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pagne. Plufieurs perfonnes y eurent part: Jacques Gillot, Confeiller clerc JEAN au Parlement de Paris; Pierre le Roi, PASSERAT. Chanoine de Rouen & Chapelain du Cardinal de Bourbon; Nicolas Rapin, Prevôt de la Connétablie, & Pafferat. Les deux premiers firent la profe, & le fecond fit le deffein de l'ouvrage & le commença, comme l'affure M. de Thou. Les deux autres, felon MM. Hift. liv. 95. du Puy & le Duchat, dans leurs notes fur cet ouvrage, firent les vers. Il faut cependant en excepter la Lamentation fur le trefpas de l'afne Ligueur, qui eft du fieur Durant de la Bergerie. On affure auffi que Florent Chreftien & Pierre Pithou ont travaillé aux Harangues.

Lorfque l'afferat recommença fes leçons en 1594. on y accourut en foule, comme on avoit fait auparavant. Il avoit chaque année ouvert ces leçons par une harangue, il fuivit la même méthode depuis qu'il fut rentré en exercice Nous avons vingt-neuf de ces harangues, où l'on voit qu'il avoit expliqué plufieurs Comédies de Plaute; quelques harangues & autres livres de Ciceron, Sallufte, le Difcours de Caton fur la loi Oppienne, l'Epithalame de

JEAN

PASSERAT.

Catulle, la Confolation qui porte le nom d'Ovide à Livie, le jugement des armes d'Achille dans Ovide, Properce, Tibulle, les Bucoliques de Virgile, &c. Quoiqu'il eût perdu un œil en jouant à la paume, fans doute dans fa jeunesfe, il n'en fit pas moins de vaftes lectures. Comme il étoit d'un tempérament affez robufte, il étoit prefque infatigable au travail. : il. le commençoit dès le matin, & très-fouvent il le continuoit jufques bien avant dans la nuit. C'étoit le pouffer trop loin. Il en fut enfin la victime. En 1597. une attaque de paralyfie lui fit perdre l'ufage de la moitié du corps, & le rendit aveugle. Sa tête demeura libre d'abord, & peu après elle s'affoiblit. Il fut cinq ans dans cet état, & mourut le 14 de Septembre 1602. âgé de 68 ans. JeanJacques de Mefme lui fit ériger un monument avec une courte épitaphe dans l'Eglife des Dominicains de la rue faint Jacques, où il eft inhumé.

Pafferat s'étoit fait lui - même plufieurs Epitaphes badines, qu'on peut lire dans le recueil de fes Pocfies, ou on lit auffi celles qui ont été compofées à fon honneur par Philippe Defportes, Mathurin Regnier, Nancel,

JEAN

Bayf, Jean le Blanc, le fieur de Rougevalet, & plufieurs autres. On y a omis celle-cr, qui eft de Jean Bertaut, PASSERAT Evêque de Sées.

S'il s'eft fait un trifte naufrage

D'un des ornemens de notre âge,
Quand PASSERAT nous a laiffeź,
Et s'il faut que tout le foupire
Il n'eft pas besoin de le dire,
Ses efcrits le difent affez.

S'il eft vrai qu'un Auteur fe peigne ordinairement dans fes ouvrages, nous devons juger par ceux de Pafferat qu'il avoit l'efprit délicat, l'imagination heureuse, l'humeur gaie & facile, & qu'il fe plaifoit quelquefois à badiner. Son ftyle, en françois, eft plein d'enjouement; pour le latin, il eft fi bien formé fur celui des Anciens, quoique fans affectation & fans contrainte, que très peu d'Ecrivains de fon fiécle les ont fi heureufement imités. Quoiqu'il fafle fouvent allufion à l'antiquité, & à cent endroits des auteurs anciens qu'il avoit lus & médités, fon difcours n'eft point campofé de lambeaux tirés de leurs ouvrages, ni de penfées qu'il leur ait dérobées; ou du moins il s'eft rendu propres celles-ci,

P. 270.

par

la maniére de les exprimer. Quant

G

JEAN au caractère de fon caur & à fes PASSERAT mœurs, on ne peut pas en juger fi bien par fes ouvrages; mais on n'a pas fujet d'en penfer mal. Quelque badinage & quelques vers françois de galanterie, quoique toujours répréhenfibles, ne fuffifent pas pour décider contre la pureté de fes mœurs & de fa conduite. Il a toujours fait profeffion de la Religion Catholique; & il étoit bon François, ført ennemi de la Ligue & de fes partifans. Quoique critique de profeffion & par goût, on ne voit -pas qu'il ait repris en termes choquans & méprifans les fautes qu'il remarquoit dans les écrits qu'il fe croyoit d'ailleurs obligé de contredire. Il avoit lu avec réfléxion les livres des Orateurs, des Hiftoriens & des Poëtes, & n'ignoroit rien de tout ce qu'un Profeffeur en Eloquence doit favoir. Ses ouvrages en font foi ; & c'eft fans ombre de raifon que dans les Scali gerana fecunda, on fait dire à Scaliger que Pafferat étoit ignorant. Mon plan n'eft pas de vous parler de ces différens écrits de Pafferat; je me bor ne à fes poëfjes françoises.

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Le Geur Jean de Rougevalet, fon

parent, les recueillir après la mort de l'auteur, & les publia en 1606. avec les poëfies latines du même. Cette collection eft dédiée à M. de Rofny c'est-à-dire, à Maximilien de Béthune, Duc de Sully, Pair de France, Marquis de Rofny, &c. On a mis au devant le portrait de Pafferat, gravé à l'âge de foixante-quatre ans. Ce portrait ne le représente pas en beau. Il avoit les yeux très-petits, & il lui en manquoit un, comme je l'ai dit; il avoit le nez gros, & étoit fort rouge de visage. Mais ne nous arrêtons pas à fa figure; confidérons un moment fon efprit dans fes poëfies françoises.

Celles de ce tems-là (vous en avez déja vu bien des exemples) étoient pleines de mots inventés par les Poëtes mêmes, en dépit du bon goût & du génie de notre langue; elles étoient remplies de tranfpofitions de mots de conftructions dures & forcées d'hiatus, ou concours de voyelles qui ne s'élidoient point; fouvent même on péchoit contre le mélange des rimes masculines & féminines. Pafferat a connu ces défauts; & s'il n'en eft pas exemt, il en eft beaucoup moins infecté que les autres Poëtes du même

JEAN PASSERAT

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