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Retournant d'Italie au bel air de la France,
Quelquefois à part moi je discourois ainsi :
J'y trouverai la paix, & mon repos auffi,
Et verrai tout fleurir en bonne intelligence.
Le paffé me donnoit du futur affeurance,
Que je voy maintenant fe tourner en foucy :
Pour moy ny mon païs la paix n'est point icy :
Le vent emporte en l'air cette belle espérance.
Mars devenu jaloux de mes jeunes vertus
Sufcite les mutins que j'avois abbattus
Fait ravager les champs & révolter les villes.
Amour vient d'autre part qui me trouble le fens :
Se doit-on efbahir fi tant de mal je sens,
Eftant ainfi furpris de deux guerres civiles?

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Ces traverses qui venoient quelquefois troubler la tranquillité dePafferat, alloient en certains momens jufqu'à le dégouter, & lui faire regretter de n'avoir pas embraffé un autre genre de vie. C'est du moins ce qu'il dit dans une Plainte, où après avoir comparé l'amour de François I. pour les lettres avec l'efpece de mépris qu'on avoit pour elles lorsqu'il écrivoit, il ajoute:

Le Fublic a tiré quarante ans de fervice
De mes travaux paffés au poudreux exercice,
Où la vertu fe monftre, & s'apprend le favoir,
Las! je fuis envieilli fans récompense avoir.
Si tant j'euffe enseigné dans un pays estrange,
Je ferois plein de biens, & comblé de louange .

JEAN PASSERAT

JEAN PASSERAT.

Que ne me fit mon pere en autre escole apprendre
La science aux efcus, de compter & de prendre !
Riche & heureux je fuffe en ce fiécle doré,
Où l'or commande à tout, & feul eft adoré :
Je fuffe fain de corps, & n'euffe pas perdue
A l'eftude fans fruit ma jeuneffe & ma vue.

En me couchant bien tard, & me levant matin
J'appris, fot que j'étois, du Grec & du Latin,
Pour après enfeigner aux autres ces langages :
Dont rien ne me revient, finon un peu de gages,
A vecque le nom vain de quelque pension...
Que l'on rogne de forte, & retranche & recule,
Qu'elle ne fuffit pas à nourrir une mule.

Il fut une fois quinze mois fans être
payé de cette penfion', & il s'en plaint
dans un Sonnet à Henri IV. dont il
avoit célébré dans un autre Sonnet la
converfion arrivée le 25 Juillet 1593.

On trouve dans le même recueil de Pafferat une Elégie fur la mort du fçavant Adrien Turnebe, dont il invite Ronfard, Bayf, Muret, Buchanan Dorat, à pleurer avec lui la perte ; diverfes Epitaphes, dont une fort longue, où l'Admiral de Joyeuse fait luimême fon propre éloge; des Emblêmes, des Quatrains, des Devises, des Epigrammes, des Enigmes des Etrennes ou petites pièces en vers que le Poëte avoit envoyées chaque année

JEAN

depuis le premier de Janvier 1578. jus
qu'au même jour de l'année 159+ PASSERAT.
Enfin quelques Poefies pieufes, dans
l'une defquelles il fe confole assez
Chrétiennement d'avoir perdu la

vue.

PHILIPPE GIRARD.

Pafferat dans fes Poëfies latines a chanté le Rien (Nihil), & ce petit Poëme, bagatelle affez ingénieuse, a été imité & traduit en notre langue. Philippe GIRARD, Vendomois, le fit réimprimer en 1587. & y joignit par oppofition l'Eloge de Quelque chofe, qu'il avoit lui-même compofé. Dès le commencement, il rappelle lePoëme de Pafferat, & le loue. Mais j'aime mieux,, dit-il, confacrer mes chants à Quelque e chofe que de les prodiguer au Rien.C'est une Etrenne que je veux envoyer, & le Rien n'a point d'être,n'a point de fubfiftance. Ce fut en effet pour le commencement de l'année 1587. que Girard compofa fon Poëme qu'il deftina à M. de Guillon, Chevalier, Seigneur des Ellars, Confeiller du Roi, & Controlleur Général de fon Artillerie. Comme Pafferat s'étoit joué fur le mot

PHILIPPE GIRARD.

Rien, Girard fe joue de même fur les

PHILIPPE mots Quelque chofe :

GIRARD.

Quelque chofe peut tout. Si la Parque ennemie
A tranché le filet de voftre frefle vie,

Quelque chofe poura vous retirer du port
De la noire Junon, & furmonter la mort

,

&c.

Ces deux Poëmes, le Rien de Pafferat & le Quelque chofe de Girard, firent naître la même année 1587. un troifiéme Poëme à la louange du Tout fous ce titre : Tout, au Tout-puiffant. Je n'en connois point l'Auteur. Il ex pofe ainfi fon deffein :

Du Rien de Pafferat Quelque chofe nafquit ;
Pafferat pour un Rien un bien grand los acquist;
Et celui qui d'un Rien Quelque chofe a fait naître,
N'a pas tiré fans los un Eftre d'un non Eftre.
Demoy, je chante Tour. Au prix de Tout,qu'est Rien?
Si Rien & Quelque chofe ont mérité de vivre
Tout le lira partout, & vivra par mon livre, &c.

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Je crois cependant que l'Auteur eft refté ignoré; &, quoi qu'il en dife, il ne méritoit guéres un autre fort.

LA VALLETRYE.

Le fieur LA VALLETRYE eft pareil

LA VAL- lement demeuré dans fon obfcurité,

LETRYE.

du moins quant à fa perfonne. Touc ce qu'on peut foupçonner, c'eft qu'il étoit d'Angoulême; encore ce foupçon n'eft-il fondé que fur les éloges que plufieurs Ecrivains Angoumois lui ont donnés, quoique fans le nommer leur compatriote,

Ses Poëfies auroient pu, fans qu'on y perdît rien, être également oubliées. Le Recueil qui en fut imprimé en 1602. dédié au Marquis de Rofny, favori d'Henri IV, contient : Les Amours: Le faux honneur des Dames: L'Amour mercenaire & friponnier : Diverfes Poëfies: Cartels: Devises: Ballets, & vers chantés en mafque : Epitaphes Poëfies chrétiennes : & la Chafteté repentie, Paftorelle, en cinq Actes, & en vers Alexandrins.

LA VAL

LETRYE,

Les Amours font en cinquante-quatre Sonnets, & le faux honneur des Dames, en dix-huit. Ce fecond écrit eft impertinent, plein de maximes dangereufes & d'obfcénités. La Valletrye y attaque de front la Religion, la probité, & les liens même les plus facrés de la fociété civile, lorsqu'il cherche à détruire les raifons, même cellés qui font fondées fur l'honneur Aue les femmes oppofent aux piéges de

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