lui-même. Ainfi il nous a montré, par fon exemple, que la vocation generale de tout le genre humain eft de travailler en filence, à moins que Dieu ne nous appelle à quelque fonction publique pour le fervice du prochain.

Mare VI. 3.

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Le travail de ces premiers moines tendoit principalement à deux fins d'éviter l'oifiveté & l'ennui inféparables de la folitude, & de gagner de quoi vivre fans être à charge à perfonne. Car ils prenoient à la lettre cet2. Theff. I. 10. te parole de faint Paul: Si quelqu'un ne veut point travailler, qu'il ne mange point non plus, Ils n'y cherchoient ni glofe ni explication. Mais ils choififfoient des travaux faciles & compatibles avec la tranquillité d'efprit, comme de faire des nattes & des corbeilles, qui étoient les ouvrages des Hift. liv. XVII. 3. moines Egyptiens. Les Syriens, felon faint Ephrem, faifoient auffi de la Ephr. paran. 47. corde, du papier ou de la toile. Quelques-uns même ne dédaignoient pas de tourner la meule, comme les plus miferables efclaves. Ceux qui avoient quelques pieces de terre les cultivoient eux-mêmes: mais ils aimoient mieux les métiers que les biens en fonds, qui demandent des foins pour les faire valoir, & attirent des querelles & des procès.

Hift. liv. xx.n.8.
Caff. coll. xxi.

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Je reviens aux Egyptiens, les plus parfaits de tous, & les mieux connus, par les relations de Caffien. Ils jeûnoient toute l'année, hors les Dic. manches & le temps Pascal; & foit qu'ils jeûnaffent ou non, toute leur nourriture étoit du pain & de l'eau, à quoi ils s'étoient fixés après de longues experiences. Ils avoient auffi reglé la quantité de pain à une livre Romaine par jour, c'est-à-dire, douze onces, qu'ils mangeoient en deux petits repas, l'un à none, l'autre au foir. La difference des jours qui n'é

toient pas jeûnes, n'étoit que d'avancer le premier repas jufqu'à midi, fans rien ajoûter à leur pain, mais ils vouloient que l'on prit chaque jour

de la nourriture.

C'étoit-là toute leur aufterité: ils ne portoient ni cilices, ni chaînes, ou carcans de fer, comme faifoient quelques moines Syriens; car pour les disciplines ou flagellations il n'en étoit pas encore fait mention. L'aufterité des Egyptiens confiftoit dans la perfeverance conftante en une vie parfaitement uniforme; ce qui eft plus dur à la nature que l'alternative des penitences les plus rudes, avec quelque relâchement, à proportion comme à la guerre, le foldat fouffre toutes fortes de fatigues, dans l'efperance d'un jour de repos & de plaifir.

La priere des moines Egyptiens étoit reglée avec la même fageffe. Ils ne s'affembloient pour prier en commun que deux fois en vingt-quatre heures, le foir & la nuit ; à chaque fois ils recitoient douze pleaumes, inferant une oraison après chacun; & ajoûtant à la fin deux leçons de l'Ecriture. Douze freres, tour à tour, chantoient chacun un Pleaume étant debout au milieu de l'affemblée ; & tous les autres écoutoient affis, gardant un profond filence, fans fe fatiguer la poitrine ni le refte du corps, ce que ne permettoit pas leur jeune ni leur travail continuels: pour appeller à la priere, une corne de bœuf leur tenoit lieu de cloche, & fuffifoit dans le filence de leurs vaftes folitudes; & les étoiles que l'on voit toujours en Egypte leur fervoient d'horloge; le tout conformement à leur pauvreté. Le refte du jour ils prioient dans leurs cellules en travaillant: Lib. 11. c. 14. ayant reconnu que rien n'eft plus propre à fixer les pensées & empêcher les diftractions que d'être toujours occupez: c'eft ainfi qu'ils tendoient à

Hift. liv. xv. n.

1. ep. 79.

la pureté de cœur, dont la récompenfe fera de voir Dieu. Leur devotion Matth. v.8. étoit de même goût, fi je l'ofe dire, que les pyramides & les autres ouvrages des anciens Egyptiens, c'est-à-dire, grande, fimple & folide. Tels étoient ces moines fi eftimez des plus grands Saints: de faint Bafile qui entreprit de fi longs voyages pour les connoître par lui-même, & qui dit, que vivans comme dans une chair étrangere, ils montroient par les effets ce que c'est que d'être voyageurs ici-bas, & citoyens du ciel. Vous avez vû combien faint Jean Chryfoftôme les mettoit au-deffus des philofophes payens; & comme il prit leur défenfe contre ceux qui blâmoient leur inftitut, par les trois livres qu'il compofa fur ce fujet. S. Auguftini fait leur éloge en divers endroits de fes ouvrages, particulierement dans le Traité des Mœurs de l'églife Catholique, où il défie les Manichéens de lui contester les merveilles qu'il en dit.

La vie monaftique s'étendit bien-tôt par toute la chrétienté; & le nombre des moines étoit fi grand, que dans l'Egypte feule, où ils étoient fi parfaits, on en comptoit dès la fin du quatrième fiecle plus de foixantefeize mille, fans ceux dont nous n'avons pas le dénombrement. La regle de faint Benoît écrite vers l'an 530. nous fait voir diftinctement l'état de la vie monaftique en occident; & il eft remarquable que ce grand faint ne la donne pas comme un modèle de perfection, mais feulement comme un petit commencement, bien éloigné de la perfection des ficcles précedens.

4.

Hift. liv. xix. n.

n. 8.

n. 17.
De mor. ecclef.

c. 31.

II.

Regle de S. Be

noît. Chanoines.

Hift. liv. XXXII.

n. 14.

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