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JEAN

tems. Il obferve la différence des ti mes, il eft plus françois dans fon ftyle,

PASSERAT. il eft plus naturel; mais il n'a pas eu foin d'éviter les hiatus, qui choquent aujourd'hui nos oreilles.

pour

On voit dans fon recueil toutes fortes de Poesies, Poëmes, Elégies, Sonnets, Chanfons, Odes, Epigrammes, Epitaphes, &c. Il y a très fouvent d'heureux tours & de beaux vers; le plaifant comme le férieux y eft quelquefois bien manié ; & peut-être ne falloit-il à Pafferat réuffir parfaitement, que d'être né cent ans plus tard. Je ne vous rapporterai qu'une de fes Epigrammes; le naïf qui y regne me l'a fait choisir entre plufieurs autres, qu'on ne lit pourtant pas avec moins de plaifir. Celle-ci eft adreffée à M. de Souci, Tréforier de l'Epargne. Pafferat lui demande ainfi une refcription :

Mes vers, Monfieur, c'eft peu de chofe
Et, Dieu merci, je le sçai bien :
Mais vous ferez beaucoup de rien •
Si les changez en votre profe.

Je vous ai dé a parlé de fon poëme fur
les Chiens de chaffe : c'eft la premiére
piéce de fa Collection. Le Cerf d’A-
mour, dédié à Madame, four unique

du Roi, eft la feconde. C'eft un paralléle entre le Cerf que des Chaffeurs poursuivent, & l'Amour dont le Poëte feignoit de fentir les incurfions. La troifiéme & les deux fuivantes, ont encore le même objet. La fixiéme eft la Métamorphofe d'un homme en un oifeau qu'on nomme Coucou, ou un vieillard qui avoit épousé une jeune femme,

Qu'il aima trop, fi l'on peut trop aimer,

& n'en éprouva pas moins l'infidélité,

Sans dire adieu au bonhomme endormi,
A fon réveil, il fe trouve fans elle,
Saute du lit, fes valets il appelle,

Puis fes voifins, leur conte fon malheur,
S'écrie au feu, au meurtre & au voleur.
Chacun y court: la nouvelle entendue
Que ce n'étoit qu'une femme perdue,
Quelque gauffeur, de tire s'éclattant,

Va dire: O Dieux, qu'il m'en avienne autant!

Il décrit enfuite fon défefpoir, & com-
ment il demandoit à tout le monde où
fa femme étoit allée, de forte que
n'en apprenant aucunes nouvelles, il
fe retire dans les bois, & y eft changé
en oiseau, qui au printems demande la
même chose;

Parle aux paffans, & ne peut dire qu'où ?
Rien que ce mot ne retient le Coucou

JEAN PASSERAT

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JEAN PASSERAT.

D'humain parler; mais par œuvres il montré.
Qu'onc en oubli ne mit fa'mal-encontre, &c.

Il y a plus d'un endroit dans cette
Métamorphofe qui paffe la badinerie.
Elle est suivie de douze Elégies, prefque
toutes encore fur l'Amour; du Frefne,
de l'Espérance, & de la Divinité des
procès. Comme ce dernier titre eft
fingulier, il faut l'expliquer. Pafferat
donne la divinité aux procès, pour
deux raisons : la premiére, parce qu'il
en revient de grands profits aux Avo-
cats, Procureurs, Solliciteurs, & fou-
vent aux Juges la feconde, parce
qu'ils ne finiffent point, ou du moins
qu'ils durent très-longtems. L'Auteur
fit ce Poëme à l'occafion d'un procès
qu'il avoit lui-même :

Aux Dieux, francs de la mort, on dreffe des Autels,

dit-il,

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Qu'on en dreffe aux procès puifqu'ils font immortels.
Mon Procureur Guillor en fçauroit bien que dire
Qui mon procès jugé tire encore & retire
Et depuis feize fois m'a tant villonifé >

* C'eft-à- Que je le tiens déja pour immortalisé. dire, fripon

né.

Ce petit Poëme finit par un Sonnet qui contient un paralléle fort mordanţ

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entre la femme & le procès. Le voici:

JEAN

La femme & le procès font deux chofes femblables: PASSERAT
L'une parle toujours, l'autre n'eft fans propos :
L'une aime à tracaffer, l'autre hait le repos :
Tous deux font déguisés, tous deux impitoyables.
Tous deux par beaux présens se rendent favorables:
Tous deux les fupplians rongent jusques à l'os :
L'une eft un profond gouffre, & l'autre est un cahos
Où s'embrouillent l'efprit des hommes misérables.

Tous deux fans rien donner, prennent à toutes mains
Tous deux en peu de tems rüinent les humains:
L'une attize le feu, l'autre allume les flammes:
L'une aime le débat, & l'autre les difcords :
Si Dieu doncques vouloit faire de beaux accords
11 faudroit qu'aux procès il mariât les femmes.

On fent bien qu'il ne faut pas prendre
ce parallèle à la lettre.

:

Les Piéces fuivantes font, Elégie fur un Anneau; autre Elégie à M. Pinart, Secrétaire d'Etat ; deux Odes en vers mefurés à la façon des Grecs & Latins; Invective contre Phabus & les Mufes elle avoit déja paru en 1559. fous le titre d'Adieu à Phabus & aux Mufes, avec une Ode à Bacchus. C'est en effet un congé que le Poëte prend, ou feint de prendre, du Parnaffe. Il s'y montre fort mécontent des neuf Sœurs, fe plaint de leur ingratitude, & pouffe l'impoliteffe jufqu'à les

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PASSERAT.

injurier. Je crois certainement,

dit-il,

JEAN que ceux qui ont la hardieffe de marcher fous les étendarts d'Apollon & de fa fuite, n'ont pas plus de fentiment qu'un rocher;

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Comme moi insensé, qui guidé de jeunesse
Ayant peu de fouci, d'honneur & de richeffe,
Les Mufes ay fuivi, & leur meftier appris,
Mestier fans nul profit, trompeur des bons efprits.

L'Hymne de la Paix, faite en 1562.
& imprimée l'année fuivante avec un
Commentaire, indique fuffifamment
fon objet. Je laiffe là diverses Elégies
où l'on n'apprend rien que la recon-
noiffance du Poëte pour M. de Rofny,
& quelques autres perfonnes à qui il
avoit de l'obligation; une Eclogue
amoureufe, une Elégie fur l'Entrée
d'Henri III. dans la ville de Lyon ;
plufieurs Odes, Chanfons, Sonnets &
autres petites Piéces', qui n'intéreffent
plus. Dans un des Sonnets, il parle de
fon féjour en Berry, & dans un autre
d'un voyage qu'il avoit fait en Italie.
Je ne fçai en quel tems placer ce voya-
ge.
Les Hiftoriens de la vie de Pafferat
n'en ont point parlé; cependant peut-
on entendre autrement ce Sonnet
qu'on lit à la page 3316

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