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de voluptueux, de libertin, & d'an thée.

Pas la moindre apparence de tout cela dans les écrits de M. de Balzac, qui étoit réellement un homme de bonnes mœurs, & plein de religion. Mais que ne voit on pas dans un Auteur, quand on le lit avec les yeux de la colére, de la vengeance, ou d'un zéle faux & amer, paffion la plus aveugle de toutes?

Je ne dis rien (13) de quelques petits écrivains, qui fe déclarérent pour P'un ou pour l'autre parti. Car du moment qu'un Auteur célébre a une guerre fur les bras, auffi-tôt il s'élève une nuée de combattans qui veulent à quelque prix que ce foit paroître dans la mêlée. Mais après la bataille, leur nom retombe dans l'oubli, & l'on ne fe fouvient que des Chefs.

Au

(13) Je ne m'engagerai pas non plus à raconter la querelle de Girac & de Coftar, furvenue long-temps après : elle ne regarde qu'indirectement M. de Balzac : d'ailleurs l'affaire feroit d'une difcuffion, qui me conduiroit trop Ioin.

Au refte, les vains efforts d'une Cri tique outrée, bien loin de ternir la gloire de M. de Balzac, ne fervirent qu'à en augmenter l'éclat. Il fit dans la fuite beaucoup de petits ouvrages, tous marquez au même coin. Il en fit de Critiques, de Moraux, de Politiques, de Théologiques. Il s'y montra toujours le créateur de fon élocution. Il eut quantité d'imitateurs, mais dont aucun ne l'égala : & s'il eut un concurrent dans l'art de bien écrire une lettre, c'eft que pour aller au même but, Voiture prit un chemin tout différent.

Voiture & lui étoient à peu près de même âge. Ils avoient l'un & l'autre beaucoup d'efprit. Ils cultivoient l'un & l'autre la profe & la poëfie. Ils apportoient l'un & l'autre (14) un foin extrême à la compofition de leurs ouvrages.

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(14) Pour Balzac il avoue qu'une petite lettre lui coûtoit plus qu'un gros livre à ce dé→ voreur de livres,en parlant de Saumaise, Tom.I, pag. 878. Et dans une autre de fes lettres, pag. 920, il s'écrie: O bien-heureux écrivains, M. de Saumaife en Latin, & M. de Scudéry en

ouvrages. Ils poffédoient l'un & l'au tre tout ce qu'il y avoit de beau en François, en Italien, en Espagnol, en Latin. Balzac fit divers ouvrages en Latin ; & Voiture montra par quelques effais, que pour fe diftinguer auffi en cette langue, il n'avoit qu'à vouloir s'en donner la peine. Voilà en quoi ces deux illuftres écrivains fe reffembloient.

A cela près, rien de plus oppofé que leurs caractéres. L'un fe portoit toujours au fublime : l'autre, toujours au délicat. L'un avoit une imagination. élevée, qui jettoit de la nobleffe dans les moindres chofes: l'autre une imagination enjouée, qui faifoit prendre à toutes fes pensées un air de galanterie. L'un, même lorfqu'il vouloit plaifanter, étoit toujours grave: l'autre, dans les occafions même férieufes,

François J'admire votre facilité, & j'admire votre abondance ! Vous pouvez écrire plus de Calépins, que moi d'Almanachs.

A l'égard de Voiture, il n'y a qu'à voir la Défenfe de les ouvrages par Coftar, pag. 16 & 17.

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fes, trouvoit à rire. L'un vouloit être admiré l'autre, fe rendre aimable. On fut long-temps partagé fur leur mérite comme il arrive néceffairement, lorfqu'il s'agit de comparer deux auteurs, qui n'ont pas écrit dans le même goût. Enfin la Poftérité, qui feule peut (15) établir le vrai mérite des ouvrages, s'eft accordée en ce point, que ni Balzac, ni Voiture, ne lui paroiffent être fans défauts. Et pour me borner ici à ce qui regarde le premier on eft revenu, il y a long-temps, de fes hyperboles on lui reproche l'affectation & l'enflure: on ne lui trouve pas toujours ce vrai, que la nature veut par-tout, & qui n'eft autre chofe que la nature elle-même.

Par où donc M. de Balzac, malgré fes défauts, fe fit-il regarder de toute la France, comme le plus éloquent homme de fon fiécle? Par le fecret qu'il trouva, de donner à notre langue (16) un tour & un nombre qu'elle n'avoit point auparavant.

(15) Defpreaux, Réflex. VII fur Longin. (16) Entretiens d'Arifte & d'Eugéne. Quad trième édition de Cramoify, pag. 150.

auparavant. Mais ceci demande un éclairciffement, qu'il faut prendre de plus loin.

Jufques à François I, notre langue fut affez négligée. Elle fortit du cahos , pour ainfi dire, avec les sciences & les arts, dont ce Prince fut plustôr le pére que le reftaurateur. En peu de temps, à la vérité, elle fit d'étonnans progrès, ainsi que nous le voyons par les écrits d'Amyot pour la profe, & de Marot pour les vers. Mais attentifs à leurs plus preffans befoins, les écrivains de ce temps - là n'alloient pas tant à polir notre langue, qu'à l'enrichir. Il ne s'agiffoit pas encore de chercher l'agréable, qui confifte dans l'élégance & dans l'harmonie. Il falloit pourvoir d'abord au néceffaire qui confifte dans l'abondance des mots, & dans la clarté de la conftruction. Enfin Malherbe vint, & le premier

en France

Fit fentir dans les vers une jufte
cadence,

dit M. Defpreaux. Mais cette cadence,
Malherbe ne la vouloit que pour les

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