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Remarques de Vaugelas. Elles furent achevées en 1700, & mises au net par T. Corneille : l'Abbé Regnier, Sécrétaire perpétuel, ayant prié que l'on tînt de temps en temps la plume à fa place, pour n'avoir qu'à s'occuper de fa Grammaire. Car la Compagnie n'alla pas loin dans l'examen des doutes fur la langue, fans juger qu'un ouvrage de fyftéme & de méthode ne pou voit être conduit que par une perfonne feule. Qu'au lieu de travailler en corps à une Grammaire, il falloit en donner le foin à quelque Académicien, qui, communiquant enfuite fon travail à la Compagnie, profitât fi bien des avis qu'il en recevroit, que par ce moyen fon ouvrage, quoique d'un particulier, pût avoir dans le Public l'autorité de tout le Corps.

On en chargea donc l'Abbé Regnier,' qui, comme il le dit lui-même dans la Préface de fa Grammaire, y employa tout ce qu'il avoit pu acquerir de lumiéres par cinquante ans de réfléxions fur notre langue, par quelque (7) connoiffance

(7) Modestie à part, il pouvoit dire par

fance des langues voisines, & par trentequatre ans d'affiduité dans les affemblées de l'Académie, où il avoit presque toujours tenu la plume.

Qu'un jour l'Académie faffe pour lui fasse ce qu'elle a fait pour Vaugelas; qu'elle donne de courtes obfervations fur le petit nombre d'endroits, où il pourroit avoir trop déféré à fespréjugez ; & non-feulement ces deux habiles Grammairiens, Vaugelas & Regnier, suffiront à quiconque voudra favoir notre langue; mais peut-être conviendra-t-on qu'il n'y a point de langue vivante où l'on ait de fi grands fecours que dans la nôtre, & dont les principes aient été recherchez avec tant de pénétration, éclaircis avec tant d'exactitude.

Ainfi, des quatre anciens projets Dictionnaire, Grammaire, Rhétorique, Poëtique, en voilà deux d'exécutez avant la fin du dernier fiécle: & les deux, qui feuls appartenoient proprement à notre langue. Car la Rhétorique & la Poëtique font effentielle

ment

une parfaite connoiffance de l'Italien & de l'Efpagnol.

ment les mêmes pour toutes les nations, & dans tous les temps. Ou s'il y a quelque chofe de particulier pour nous dans la Rhétorique, c'est seulement ce qui regarde les figures de l'élocution; & dans la Poëtique, c'eft feulement ce qui regarde nos rimes, la conftruction du vers, & certaines piéces dont la forme n'eft connuë que parmi nous, comme le Virelai, la Ballade, le Rondeau. A cela près, je le répéte, tous les préceptes qui renferment l'effence de ces deux arts, font invariables, & il y auroit de la préfomption à croire qu'on puiffe enchérir fur ce que les Anciens nous en ont tranfmis.

Pour fe rendre donc utile à notre nation, ce n'eft pas de nouveaux préceptes en ce genre, c'eft des exemples

que l'Académie devoit au Public. En a-t-elle donnez ? Il ne faut que parcou rir la lifte des ouvrages qu'elle a produits, & qui font au nombre de fix ou fept cens, à n'y comprendre que ceux des Académiciens, dont nous parlons M. Pelliffon & moi. Or nous ne parlons que de quatre-vingt-cinq Académiciens, qui est tout ce qu'il y en a

F

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eu de morts jufqu'en l'année 1700. Quand l'ignorance ou l'envie fe plaifent à dire que l'Académie Françoife ne fait rien, par-là qu'entendent-elles? Que cette Académie en corps ne travaille pas ? En ce sens, non-feulement il n'eft pas vrai qu'elle ne travaille point; mais il eft vrai que c'eft la feule des Académies, qui ait travaillé, & qui travaille, parce qu'en effet le travail des autres n'eft pas (8) de nature à pouvoir fe faire en commun. Ces riches Mémoires, qui leur font tant d'honneur, & dont les volumes fe multiplient fi promptement, contiennent→ ils quelque production d'une Acadé mie en corps? Ils contiennent des dif fertations fournies par divers particuliers: & une differtation de M. de Mai ran, par exemple, n'eft pas plus l'ouvrage de l'Académie des Sciences, qu’une Tragédie de Racine eft l'ouvrage de l'Académie Françoise. Si cela eft,

on

(8) J'en excepte l'Histoire Métallique de Louis XIV, ouvrage commencé & fini par divers particuliers, la plufpart de l'Académie Françoife, avant que l'Académie des Infcriptions eût des Lettres patentes du Roi.

on m'avoiera que fix ou fepts cent va lumes, dont la lifte, pour venir jufqu'au temps préfent, feroit augmentée de plus d'un tiers, font affez voir que cette Académie n'est pas une Compagnie de gens oififs.

- En un mot, le véritable fruit de fes affemblées ne confifte point dans les travaux qui s'y font en commun. Il confifte bien pluftôt dans les lumiéres, que les écrivains qui font du corps, fe trouvent à portée d'y puifer mutuellement, pour se rendre plus capables de fervir le Public. Ce n'eft pas une loi pour eux de confulter la Compagnie fur leurs ouvrages: ils font auffi maîtres de leur plume, que s'ils n'étoient pas Académiciens : & comme la Compagnie ne répond, ni de leur doctrine, ni même de leur ftyle, auffi ne la confultent-ils qu'autant qu'ils le jugent à propos pour leur propre fatisfaction. Mais plus la liberté eft grande à cet égard, plus elle les invite à ne point fe refufer le fecours d'une Critique faite par leurs confréres. Critique toujours rigoureuse, parce qu'elle vient de gens éclairez; toujours utile, parce

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