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& d'elle, & de l'Académie. Elle choi fit un jour ordinaire d'affemblée, & ne déclara fon deffein que le matin même. Ce qui fut caufe que plufieurs Académiciens ne purent être avertis à temps, & que ceux qui s'y trouvérent, n'eurent rien à lire où la Princeffe fût intéreffée.

de

gens

Alors l'Académie s'affembloit chez M. le Chancelier Seguier, fon Protecteur. La Princeffe, en arrivant dans la falle où l'on devoit la recevoir, lui demanda tout bas de quelle forte les Académiciens feroient devant elle, ou affis, ou debout? Un d'eux, confulté par M. le Chancelier, dit que du temps de Ronfard il fe tenoit une affemblée de Lettres à Saint-Victor, où Charles IX alla plufieurs fois, & que tout le monde étoit affis devant lui. On fe régla là-deffus ; de maniére que la Reine s'étant affife dans fon fauteuil, tous les Académiciens, fans en attendre l'ordre, s'affirent fur leurs chaifes autour d'une longue table: M. le Chancelier à la gauche de la Reine, mais du côté du feu : à la droite de la Reine, mais du côté de la porte, le Directeur

de l'Académie, fuivi de tout ce qu'il y avoit d'Académiciens, felon que le hazard les rangea : & au bas bout de la table, vis-à-vis de la Reine, le Sécrétaire de la Compagnie.

Quand on fut placé, le Directeur (c'étoit M. de la Chambre) fe leva pour faire fon compliment. Tous les autres fe levérent auffi, & l'écoutérent debout, excepté M. Seguier. Pendant le reste de la séance, qui fut d'environ une heure, ils demeurérent affis, mais découverts ; & le temps fe paffa à lire diverfes piéces de leur compofition, vers & profe.

Une chofe affez plaifante, & dont la Reine se mit à rire toute la premićre, ce fut que le Sécrétaire voulant lui montrer un effai du Dictionnaire, qui occupoit dès lors la Compagnie, il ouvrit par hazard fon porte-feuille au mot Jeu, où fe trouva cette phrase Jeux de Prince, qui ne plaifent qu'à ceux qui les font, pour fignifier des jeux qui vont à fâcher ou à bleffer quelqu'un.

Je paffe d'autres particularitez, que l'éloignement des temps rendroit aujourd'hui moins intéreffantes, & qu'on

peut voir dans une (1) lettre de M. Patru à M. d'Ablancourt.

Quatre ou cinq ans après, le Roi choifit parmi ceux qui compofoient l'Académie Françoife, un petit nombre de Savans (2) les plus verfez dans la connoiffance de l'Histoire & de l'Antiquité, pour travailler aux Infcriptions aux Devifes, aux Médailles. Et de-là fortit en 1663 une efpèce de colonie qui, fous le titre d'Académie des Infcriptions & Belles-Lettres, s'eft accruë de nos jours avec tant d'éclat.

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Une autre Académie, dont les découvertes ont porté la gloire du nom François bien au delà des mers, l'Académie des Sciences, commença en 1666.

Juf

(1) C'eft la fixiéme des lettres de Patru à d'Ablancourt: elle n'eft point datée, mais on y fupplée par une lettre de Guy Patin à Char les Spon, du 22 Mars 1658. Deux ans auparavant, la Reine de Suéde étoit déjà venuë en France, & avoit été haranguée par M. Patru, au nom de l'Académie. Les Regîtres de ce temps-là font perdus ceux qui reftent, ne commencent qu'en 1673.

(2) Voyez les Lettres Patentes qui confirment l'établiffement de l'Académie des Enfcriptions, & de celle des Sciences, en 1713.

Jufqu'alors l'Académie Françoise n'avoit pas encore approché du Thrône; mais cette diftinction lui fut enfin accordée comme par hazard, fur les remontrances de M. Rofe, Sécrétaire du Cabinet. Le Roi, au retour de la Campagne 1667, ayant été harangué felon l'ufage par les Compagnies fupérieures, allà enfuite à la chaffe ; & comme il permettoit qu'on l'entretînt librement au débotté, les harangues du matin y furent toutes reffaffées l'une après l'autre. Sur quoi M. Rose dit agréablement, que dans des occafions où il s'agit d'éloquence, c'étoit un abus de ne pas y appeler une Compagnie, la feule qui foit inftituée pour cultiver l'éloquence; & que fa Majefté, après avoir réformé tant d'autres abus dans fon Royaume, ne devoit pas fouffrir celui-là. Il n'en fallut pas davantage le Roi ordonna, Que dans toutes les occafions qu'il y auroit de le haranguer, l'Académie Françoife y feroit, reçue avec les mêmes honneurs que les Cours fupérieures ; & l'Académie joüit pour la premiére fois de cette prérogative, après la conquête de la Franche-Comté, en 1668.

:

Pour ne pas interrompre fans raifon l'ordre chronologique, marquons en cet endroit l'établiffement des deux Prix qu'elle diftribue tous les deux ans, l'un d'Eloquence, l'autre de Pocfie.

Quant au Prix d'Eloquence, il a été. fondé par M. de Balzac,mort en 1654. Divers obftacles empêchérent que fa volonté ne pût être mise à exécution jufqu'en 1671. Et comme fon fonds avoit (3) profité jufqu'alors, ce Prix qu'il avoit fixé à deux cens livres, fut porté à trois cens. C'est une Médaille d'or, qui d'un côté représente Saint Louis; & de l'autre une couronne de laurier avec ce mot, A L'IMMORTALITE', qui eft la devife de l'Académie.

Pareille fomme eft destinée au Prix de Poëfie. Trois Académiciens du nombre defquels étoit (4) M. Pellifson,

,

en

(3) On fait cela par l'Affiche des Prix de l'année 1671.

(4) On m'a dit que les deux Ajoints de M. Pelliflon étoient M. Conrart, & M. de Bezons. Après la mort de M. Conrart, les deux furvivans partagérent les frais; & quand M. Pelliffon fe trouva feul, il les fit feul. On fait cela fûrement à l'égard de M. Pelliffon; mais

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